Les limites à la croissance

 Les limites à la croissance

La baisse inattendue de la demande en eau

Depuis le début du XIXe siècle, les volumes d’eau produits et consommés à Paris ont suivi une croissance quasi-continue. Or dès les années 1960-1970 les volumes d’eau produits et consommés se sont progressivement stabilisés ; et à partir des années 1990 cette croissance historique s’est inversée. Désormais, l’offre comme la demande en eau évoluent à la baisse, une situation qui est aussi observable dans de nombreuses autres villes, en France ou en Europe (POQUET, 2003, JUUTI et KATKO, 2005 : 230, BARRAQUE et al., 2011). A Paris, de 1990 à 2012 on enregistre une évolution de -36% pour les volumes d’eau potable mis en distribution (offre), et de -31% pour les volumes d’eau potable consommés (demande), soit une baisse de 1,4% par an en moyenne.

La baisse des volumes d’eau utilisés à Paris est telle que le volume d’eau potable produit en 2012 est redevenu comparable à celui du début des années 1930, tandis que le volume d’eau potable consommé en 2012 était redevenu équivalent au volume d’eau potable consommé à Paris en… 1949 (cf. figure ci-dessous). Les limites à la croissance 173 Figure 20 : Evolution du volume total d’eau à Paris par an, de 1930 à 2012 (source : auteur, archives EDP) Cette baisse structurelle des volumes d’eau potable à Paris n’est cependant pas linéaire : d’une part, cette tendance s’est temporairement interrompue de 1998 à 2003, lors d’une période de forte croissance économique ; d’autre part, cette baisse structurelle est elle-même constituée d’une succession de cycles annuels plus courts, caractérisés par une forte hausse des volumes d’eau produits et consommés au printemps, suivie d’un effondrement de ces volumes pendant les vacances scolaires d’été (mi-juillet à mi aout), puis d’une forte reprise lors de la rentrée (fin août-début septembre), et enfin une diminution progressive jusqu’à revenir à leur niveau minimum en hiver. En somme, la baisse structurelle qui est observée depuis une vingtaine d’années a été progressive et elle n’a pas bouleversé les rythmes ou les usages de l’eau annuels.

Conséquences économiques : la hausse des prix 

La crise de l’équilibre productiviste Depuis la fin du XIXe siècle, le développement d’un service public d’eau à Paris s’était accompagné d’une dégradation des ressources en eau disponibles, d’un renforcement des capacités techniques et de coûts continuellement croissants (cf. supra). Pourtant, cette croissance était supportée par l’amélioration concomitante du nombre d’abonnés et de leurs usages de l’eau, ce qui permettait la hausse des volumes d’eau vendus, donc des recettes pour l’opérateur, qui permettaient à leur tour d’investir pour améliorer l’offre de service d’eau à Paris, et ainsi de suite.

Cette croissance auto-entretenue de l’offre et de la demande d’eau correspondait au maintien d’un équilibre productiviste entre des dépenses et des recettes croissantes, qui avait permis de conserver un prix unitaire du m3 d’eau relativement stable, et de favoriser au final l’universalisation du nouveau service public d’eau à Paris (cf. supra). 175 Or dès les années 1960-1970, les choses vont changer. Si les coûts continuent d’augmenter, la consommation d’eau à Paris plafonne, ce qui cause la stagnation des volumes vendus et donc mécaniquement des recettes du service d’eau parisien. Cette stagnation des recettes survient dans un contexte économique national qui se dégrade et de réduction des financements disponibles pour développer le service d’eau à Paris (cf. restrictions budgétaires, emprunts plus chers, capacité et volonté à payer moindres). L’équilibre économique du service d’eau parisien est dès lors de plus en tension, puisque son principal moyen de financement (i.e. la hausse des volumes vendus) est désormais stagnant.

Afin de continuer à équilibrer malgré tout les dépenses (croissantes) et les recettes (stagnantes), plusieurs réformes vont tenter de contrôler la hausse des coûts : réorganisations interne du service, délégations au secteur privé, redimensionnements pour des économies d’échelle (cf. supra : C3). Mais malgré cela, la hausse des coûts directs (opérateur) ou indirects (redevances AESN et SIAAP, taxes) se poursuit et le déséquilibre s’accentue. Paris a alors tenté de réduire les coûts de son service d’eau par une stratégie jusque là inédite :

redimensionner le service à la baisse (downsizing), par la fermeture de plusieurs unités de production d’eau. Cette politique visait à réduire la surcapacité relative de ses capacités de production et de limiter ainsi les coûts (croissants) d’entretien, de fonctionnement et de renouvellement. Paris a ainsi progressivement : (i) transféré l’aqueduc et les eaux de la Dhuis au syndicat des eaux de Marne-la-Vallée (1990-2005) ; (ii) fermé son usine d’eau de Seine située à Ivry (2010) qui venait pourtant à peine d’être modernisée ; (iii) fermé son usine d’embouteillement d’eau de secours située intra-muros. Mais parallèlement à cela Paris va poursuivre sa stratégie d’upsizing : contrôler de nouvelles ressources en eau éloignées (captage de 2 nappes alluviales), promouvoir la mutualisation des moyens de production d’eau à l’échelle régionale, etc. (cf. infra : C7)… Et malgré ces décisions, le coût du service d’eau à Paris va continuer d’augmenter sans cesse, pour des raisons déjà discutées (cf. supra).

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