Les limites des politiques de l’état pour combattre les inondations

Des limites des politiques d’urbanisme 

Nos villes présentent un tableau peu reluisant. Les autorités n’ont pas pu stopper ce mal. Les populations ont vite compris que lorsque l’Etat tarde à manifester sa capacité à organiser l’espace, il faut se dépêcher de l’occuper en s’autoproclamant organisateur et aménagiste avec les dérives que cela comporte. Profitant de ces espaces vacants les populations viennent s’installer, les quartiers ainsi érigés sont plus prés dans leur zoning de la structure villageoise que des créneaux modernes de gestion des espaces urbains. Les villes du Sénégal regorgent d’aberrations et d’anomalies de ce genre, et sont en contradiction avec les règles d’urbanisme les plus élémentaires.
Dakar, et avec elle, les autres villes du Sénégal se « ruralise ». Les années de sécheresse, le manque  de sérieux dans l’exécution des projets d’infrastructures qui font le volet assainissement a été de manière systématique négligé dans les projets, et la prolifération de bâtiments sans autorisation de construire, expliquent les inondations récurrentes de Dakar et de beaucoup de villes du Sénégal avec le cortége de désagréments qui s’en suit.
Ainsi sur des décennies, l’anarchie, en matière de gestion de l’espace, a été érigée en mode de gouvernement. Le retour d’une bonne pluviométrie salutaire pour le monde rural, a révélé nos tares en matière d’aménagement. « Gouverner c’est prévoir », c’est l’art de développer une capacité de prévention à même de faire face à des situations de crise au lieu de déclencher constamment le plan d’organisation des secours (plan ORSEC).
Les inondations d’août 2005 avec 180mm de pluies recueillies en deux jours reposent avec acuité la difficulté que les pouvoirs publics éprouvent à faire face à ce fléau. D’où l’urgence d’une action rapide et d’envergure pour mettre les populations à l’abri des inondations afin de sécuriser les personnes et les biens. La ville de Dakar et en réalité l’ensemble des villes souffre d’un problème endémique consécutif à la déficience voire à l’inexistence d’un réseau d’assainissement capable de traiter les eaux pluviales et les eaux usées domestiques. Le système d’assainissement est obsolète, et est dans un état de délabrement avancé.
Certes les bassins de rétention des eaux pluviales construits dans le cadre du plan jaxaay peuvent atténuer les effets des inondations mais on ne semble pas avoir pris le temps nécessaire dans l’étude technique pour leur confection ce qui pourrait être à l’origine d’un certains nombres de problèmes liés à leur dimensionnement.

Des limites des programmes d’habitat et d’assainissement 

La politique d’assainissement doit être corollaire à la croissance démographique et imposée toujours et de façon exponentielle des exigences nouvelles pour un cadre de vie adéquat. Il est aussi important avant d’initier toute politique de lutte contre les inondations de développer une démarche participative et concertée avec les différents acteurs concernés tant dans sa phase d’élaboration que dans sa mise en œuvre ce qui a souvent été le tendon d’Achille des politiques en vigueur. Certes les pouvoirs publics doivent prendre des décisions hardies quitte à déguerpir , reloger , ouvrir dans les dédales des bidons villes et des habitats spontanés de nouveaux axes routiers. Ce seront des travaux importants qui, menés à bien, doteront Dakar d’un réseau d’assainissement (séparatif ou unitaire), de belles et spacieuses avenues avec des risques d’inondations diminués .La plupart des zones inondées sont selon le code de l’urbanisme « non ædificandi » c’est-à-dire impropres à l’habitation.
Au Sénégal, des dispositions sont prises par la loi 88-05 du 20 juin 1988 portant Code de l’Urbanisme afin de promouvoir l’utilisation rationnelle de l’espace, en harmonie avec les préoccupations d’ordre social, économique, et écologique des populations surtout urbaines.
C’est ce que traduit le Code en son article premier qui stipule que : « L’urbanisme a pour objet l’aménagement progressif et prévisionnel des agglomérations dans le cadre d’une politique de développement économique et social et d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Il tend notamment par l’utilisation rationnelle du sol, à la création pour l’ensemble de la population d’un cadre de vie propice à son développement harmonieux sur les plans physique, économique, culturel et social. ».
Cependant même si le code est clair en ce qui concerne les zones non aedificandi les populations continuent d’occuper ces espaces impropres à l’habitation.
L’Etat a donc laissé faire sans prendre les mesures à temps ce qui a contribué à rendre la situation incontrôlable. C’est dans cet esprit que Merlin (200052) faisait remarquer que l’extension des villes en Afrique s’est faite de façon « spontanée avec le développement de bidonvilles sur des terrains appartenant à l’Etat ou à des lotisseurs privés et vers les périphéries et autres espaces qui naguère étaient plus ou moins naturels ou à vocation agricole. »
Il s’agira pour venir à bout des inondations de régler le problème de l’habitat surtout dans nos villes .En effet nos villes et dans une moindre mesure nos campagnes ont de plus en plus de mal à doter leurs populations d’un toit et d’un minimum de confort. Dakar est un exemple patent. La croissance démographique vertigineuse des pays en voie de développement n’a fait qu’accroître le problème.
Le planificateur a souvent négligé les couches sociales nécessiteuses en matière d’habitat.
Malgré la bonne volonté des autorités actuelles, les solutions tardent à faire leur effet. Dans l’élaboration des projets de logement de Société Immobilière du Cap Vert (SICAP) l’objectif était au départ de doter le maximum de logements aux sénégalais. La cible était de petits fonctionnaires et les ouvriers. Il fallait assister à cette frange de population en lui octroyant un logement décent. Mais, force est de reconnaître qu’aujourd’hui la cible a été laissée de côté.
Les SICAP et les HLM (les Habitats à Loyers Modérés) sont plus habités par des gens aisés que des gens appartenant à des cibles de base, à l’origine. Les maisons et les appartements qu’ils proposent sont hors de portée des ménages moyens. Il urge de repenser cette politique de l’habitat pour lui donner une dimension plus sociale. Pour cela il faudra évacuer le casse tête foncier.

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Des limites des politiques de développement du monde rural 

En réalité, seule une solution de longue haleine, permettant de prendre en compte la majorité de la population agricole (60% de la population globale sénégalaise) doit être envisagée. Elle passe par l’investissement massif dans la maîtrise de l’eau, dans les infrastructure et équipements, dans l’optique de donner aux populations les moyens d’épanouissement dans les limites de leurs territoires. Elle permettra à la fois de régler définitivement les problèmes de congestion à Dakar et tout son corollaire d’inondation, d’insalubrité, d’insuffisance du système de transport entre autres.
Rappelons que la majorité des populations de la banlieue dakaroise dont Médina Gounass est issue du monde rural qu’elle à quitter à la suite de la sécheresse des années 70.
L’exigence d’une politique d’aménagement du territoire équilibrée plus importante, est devenue une nécessité afin de nous éviter les conséquences irréversibles d’une politique mal pensée. La politique d’aménagement du territoire doit être un des leviers essentiels pour la transformation et l’amélioration du cadre de vie des populations. Elle doit favoriser une meilleure occupation de l’espace agricole. Plus de deux tiers de la population rurale se trouvent à l’ouest, le long de la façade maritime et plus particulièrement dans sa partie centrale que d’aucuns appellent la partie utile du Sénégal. Par contre, la partie Est du territoire, surtout sa partie Sud-est qui, pourtant, regorge d’énormes potentialités agricoles est peu peuplée. En réalité comme le souligne le FNUAP53 la pauvreté rurale, la dégradation des conditions de vie et la forte fécondité chassent ainsi 20 à 30 millions des habitants du monde vers les grandes villes et moyennes.
Des investissements dans les infrastructures, les équipements et les services pourraient renverser la tendance.
Elle doit encourager le développement des villes moyennes mieux réparties sur le territoire national, pour davantage atténuer la force attractive de la capitale sur le monde rural. Cette politique permettra une meilleure répartition des populations sur le territoire national et juguler la concentration massive de la population sur une seule partie du pays. Elle rapprochera les marchés urbains du monde rural. Ce qui du reste va offrir à l’agriculture plus d’opportunités et favoriser le développement de l’agriculture périurbaine qui est aujourd’hui concentrée dans la zone des Niayes et plus particulièrement autour de Dakar et Thiès.
Il faut également appuyer l’émergence d’une nouvelle ruralité (la citoyenneté rurale) par l’entremise d’une planification participative. En envisageant de doter les 14 119 villages du Sénégal des structures de base (infrastructure et équipements), nécessaires pour l’épanouissement des populations et capables d’inciter le développement d’activités économiques, sociales et culturelles en milieu rural. Tout cela dans une par faite harmonie avec les exigences de la protection de l’environnement afin d’inscrire ces actions dans la durabilité.
En somme la résolution durable des inondations passe nécessairement par le développement du monde rural pour éviter à nos villes de connaître les difficultés comme les inondations récurrentes liées à l’urbanisation incontrôlée. Certes les politiques de restructuration et de recasement ne sont pas mauvaises en soi mais elles doivent pour plus d’efficacité être accompagnées par une politique globale d’aménagement du territoire

PROPOSITIONS

Au regard des nombreux problèmes liées aux inondations et aux difficultés de les résoudre en dépit des actions et des politiques mises en œuvre aussi bien par les populations que par les pouvoirs publics un certain nombre de suggestions se prêtent à nous ; il s’agit :
 De doter les quartiers inondés d’un réseau d’assainissement adapté et fonctionnel ou d’améliorer le réseau existant;
 De joindre aux bassins de retentions des eaux un système de canalisation capable d’évacuer les eaux pluviales vers la mer ;
 D’arrêter systématiquement le remblaiement des habitations par des ordures pour éviter des problèmes sanitaires et environnementaux ;
 De mettre en place un réseau de collecte des eaux usées en même temps que le réseau de collecte des eaux pluviales pour prévenir les branchements clandestins dans le réseau des eaux pluviales ;
 de désinfecter les quartiers inondés de manière permanente pour prévenir les risques sanitaires ;

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