Les lieux des produits et du marché de la Thérapie Génique in vivo

Gendicine

La Gendicine est un vecteur adénoviral portant le gène suppresseur de tumeur p53. Dans de nombreuses pathologies cancéreuses, on observe des délétions ou des mutations de la protéine p53. La Gendicine pénètre dans les cellules tumorales et surexprime la protéine p53qui stimule l’apoptose des cellules cancéreuses.
La Gendicine est indiquée dans le traitement du cancer de la tête et du cou, du carcinome épidermoïde et du cancer du nasopharynx.
La Gendicine est le premier produit de thérapie génique approuvé pour un usage clinique chez l’homme. Elle a été approuvée en 2003 par la Chinese State Food and Drug Administration.
La Gendicine est fabriquée par Shenzhen SiBiono GeneTech et n’est commercialisée qu’en Chine. Luxturna®
Voretigene neparvovec ou Luxturna® est une thérapie génique basée sur un vecteur viral AAV.
Luxturna® est indiqué dans le traitement des adultes et des enfants présentant une perte visuelle due à une dystrophie rétinienne héréditaire résultant de mutations bi-alléliques confirmées du gène RPE65 et possédant suffisamment de cellules rétiniennes viables137. Il agit comme un activateur de l’épithélium pigmentaire rétinien 65 (RPE65). La protéine RPE65, localisée dans l’épithélium pigmentaire rétinien, est un élément clé du cycle visuel. La protéine RPE65 convertit le rétinal-trans en 11-cis-rétinal, permettant la régénération du pigment visuel.
En effet, la mutation du gène de l’épithélium pigmentaire 65 rétinien entraîne la perte de cellules rétiniennes au fil du temps, ce qui conduit à la cécité totale. Ainsi, le produit améliore la fonction visuelle et rétinienne en introduisant le gène du RPE65 humain.

Oncorine

L’Oncorine est un adénovirus oncolytique devant être utilisé en association avec une chimiothérapie comme traitement pour les patients atteints d’un cancer du rhinopharynx au stade avancé.
Les modifications génétiques de l’adénovirus font qu’il se réplique sélectivement dans les cellules cancéreuses sans pouvoir se répliquer dans des cellules saines. Cela induit une cytotoxicité sélective des adénovirus pour les cellules cancéreuses, ce qui conduit à la lyse descellules cancéreuses.
L’Oncorine® est commercialisé uniquement en Chine par Shanghai Sunway Biotech. Glybera.
Le Glybera® est un cas particulier car il n’est plus sur le marché. En effet, la société UniQure, qui commercialisait le produit a annoncé qu’elle ne poursuivra pas le renouvellement del’autorisation de mise sur le marché de Glybera® (alipogene tiparvovec) en Europe, qui a expiréle 25 octobre 2017. Cette décision est basée sur la balance bénéfice-risque peu favorable. Glybera® était indiqué dans le traitement du déficit familial en lipoprotéine lipase (LPLD). LeGlybera® était un AAV transportant le gène de l’enzyme lipoprotéine lipase LPL, nécessaire pour éliminer les grosses particules graisseuses. Lorsque de telles particules s’accumulent dans le sang, elles peuvent obstruer les petits vaisseaux sanguins. Zolgensma®
Enfin, Le Zolgensma® est le dernier médicament de thérapie génique commercialisé. Il a été approuvé le 24 mai 2019 aux États-Unis par la FDA.
Zolgensma® (Onasemnogene abeparvovec) est une thérapie génique basée sur un vecteur viraladeno-associé (AAV) transportant le gène SMN1. Zolgensma® est indiqué dans le traitement de l’amyotrophie musculaire spinale (SMA) chez les enfants de moins de 2 ans atteints de mutations bi-alléliques du gène SMN1 entraînant une expression insuffisante de la protéine SMN. Il s’agit d’une maladie rare, d’origine génétique, qui touche les cellules nerveuses qui commandent les muscles, appelées les motoneurones.
Le produit agit comme activateur de la protéine du SMN.
Le produit a été développé par la société AveXis qui a été rachetée par Novartis pour 8,7 milliards de dollars et qui est donc actuellement une filiale du géant suisse.
Nous noterons également que la Biotech Française Gensight Biologics a déposé en septembre2020 une demande d’AMM auprès de l’EMA pour son produit Lumevoq®. L’EMA devrait rendre un avis dans les mois à venir. Le produit est indiqué dans le traitement de patients atteints d’une perte d’acuité visuelle due à une neuropathie optique héréditaire de Leber (NOHL) provoquée par une mutation du gène mitochondrial ND4. Le produit est un vecteur de type AAV codant la protéine ND4 humaine sauvage.

Analyse des produits commercialisés

Cette étude des produits commercialisés permet de mettre en évidence quelques utilisations thérapeutiques des techniques étudiées précédemment.
En nous attardant quelques instants sur les indications de ces traitements, nous remarquons rapidement qu’à l’heure actuelle, la thérapie génique traite principalement des maladies rares.
Cependant, nous verrons plus tard que la thérapie génique est utilisée dans les produits en coursde développement dans des indications plus fréquentes tels que les cancers. Ce changementd’échelle des produits de thérapie génique pose des problèmes de production que nous traiterons plus tard dans ce rapport.
Cette étude permet également de confirmer le challenge correspondant à l’uniformité règlementaire évoquée précédemment.
En effet, certains produits ont été approuvés par une agence règlementaire et refusés par une autre. C’est par exemple le cas du Mipomersen, autorisé aux Etats unis par la FDA et refusé en Europe par l’EMA. Certains produits ne sont commercialisés que dans certains pays, leNeovasculgen® en Russie
ou la Gendicine® en Chine.
Ce manque d’uniformité internationale pose problème aux laboratoires développant les produits,dans la réalisation de leur demande d’AMM. Les critères étant différents, le travail à réaliser pour obtenir l’AMM est démultiplié. Mais cela nuit aussi à l’accès aux soins des patients à travers le monde.

Les laboratoires développant des thérapies géniques

Nous allons maintenant nous intéresser aux sociétés qui développent les produits de thérapie génique.
La figure suivante (figure 31) met en évidence le top 20 des sociétés développant des produits de thérapie génique.
Il est intéressant de noter l’absence de Big Pharma dans cette représentation. En effet, lathérapie génique est une technique assez récente et qui possède de fortes spécificités. Les BigPharma n’ont pas les outils ni les compétences en interne pour développer ce type de produits.
Comme beaucoup d’innovations, les techniques de thérapie génique proviennent de travaux derecherche qui sont devenus des start-ups. Les industries pharmaceutiques n’ont pas encoredéveloppé les équipements adaptés.

Les challenges menaçant la mise sur le marché des thérapies géniques

Nous avons vu que la thérapie génique in vivo est récente. Le marché est encore peu mature.
Les laboratoires développant de produits font aujourd’hui face à des challenges pour développerde nouvelles thérapies.
Nous allons dans cette partie étudier ces challenges.

La production à grande échelle

Les thérapies géniques sont des produits biologiques. Le développement des produits biologiques a ouvert une nouvelle voie à l’industrie pharmaceutique, à bout de souffle avec les molécules chimiques.
Il s’agit d’un vrai changement de paradigme, avec de réelles différences entre les types de produits. La principale différence est dans le procédé de fabrication. Les médicamentsbiologiques sont obtenus à partir d’organismes vivants, tandis qu’historiquement, les médicaments chimiques sont obtenus par synthèse chimique.
Cette différence est également valable pour les produits de thérapie génique. Nous allons voir maintenant les grandes étapes de production d’un médicament de thérapie génique.La bioproduction (production d’un médicament d’origine biologique) est généralement découpée en deux grandes phases : l’upstream et le downstream.
L’objectif de la phase downstream est de séparer le vecteur viral créé lors de la phase upstream des différentes impuretés produites. Cette étape permet également de formuler le virus dans une forme appropriée à l’administration aux patients.
Les méthodes de production des thérapies géniques sont évidemment spécifiques à chaqueproduit. Pour illustrer cette partie, nous allons donc nous intéresser à la bioproduction dethérapies géniques à vecteurs Adeno Associated Virus. Nous avons vu précédemment que ce sont les vecteurs les plus utilisés.
L’exemple de la production d’AAV permettra de comprendre la bioproduction des thérapies géniques.

Principes de production des thérapies géniques

Upstream

L’objectif général de la conception des vecteurs viraux est d’emballer efficacement le gène thérapeutique ou les nucléotides dans des particules virales infectieuses et d’éviter la génération de particules de type sauvage ou de particules vides. 106
La fabrication de vecteurs viraux nécessite plusieurs étapes de fabrication :
Premièrement, les matériaux nécessaires à la fabrication du vecteur viral thérapeutique doivent être générés.
La production des matières premières « starting materials » est difficile. Elle concerne principalement deux types de produits :
– Les plasmides codant pour les composés du virus et pour le gène thérapeutique
– Les cellules de production
La production de plasmide est complexe souvent à partir de bactéries. Ces plasmides produits, doivent répondre à des normes rigoureuses afin de s’assurer que le matériau résultant est exemptd’impuretés liées aux produits utilisés et au procédé.
La création d’une banque de cellules pour la transfection des plasmides est un procédé long et difficile. Le type cellulaire le plus souvent utilisé est la lignée cellulaire mammifère HEK 293.
L’étape suivante de la fabrication consiste à générer le vecteur viral souhaité. Les cellules qui permettront de créer le vecteur sont transfectées avec des plasmides pour générer le vecteur viral. Ces plasmides codent donc pour les composants du AAV et pour le gène thérapeutique.
Dans le système, les particules virales s’assemblent.
Enfin, les vecteurs viraux sont récoltés. Les particules virales AAV s’accumulent dans le cytoplasme et le media, de sorte que le rendement total puisse être amélioré par lyse des cellules.108 Le vecteur récolté est ensuite concentré, purifié, titré, caractérisé et stocké pour uneutilisation. Ce qui correspond à la phase Downstream de production.
Cette méthode appelée la transfection transitoire est la méthode de référence actuellement. Il s’agit d’un mode très souple et efficace de production de vecteurs viraux. C’est une méthode rapide pouvant réduire le temps de développement et accélérer la mise sur le marché. 107
Cette méthode semble cependant présenter des limites pour la production de grandes quantités de vecteurs pour une utilisation clinique ou commerciale.
En effet, d’autres méthodes de fabrication existent. Chacune présente des défauts et des avantages. Nous nous sommes attardés sur la production transitoire en cellules HEK 293 car il s’agit de la méthode de référence pour la production de vecteurs AAV qui sont les plus utilisés à l’heure actuelle. Beaucoup d’espoirs sont par exemple placés dans l’utilisation de production de vecteurs viraux à partir de « Stable Producer Cell Lines ». Avec cette méthode, les gènes permettant de produire les vecteurs viraux sont intégrés au génome du la cellule. Cela permet la production à plus grande échelle. C’est une technique prometteuse pour l’avenir.

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Downstream

L’étape downstream a pour objectif de séparer le vecteur viral des diverses impuretés produites lors du traitement en amont et de placer le virus dans l’état qui convient pour la formulation et l’administration aux patients. Cette étape doit permettre d’obtenir un produit très pur sans dégrader des particules virales et perdre en rendement de production.
Évidemment les procédés à utiliser lors de cette phase de la bioproduction dépendent de la méthode de production utilisée en phase Upstream. Bien qu’il existe des spécificités, leprotocole downstream suit une succession d’étape similaire.
Plusieurs méthodes sont utilisées pour filtrer les impuretés et obtenir un produit final pur. Des méthodes physiques telles que les microfluidiseurs sont utilisées pour filtrer les macromolécules et les grosses impuretés. Ensuite de nombreuses techniques existent pour continuer la purification. Nous pouvons citer les méthodes de centrifugation ; chromatographie ; chromatographie par échanges d’ions. 110 Le challenge important de cette étape est de maintenir un rendement important. Il s’agit d’un enjeu important des acteurs de la bioproduction. Il faut également qu’aucun contaminant externe ne soit introduit durant cette étape

Production des thérapies géniques : Le passage à l’échelle industrielle

Un des grands challenges à l’heure actuelle pour les développeurs de thérapies géniques est depouvoir passer à des échelles de production plus importantes. Aujourd’hui, les capacités de production des thérapies géniques sont très limitées. Avec de nombreux essais cliniques de phase III en cours, les capacités de production vont devoir s’adapter pour ne pas bloquer le développement de ces thérapies.
De plus, la thérapie génique est historiquement utilisée pour des maladies génétiques rares donc avec peu de patients. Aujourd’hui elle se développe pour des pathologies plus fréquentes qui demanderont des capacités de production plus importantes également. Deux phénomènes sont responsables de ces capacités limitées : des techniques de production à améliorer et des usines de production insuffisantes.

Développer des techniques de production plus efficaces

Les techniques de production de thérapie génique actuelles ne sont pas adaptées à un passage à des échelles de production supérieures.
Pour pallier cette limite, des nouvelles méthodes de productions sont mises au point. Par exemple, UniQure a amélioré ses capacités de production en utilisant une suspension de cellules d’insectes SF9 pour produire le vecteur viral.
Plutôt que d’introduire les gènes nécessaires à la production de vecteurs par transfection, les cellules SF9 sont infectées à l’aide de baculovirus recombinants portant les gènes du génome, de la capside et du helper du vecteur.
Ces rendements faibles sont engendrés par les procédés upstream et downstream de production.
En effet, les techniques de purification utilisées dans les phases downstream ne permettent d’obtenir que des rendements très faibles de récupération virale.114 L’amélioration des phases downstream permettront également d’améliorer les rendements de production et donc indirectement les quantités produites. Ce changement d’échelle implique dans les phases de purification des larges volumes, des bons rendements et de la rapidité. D’autres systèmes existent et se développeront à l’avenir. Ces nouveaux systèmes permettront de produire en grande quantité pour des phases plus avancées (cliniques et commerciales).
Aujourd’hui, les thérapies géniques ont besoin d’une méthode de fabrication standardisée. Une technologie qui permettra la production « scalable », de plusieurs lots avec une faible variabilité. Cette difficulté est analogue à celle des anticorps monoclonaux il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, la production d’anticorps monoclonaux est standardisée, elle le sera pour la thérapie génique dans quelques années.

Développer les capacités de production

Nous avons précédemment précisé que la majorité des laboratoires actuels de thérapie génique actuels sont des petites Biotech, elles-mêmes souvent des spin-off d’instituts de recherche. Audelà des procédés de fabrication qui permettent des rendements faibles, les usines elles-mêmesne possèdent pas les équipements permettant de passer à l’échelle et produire pour des pathologies fréquentes avec beaucoup de patients potentiels.
Il s’agit dans un premier temps d’un manque d’usines et d’unités de production capables de produire des médicaments de thérapie génique.
Les Bigpharma n’ont pas non plus développé des capacités de production suffisantes. Peu de laboratoires ont développé des capacités internes. Spark Therapeutics produit le Luxturna® « in house »114 avec ses propres capacités de production. Avexis possède également des capacités de production propre.
Aujourd’hui, ce sont les CMO (Contract Manufacturing Organisations) qui produisent la majorité des thérapies géniques pour le compte de tiers. Mais là encore, les capacités sont limitées.
A l’heure actuelle, il existe peu de CMO dans le monde produisant des produits de thérapie génique.
Cette difficulté de production pourrait limiter l’innovation et se répercuter sur les patients. En effet, si le manque de capacité de production n’est pas pallié, les Biotech qui développent des produits ne pourront pas produire. Cette incapacité ralentirait le développement de nouveaux produits.
Pour pallier à cette limite, des nouvelles usines doivent voir le jour. Mais elles doivent posséder des spécificités pour s’adapter à ces traitements particuliers.116
En effet, historiquement, la stratégie des industriels pour produire à plus grande échelle était de faire du « scale up ». Le « scale up » consiste à agrandir la taille des bioréacteurs pour produire plus.
Aujourd’hui, une nouvelle stratégie apparaît, le « scale out ». Le « scale out » consiste à garder des bioréacteurs de petite taille, mais à en augmenter le nombre. Cette nouvelle stratégie est possible grâce au développement des technologies « single use ». 117 Comme son nom l’indique, le « single use » consiste à utiliser des articles à usage unique lorsde la production des thérapies.
L’utilisation des technologies « single use » a plusieurs avantages :
– Des économies de temps et d’argent sont réalisées en éliminant la nécessité de nettoyer et de recycler l’équipement
– Réduire les risques de cross-contamination
– Une grande flexibilité : A l’heure de la médecine personnalisée, des technologies jetables permettent aux entreprises d’être plus flexibles dans leur production
Cette stratégie « scale out », permet :
– D’être plus flexible vis à vis de la demande
– Réduire le risque : En effet, avec des technologies « scale up », l’environnement de production change. Les milieux ne sont plus les mêmes ce qui impact la qualité du système. De plus, s’il y a un problème de bioréacteur, l’impact peut être important. En utilisant une technique scale out, ces risques sont réduits.
A terme, nous aboutirons à des usines flexibles qui seront adaptées en temps réel à la demande.
En cas de forte demande, de nouveaux bioréacteurs peuvent être utilisés, dans le cas inverse, l’activité de production peut être ralentie.
Cette stratégie peut être parfaitement adaptée à la thérapie génique car potentiellement, si la thérapie génique est efficace, les patients traités sont guéris. Les besoins en production seront importants au lancement du produit, puis à terme les besoins seront équivalents à l’incidence de la maladie traitée.
Enfin, les nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle pourront permettre également d’améliorer les rendements de production en ayant un suivi en temps réel de la production.

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