Les lèvres et la production de la parole
Muscles étirant les commissures
Le buccinateur entre en action pour étirer les commissures. Cette activité est antagoniste à celle de protrusion de l’orbiculaire ou de la houppe du menton. Muscles abaisseurs des commissures La fonction principale du triangulaire est d’abaisser les commissures. Cette fonction s’accompagne d’un abaissement de la lèvre inférieure. Muscles élévateurs des commissures L’insertion du canin est située sur les commissures dont il assure l’élévation. Le relèvement de la lèvre inférieure qui s’accompagne est limité par l’action antagoniste du carrée du menton. Le grand zygomatique intervient aussi pour le relèvement. En conclusion, les lèvres sont commandées par des couples agonistes / antagonistes de muscles permettant ainsi un contrôle fin par équilibre des forces. Cette habileté est mise en œuvre dans la production de la parole pour un contrôle géométrique précis de la cavité buccale, rentrant directement en compte dans la génération des sons.
Repères phonétiques
Acoustique et articulation
Les différents sons de la parole sont produits par la manière dont l’air, expulsé par les poumons, s’écoule à travers le conduit vocal. La forme du conduit et les caractéristiques de cet écoulement déterminent directement l’onde sonore en sortie. Le passage de l’air s’effectue selon deux passages partant du larynx, l’un débouchant dans la cavité nasale, et l’autre vers la bouche puis les lèvres. Dans le larynx, les cordes vocales peuvent être mises en vibration par la conjugaison d’une pression transglottique et de la contraction des effecteurs laryngés. On parle alors de son voisé. A l’inverse, on parle de son non voisé dans le cas où les cordes vocales ne vibrent pas. Le passage de l’air à travers la cavité nasale est commandé par l’ouverture du voile du palais pour la production des sons dits nasals. Le voile du palais est fermé pour les sons dits oraux pour lesquels l’air est intégralement expulsé par la cavité buccale. L’air s’écoule dans la cavité buccale de trois manières : libre, rétrécie ou arrêtée. Le cas libre correspond à la production des voyelles. Sauf contrôle explicite (chuchotement par exemple), il s’accompagne généralement d’une vibration des cordes vocales pour accroître l’énergie de l’onde. La position de la langue et la forme des lèvres modifient alors la géométrie (et donc les résonances) du conduit vocal, donnant le timbre de l’onde sonore. Les cas d’écoulement rétréci ou arrêté correspondent à la production des consonnes. Le son est alors généré par le bruit des turbulences créées par le rétrécissement (constriction) ou la brusque explosion qui suit une fermeture complète du passage de l’air (occlusion). La phonétique caractérise la production d’une consonne selon son mode et lieu d’articulation. Le mode d’articulation spécifie la manière dont s’écoule l’air et s’il s’accompagne d’un voisement. Le lieu d’articulation indique l’endroit de rapprochement maximal des parois le long du conduit vocal. La figure 1.6 indique les 8 lieux d’articulation principaux identifiés en phonétique. Figure 1.6 – Le conduit vocal et les 8 lieux d’articulation principaux.
Des sons et des lèvres
En maintenant stables et non ambiguës les différences entre les sons articulés, une représentation sensible (acoustique et visuelle) du code phonologique peut être mise en commun entre celui qui parle et celui qui écoute, d’où la mise en place d’une communication. L’ensemble fini des sons d’une langue suggère un ensemble fini d’articulations pour les produire, donnant pour les lèvres un jeu de formes « cibles » ou prototypiques de l’articulation. Les lèvres n’assurent pas à elles seules la production distinctive de tous les sons : la production de /p/, /b/ et /m/, par exemple, implique dans les trois cas une même occlusion Chapitre 1. Les lèvres et la production de la parole 16 bilabiale, les sons se distinguant par leur mode d’articulation (respectivement non voisé, voisé et nasal). Se basant à la fois sur les observations phonétiques et l’activité des muscles labiaux, Gentil et Boë ont regroupé les formes labiales des sons du Français en six classes articulatoires (Abry 1980) : voyelles arrondies (/y/, /u/, /o/, /O/, …), caractérisées par un arrondissement de la forme des lèvres, le but étant de réduire l’aire interne (l’arrondi est plus ou moins marqué selon la voyelle faisant une distinction entre des arrondies fermées telle que /u/ et ouvertes comme /o/), voyelles non arrondies (/i/, /e/, /E/, /a/, …), par opposition aux précédentes, où les commissures sont écartées et la forme des lèvres plus étirée, occlusives bilabiales, caractérisées par une fermeture complète des deux lèvres (/p/, /b/, /m/), constrictives labiodentales, caractérisées par un rapprochement de la lèvre inférieure et des dents de la mâchoire supérieure (/f/, /v/), constrictives post-alvéolaires à projection labiale, caractérisées par un arrondissement des lèvres s’accompagnant d’une protrusion et un relèvement de la lèvre supérieure (/S/, /Z /), constrictives alvéolaires, caractérisée par un étirement des commissures (/s/, /z/). Globalement, les formes de lèvres se distinguent donc par les traits d’arrondissement (opposé à étirement), d’ouverture (opposé à fermeture) et de protrusion. De même, la plupart des manuels de phonétique distinguent 3 degrés de liberté pour mesurer l’articulation labiale : étirement, aperture et protrusion (Ladefoged 1979). L’étirement correspond à la largeur de l’aire interne : elle discrimine les formes arrondies des étirées lorsque les lèvres ne sont pas complètement fermées. L’aperture correspond à la hauteur entre les lèvres supérieure et inférieure : cette mesure caractérise les occlusions. La protrusion désigne l’avancement du pavillon : on retient généralement cette mesure pour séparer les voyelles arrondies des étirées. Gentil et Boë ont dressé un récapitulatif des différents mouvements labiaux, et des muscles les générant, requis dans la production des classes articulatoires citées.