Histoire des liquides ioniques
L’étude des liquides ioniques n’a émergé réellement qu’au début des années 1990, et connaît depuis une évolution exponentielle en termes de publications . Toutefois il faut rappeler que la première description d’un liquide ionique remonte au XIXe siècle par Friedel et Crafts sous la forme de la célèbre « huile rouge » observée dans l’une de leurs réactions. En 1914, Walden décrit le nitrate d’éthylammonium ([EtNH3]+[NO3]-), dont le point de fusion est de 12°C. Ce produit se révèle être l’ancêtre des liquides ioniques à température ambiante (RTILs, room température ionic liquids).Il faudra attendre près de cinq décennies avant de rencontrer la publication d’autres exemples de liquides ioniques.
En effet entre les années 1950 et 1980, on a assisté aux études systématiques de combinaisons de divers cations et anions. Cela a conduit aux liquides ioniques dits de première génération (chloroaluminates en particulier). Ces derniers sont conçus pour des applications en électrolyse et pour l’armement.
Ainsi en 1963, suite à un défi technologique, une nouvelle ère en chimie commença. Ce fut celle des solvants non-aqueux à base de liquide ionique.
Pour abaisser la température de fusion du mélange LiCl/KCl utilisé dans les batteries, une grande recherche bibliographique fut menée par l’académie Air Force aux Etats Unis. Ces dernières se concentrent tout d’abord sur le développement de système à base de chlorures alcalins et de chlorure d’aluminium pour trouver le matériau capable de remplacer ce composée eutectique. L’utilisation de liquide ionique, tel qu’on le connait aujourd’hui, débute à cette époque, en tant qu’électrolyte pour les batteries.
La quête de nouveaux anions aboutira dans les années 1990 aux liquides ioniques dites de deuxième génération. Ils sont compatibles avec de nombreuses entités organiques. Nous pouvons citer les sels de dialkylimidazolium associés aux anions tétrafluoroborate, hexafluorophosphate, nitrate, sulfate ou acétate. L’ère de la troisième génération a débuté depuis les années 2000 incluant les liquides ioniques à tâche spécifique. Ils sont utilisés comme catalyseur, réactif ou substrat supporté sur un liquide ionique. Ainsi beaucoup de réactions en chimie organique ont été réexaminées avec succès dans ces nouveaux milieux. Dans ces milieux, les réactions se font avec de net atouts comme l’accélération de la vitesse de réaction, la stabilisation et la récupération du catalyseur, une sélectivité accrue avec des conditions expérimentales plus douce.
Définition et structures des liquides ioniques
Les liquides ioniques sont des sels possédant une température de fusion inférieure à 100°C. Les liquides ioniques fondus à la température ambiante, présentent de nombreux avantages pratiques et sont donc plus utilisés. Le terme générique « liquide ionique »(en anglais: ionic liquids) a été introduit en 1943. Ils résultent généralement de l’association d’un cation organique et d’un anion organique ou non.
La liste des liquides ioniques ne cesse d’augmenter. Les cations rencontrés sont généralement volumineux et dissymétriques. Cela contribue à gêner les empilements cristallins et diminue donc la température de fusion.
Les cations sont plus souvent de type dialkylimidazolium, tétraalkylammonium, tétraalkylphosphonium ou alkylpyridium. Les anions sont généralement de type tétrafluoroborate, hexafluorophosphate, halogénure, ou triflate. Ces anions peuvent être inorganiques (Cl-, AlCl4-, PF6-, BF4–, NTf2-, DCA-) ou organiques (CH3COO-, CH3So). Ils se forment des liquides seulement constitués de cations et d’anions. Les liquides ioniques sont employés de plus en plus comme substituts aux solvants organiques traditionnels dans l’industrie chimique.
Réaction de quaternisation du noyau imidazole
La préparation du cation peut être effectuée soit par protonation en milieu acide soit par quaternisation d’une amine par un halogénure d’alkyle.
La protonation des imidazoles par un acide conduit directement aux sels d’imidazoliums désirés. Cette technique ne permet pas la préparation de sels d’imidazoliums alkylés en position 3. La substitution nucléophile d’halogénures d’alkyles par les imidazoles conduit avec de bons rendements aux halogénures d’imidazoliums correspondants.
Cette méthode a l’avantage d’utiliser des réactifs commerciaux et bon marché. Cependant cette méthode nécessite souvent la distillation des réactifs et des temps de réaction importants (plusieurs jours avec les chloroalcanes) même s’ils peuvent être réduits par utilisation des micro-ondes ou en opérant sous pression. La réactivité des halogénures d’alkyles croit dans l’ordre : Cl>Br>I. Les fluorures ne peuvent pas être préparés de cette manière. La réaction de quaternisation d’amine par des triflates ou des tosylates est également possible du fait de la présence d’un très bon groupe partant et peut être réalisée à température ambiante.
Ces réactions peuvent être effectuées sans solvant. Dans tous les cas, cette étape est réalisée sous atmosphère inerte du fait du caractère extrêmement hygroscopique, voire hydrolysable des réactifs et des produits.
La décantation en fin de réaction permet d’éliminer l’excès de solvant et de réactifs. En effet, les sels d’imidazoliums sont généralement plus denses que les solvants organiques mais par précaution, le produit est généralement traité sous vide avant usage pour éviter toutes traces d’eau ou de produits volatils. Le cation, une fois préparé, peut être également purifié par recristallisation ou lavé avec un solvant non-miscible.
Réaction d’échange de l’anion
La réaction d’échange de l’anion peut se diviser en deux catégories : traitement direct du sel d’imidazolium par un acide de Lewis ou réaction d’échange par métathèse d’anions. Le traitement d’un halogénure d’imidazolium avec un acide de Lewis MXn conduit à la formation d’un contre-ion métallique.
Cette réaction est relativement exothermique et doit être réalisée en conditions anhydres. Il est possible de réaliser l’échange de l’anion des sels d’imidazoliums avec un autre sel inorganique : Cette réaction conduit aux LI avec de hauts rendements et une très bonne pureté. L’inconvénient de cette technique est lié à l’échange incomplet des halogénures qui peut conduire à la contamination du LI. Par conséquent, un grand soin doit être apporté lors de la phase de lavage du LI.
Les LI obtenus par ces voies de synthèse sont généralement des liquides, incolores bien que les sels d’imidazoliums à base de PF6 ou BF4 puissent présenter une légère coloration jaune. Il est indispensable de caractériser la pureté de ces composés et il est parfois nécessaire de les purifier avant usage.
Toxicité et biodégradabilité
Les liquides ioniques sont souvent présentés comme des solvants de la chimie verte. Jusqu’à aujourd’hui la toxicité des LI est mal connue, ainsi certaines études ont été entreprises pour évaluer quelques propriétés toxicologiques. Des études systématiques, s’intéressant principalement aux LI à base imidazolium, ont été entreprises assez récemment.
Rank et coll. démontrent que plus la chaîne alkyle latérale du cation est longue, plus la toxicité du LI est grande. L’introduction d’une chaine polaire réduit leur toxicité et augmente leur biodégradabilité. En revanche, aucune tendance n’a pu être dégagée quant à l’influence de la nature du cation: imidazolium, pyridinium, ou ammonium quaternaire, même si les cations non-aromatiques paraissent moins toxiques que les cations aromatiques .
Table des matières
Chapitre 1 : Généralité sur les liquides ioniques
INTRODUCTION
I-Historique des liquides ioniques
II-Définition des liquides ioniques
III-Synthèse des liquides ioniques
III-1. Réaction de quaternisation du noyau imidazole
III-2. Réaction d’échange de l’anion
Chapitre 2 : Les liquides ioniques à tâche spécifique
INTRODUCTION
I-Catalyseurs supportés sur liquide ionique
I.1-Utilisation des LI dans les réactions d’oxydation des alcools en dérivés carbonyles
I.2-Utilisation des LI dans les réactions d’aldolisaion
II-Réactifs supportés sur liquide ionique
II.1-Utilisation des LI dans les réactions d’oxydation des alcools en cétones
II.2- L’intérêt des anions des LI
III-Substrats supportés sur liquide ionique
III.1-Utilisation des LI dans les réactions de couplage C-C
III.2- Utilisation des LI dans les réactions de cycloaddition de Diéls-Alders
IV-Toxicité et biodégradabilité
CONCUSION
BIBLIOGRAPHIE