Les litières, amendements pour les sols

Systèmes de gestion informatique des épandages

Bosch et Napit (1992 dans Reddy et al., 2009) ont étudié la viabilité économique du transport de fumier de poulet de chair depuis les zones excédentaires vers les zones déficitaires. Les résultats de l’étude montraient que la valeur du fumier comme engrais était plus élevée que les coûts associés à son transfert, jusqu’à une distance de plus de 50 miles (soit 80 km).
Cette distance est faible par rapport à l’estimation de Paudel et al. (2004). Ces derniers ont calculé la rentabilité de l’utilisation du fumier de volaille comme source de nutriments pour les cultures en utilisant une règle d’application de la fumure organique basée sur sa concentration en phosphore. Une tonne de litière peut être transportée jusqu’à 164 miles soit 260 km environ à partir de l’installation de production. Un modèle de transport basé sur le phosphore pour réduire les coûts, développé pour combler les besoins en nutriments de 29 comtés au Nord de l’Alabama révélait que tout le fumier ne pouvait pas être utilisé dans la région. Le coût total augmentait lorsque le transport du fumier hors des comtés largement excédentaires était privilégié. L’utilisation totale du fumier était très peu affectée par les changements de prix des engrais. Les simulations de prix permettaient de tester de nombreuses situations.
Les disparités à l’intérieur d’un état peuvent également encourager le développement d’outils informatiques de gestion des épandages sur l’ensemble du territoire. C’est le cas de l’Alabama qui produit chaque année 1,8 million de tonnes de fumier. Comme la production de volaille est concentrée principalement dans le Nord de cet Etat soit dans la région du plateau Appalache, cette zone souffre d’un épandage excessif de fumier depuis 25 ans, induisant une accumulation du phosphore dans le sol et une dispersion par ruissellement d’agents pathogènes et de phosphore depuis les zones d’épandage. Inversement, l’agriculture est peu développée dans la région de la Ceinture Noire située plus au Sud dont les sols sont moins fertiles. Afin de réaliser une gestion raisonnée du fumier de volaille dans cet état, les excédents obtenus dans les zones de production intensive sur le plateau Appalache devraient être redistribués de manière optimale ou transportés plus au Sud pour une utilisation dans la région de la Ceinture Noire. Dans cet esprit, Kang et al. (2008) ont développé un système détaillé d’information géographique (Geographic Information System, GIS) pour la gestion du fumier de volaille dans et hors des élevages avicoles sur le plateau des Appalaches et la région de la Ceinture Noire. Le système intuitif détaillé intègre la planification de l’utilisation des nutriments, l’analyse du transport et la gestion des données relatifs à l’emploi des effluents de volaille comme fumure. Il peut aider à réduire les épandages excessifs. Aussi, grâce à cette approche, le fumier peut être redirigé de façon optimale vers les aires déficitaires en nutriments, à coût maîtrisé et en respectant l’environnement de Alabama.
En conclusion, les systèmes informatiques sont une solution d’avenir pour la gestion des épandages à large échelle. Cependant, ces solutions sont complexes et coûteuses à mettre en place, elles nécessitent une connaissance précise des besoins en nutriments des terres concernées.

Contexte agricole du Sud Est des Etats-Unis d’Amérique

Le Sud Est des Etats-Unis d’Amérique produit les trois quarts de la production de volaille du pays. Le fumier de volaille y est donc produit en quantités très importantes (voir I. G.). Par ailleurs, c’est aussi une région de cultures intensives, notamment de coton (Gossypium hirsutum) et de maïs (Zea mays), qui conduisent à une érosion importante des sols. C’est pourquoi de nombreuses études sont conduites dans cette zone pour tenter d’endiguer le processus d’érosion engendré par les décennies de cultures intensives. Le fumier de volaille y est de plus en plus utilisé comme amendement pour les cultures car il s’est avéré être un engrais efficace et est généré en quantités abondantes dans ces régions (Tewolde et al., 2009). De plus, le fumier est beaucoup moins cher que les engrais chimiques particulièrement ces dernières années où le prix de ces derniers a doublé en Amérique du Nord.
Il a été utilisé avec succès comme engrais pour la production de maïs, de céréales à paille, des fruits et des légumes (Nyakatawa et al., 2001c). C’est une source relativement bon marché de macronutriments (N, P, K, Ca, Mg, S) et de micronutriments (Cu, Fe, Mn, B) et il peut augmenter la matière organique azotée, le taux de carbone, la porosité et améliorer l’activité microbienne du sol (Nyakatawa et al., 2001c).

Production de coton, de maïs et industrie de la volaille

Le coton est devenu une culture dominante dans le Sud-Est des Etats-Unis d’Amérique. D’autre part, la Géorgie et les Etats limitrophes produisent environ 42 % de la volaille nationale. En Géorgie seulement, cela génère plus de 1,6 millions de tonnes de fumier annuellement. La valeur fertilisante du fumier est bien reconnue, mais une grande partie est appliquée sur les pâtures et peu sur les terres cultivées.

Érosion et pratiques aratoires anti-érosives et culture de couverture

L’érosion du sol est une menace majeure pour la survie de l’économie agricole mondiale à moyen et long terme et de l’environnement. En effet, la productivité du sol diminue avec l’érosion qui se traduit par une réduction des niveaux de matière organique dans le sol Les pratiques aratoires anti-érosives, comme le système sans labour ou le labour paillis avec une culture de couverture de seigle (Secale cereale) en hiver modifient les propriétés chimiques du sol, ce qui affecte la croissance des cultures et l’environnement. Le concept du « sans labour » est apparu dans les années 1950, mais son implantation a plus largement commencé dans les années 1980 aux Etats-Unis d’Amérique puis en Australie, en Amérique du Sud et au Canada. Les bénéfices majeurs du système sans labour , par rapport au labour conventionnel, incluent une moindre érosion et donc une amélioration de la qualité du sol (Nyakatawa et al., 2001a), une diminution des apports d’intrants, du travail et du coût des équipements (Reddy et al., 2009).
Seulement 12 % des 620 000 hectares concernés, en Géorgie, par exemple, utilisent les pratiques aratoires anti-érosives.
De nombreuses études présentées dans les chapitres suivants sont construites suivant le même modèle : l’évaluation de l’effet du type de labour (labour conventionnel avec enfouissement, sans labour ou labour paillis) et de la culture de couverture, ainsi que la comparaison entre 2 types de fertilisation azotée, par un engrais azoté conventionnel (classiquement : l’urée-ammonium-nitrate ou UAN) ou par le fumier de volaille. Dans le texte, nous mentionnerons que l’étude a lieu dans le Sud-Est des Etats-Unis d’Amérique pour faire référence à ce modèle.

Épandage sur différents types de cultures

Pâtures

Dans les zones de fortes concentrations d’élevages avicoles, le fumier a historiquement été épandu sur les pâtures proches des installations de production, mais la pollution de l’eau par le phosphore issu de ce type d’effluents et dans une moindre mesure par l’azote a conduit à des réductions volontaires ciblées et encadrées par la législation de ces pratiques. Les taux d’application classiquement utilisés sur les plaines fourragères et les pâtures vont de 4,5 à 11,2 tonnes de matière brute par ha (Adams et al., 1994 dans Liechty et al., 2009).
L’emploi judicieux du fumier de volaille solide peut permettre l’obtention de pâtures et de cultures très productives et valorisables. Cependant, ces effluents sont potentiellement à risque pour la santé humaine et animale. Le guide de bonnes pratiques proposé par Griffiths (2007) a pour but d’aider les agriculteurs à utiliser correctement ce substrat afin d’optimiser la production des pâtures tout en minimisant les risques des produits dérivés pour la santé des troupeaux et des consommateurs tout comme la pollution de l’environnement.
Une utilisation raisonnée de l’engrais combine une « budgétisation » des nutriments (i.e. la connaissance précise des nutriments utilisés) avec des tests du sol (pour vérifier si les niveaux recherchés pour les différents nutriments sont atteints).
Il serait possible d’enfouir le fumier dans le sol ; cependant, cette pratique détruit les pâtures établies et augmente le risque d’érosion du sol.
Épandre sur une pâture récemment broutée ou fauchée laissant 5 à 10 cm de hauteur d’herbe facilitera la fixation du fumier sur place et diminuera les pertes par lessivage. Pour protéger davantage les cours d’eau, il faut maintenir une végétation « tampon », non amendée, de 10 à 30 m de largeur sur tout le pourtour des zones d’épandage et le long de tous les cours d’eau. La largeur de la zone tampon dépendra de la pente, de la végétation de couverture et de l’eutrophisation ou non des cours d’eau.
Des recommandations très générales proposent un plan d’application de 15 m3/ha pour les deux ou trois premières années sur des pâtures intensives irriguées, puis conseillent de tester le sol pour vérifier que la concentration en phosphore a atteint le niveau désiré. Ensuite, on appliquera en alternance chaque année le fumier de volaille et un engrais azoté ou potassique si nécessaire. Sur une terre moins productive, sèche, ou sur des aires d’épandage pâturées, le même principe s’applique, mais en employant moins d’engrais pour maintenir les niveaux de production ciblés.

Coton

Le coton a en général répondu positivement en termes de rendement lors d’application directe de fumier de volaille dans des systèmes de labour conventionnel (Nyakatawa et al., 2001c).
Tewolde et al. (2009) ont testé si le fumier de poulet améliorait la fourniture en macronutriments (N, P, K et Mg) des plants de coton par rapport à des engrais conventionnels inorganiques et déterminé si l’absence de fumier réduisait la concentration en macronutriments dans les différentes parties du plant de coton dans le Sud-Est des Etats-Unis d’Amérique. Le traitement azoté était ajusté pour fournir 101 kg/ha d’azote disponible pour les plantes, en considérant qu’environ l’intégralité de l’UAN et 50 % de l’azote total du fumier devenaient disponibles pour la plante pendant la phase de croissance du coton. Les concentrations en azote , phosphore et potassium ont été mesurées dans les feuilles, les tiges et les parties reproductrices à 3 ou 4 reprises entre le début de la floraison et la maturité. Les feuilles, tiges et parties reproductrices du coton fertilisé avec les traitements à base de fumier seul présentaient une concentration en azote invariablement plus faible mais des concentrations en phosphore et en potassium plus élevées que le coton exposé à l’engrais conventionnel uniquement. La concentration en magnésium dans les feuilles et les tiges semblait dépendre de la concentration en azote dans ces parties de la plante. L’absence d’enfouissement du fumier dans le sol diminuait la concentration en azote dans presque toutes les parties de la plante à tous les stades de croissance, suggérant ainsi qu’une partie de l’azote dérivé du fumier serait perdue. Elle était également associée à une diminution de la concentration en magnésium dans les feuilles et la tige, mais aucun effet sur les concentrations en phosphore et en potassium dans les parties de la plante n’était observé. Indépendamment du traitement d’enfouissement, la fertilisation avec les traitements à base de fumier seul augmentait les concentrations en phosphore et en potassium dans les tissus végétaux ainsi que le rendement en peluches, par rapport au traitement standard, sans toutefois accroître la teneur en azote dans les tissus.
Le coton fertilisé avec le fumier recevait donc suffisamment d’azote. Cet engrais organique peut donc être appliqué en considérant que 50 % de la concentration d’azote mesurée dans l’analyse élémentaire devient disponible pour la plante pendant la phase de croissance.
Le fumier peut être apporté sous 2 formes : fumier frais ou composté. Reddy et al. (2007) ont comparé trois sources d’azote : l’urée, le fumier de volaille frais et le fumier de volaille composté à 40, 80 et 120 kg d’azote disponible pour les plantes par hectare, avec ou sans carboxyméthyl pyrazole (CP). Ces traitements ont été évalués pour leur effet sur la croissance du coton et son rendement en Alabama de 1994 à 1998. Parmi les trois sources d’azote, le fumier de volaille frais induisait le plus haut rendement en peluches pendant les 5 ans d’étude (1492 kg/ha) par rapport au fumier composté (1392 kg/ha) et à l’urée (1391 kg/ha). Le compostage du fumier frais n’avait donc pas d’effet positif sur la croissance ou le rendement du coton. Le CP n’avait pas d’impact significatif sur ces deux mêmes critères. La libération progressive du nitrate par l’amendement de CP n’a donc pas d’influence sur l’amélioration du rendement par le fumier de volaille.
En conclusion, le fumier de volaille peut être utilisé comme engrais pour le coton sans nuire à la production (évaluée par le rendement en peluches). La pratique consistant à l’appliquer en considérant que 50 % de l’azote total mesuré est disponible pendant la saison de croissance est validée par les études sur le terrain. De plus, il est préférable d’apporter du fumier frais plutôt que composté pour l’optimisation de la production.

Maïs

Sistani et al. (2008a) ont évalué le fumier de poulet comme source de nutriments pour la production de maïs, l’influence du labour et les effets résiduels qui suivent l’application de cet engrais dans le Sud-Est des Etats-Unis d’Amérique. Ils ont également étudié les conséquences de l’application de fumier sur les concentrations de certains éléments dans le sol, particulièrement le phosphore, le zinc et le cuivre. Le fumier de volaille était appliqué à 11 ou 22 t de matière brute/ha. Le maïs était cultivé avec du fumier de volaille et de l’engrais inorganique appliqués sur les mêmes lots chaque année de 1998 à 2001. En 2002 et 2003, le maïs a été planté sans labour, sans ajout de fumier (pour évaluer la fertilité résiduelle du fumier) ; un engrais contenant seulement de l’azote était alors épandu pour combler les besoins du maïs. Des échantillons de sol ont été prélevés chaque année au printemps, avant l’application de fumier, et 4 ans après l’arrêt du traitement pour évaluer le statut des nutriments résiduels dans le sol. Sur les quatre ans de l’expérimentation, le fumier de poulet appliqué générait un rendement en grains de maïs significativement plus important que l’application équivalente d’azote sous forme d’engrais chimique pendant 2 ans ; elle produisait un rendement similaire les deux autres années. Après 4 ans d’application de fumier, le test Mehlich-3P a augmenté de 18 mg/kg initialement à 156 mg/kg avec 11 t/ha et à 257 mg/kg avec 22 t/ha de litière. Chaque apport supplémentaire de 6 kg/ha de phosphore sous forme de fumier avait pour conséquence une augmentation de 1 mg/kg du test Mehlich-3P. Des augmentations modestes du test Mehlich-3 Cu et Zn ne permettaient pas d’atteindre des niveaux phytotoxiques.
Le mode d’épandage du fumier peut également déterminer la disponibilité de l’azote pour le maïs. L’emploi d’un applicateur pour l’épandage de déchets solides en surface (ou l’épandage entre les rangs, figure 5) à destination des cultures de céréales en rangs a été évalué par Glancey et al. (2008). L’appareil peut délivrer une quantité précise de fumier animal et d’autres substrats solides bruts entre les rangs de céréales en croissance sans que le matériel ne soit en contact avec les plants. Les résultats de l’étude de terrain sur 3 ans indiquaient clairement que la mise à disposition en surface du fumier de volaille au moyen de cet équipement d’épandage et un suivi précis du taux d’azote dans le sol et la plante, pourraient améliorer l’efficacité agronomique de la production de maïs sans toutefois nuire à l’environnement. Les rendements économiques optimaux étaient obtenus avec des engrais azotés au démarrage et des taux modérés d’azote dans le sol de surface. L’épandange de fumier de volaille en surface était aussi efficace que l’utilisation d’engrais du commerce (urée-ammonium- nitrate) dans les mêmes conditions. Le premier traitement revenait néanmoins à environ 10 $/ha de plus que la mise en œuvre des méthodes conventionnelles, ce qui pouvait être attribué aux plus faibles concentrations en azote dans le fumier, nécessitant significativement plus de sessions d’épandage et un temps d’opération plus long par hectare.
Figure 5 : vue schématique d’un épandeur de déchets solides (a) et photographie du côté gauche de l’épandeur (b). D’après Glancey et al., 2008.

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