Les isotopes cosmogéniques 3He et Be dans les
minéraux mafiques : développements analytiques,
calibration et nouvelles applications
Mise en évidence de la perte d’hélium cosmogénique par broyage des phénocristaux Recalibration des taux de production de 3 He
Ce chapitre est consacré à l’analyse du 3 He cosmogénique et à la calibration des taux de production dans les olivines, qui, pourtant, sont les plus étudiés et à priori les mieux contraints depuis 20 ans e.g. (Kurz, 1986a), (Cerling and Craig, 1994), (Licciardi et al., 1999). Il illustre ainsi combien l’amélioration des protocoles analytique est indispensable pour faire progresser la connaissance des taux de production mais aussi la justesse des méthodes basées sur les cosmonucléides. En effet, le cœur du propos est centré sur la mise en évidence et les complications induites par la perte de 3 He cosmogénique lors du broyage préliminaire des phénocristaux analysés. Les implications de ce problème analytique sur la calibration des taux de production sont par ailleurs discutées à la lumière de nouvelles données obtenues sur des coulées basaltiques provenant de l’Etna et de deux volcans hawaiiens. Une récente étude menée au CRPG en 2005 (Yokochi et al., 2005) avait mis en évidence un possible largage du 3 Hec matriciel lors de l’étape préliminaire de broyage. Ce procédé est pourtant censé libérer sélectivement le gaz magmatique contenu dans les vésicules des phénocristaux (cf Chap. II). La série de tests de fusion conduits ici sur des fractions fines (< 0.14 mm) et grossières (0.14 – 1 mm) provenant des mêmes phénocristaux exposés révèle que la fraction réduite en poudre est affectée par un appauvrissement systématique en 3 Hec. Comme le montre la figure III.4, cette différence de concentration est comprise entre 14 et 100%, et reste toujours statistiquement significative (au-delà du niveau 1σ) et ce malgré la variabilité constatée d’un échantillon à l’autr Plusieurs mécanismes peuvent être évoqués pour expliquer la libération de 3 He cosmogénique au cours du broyage préliminaire, à savoir (i) un forçage dû aux dégâts causés par les mécanismes de spallation dans la matrice des phénocristaux, (ii) une distorsion plastique lors du broyage, ou (iii) la diffusion solide. S’il n’est pas encore possible de retenir un seul de ces processus qui soit capable d’expliquer la variabilité observée, il n’en demeure pas moins qu’ignorer ce phénomène peut affecter la justesse des mesures effectuées. Ainsi, une nouvelle analyse des échantillons non broyés (0.4-0.6 mm) de l’Etna a permis de mesurer des concentrations en 3 Hec jusqu’à 20% supérieures à celles déterminées sur les mêmes phénocristaux broyés (Blard et al., 2005). Or la fraction réduite en poudre (< 0.14 mm), peut représenter jusqu’à environ 30% (pour 5 min / 500 coups de broyage) de l’échantillon fondu et subir jusqu’à 100% de perte. Ce simple bilan d’hélium confirme l’ordre de grandeur du biais de 10-20% constaté pour ces échantillons de l’Etna. De plus l’analyse du 3 Hec de la fraction grossière (0.14-1 mm) de phénocristaux provenant de surfaces cordées du Mt Etna (Sicile, 38°N), du Mauna Loa et du Mauna Kea (Hawaii, 19°N) ont permis d’établir un taux de production empirique de 128±5 at.g-1 .yr -1 pour le 3 He dans les olivines (après ajustement au niveau de la mer et aux hautes latitudes avec le facteur de correction de (Stone, 2000)). Les 5 coulées utilisées pour cette calibration ont été indépendamment datées par les méthodes 14C et K-Ar entre 1.47±0.05 et 149±23 ka. Leur répartition altitudinale est comprise entre le niveau de la mer et 870 m. La valeur du taux de production ainsi obtenu est ~15% supérieure aux taux de références publiés jusqu’alors, que ceux–ci soient obtenus par calibration sur objets naturels (Cerling and Craig, 1994), (Licciardi et al., 1999) ou simulation (Masarik and Reedy, 1996). Il serait tentant d’attribuer la disparité constatée à une sous-estimation des mesures antérieures engendrée par la non considération du problème de perte de 3 Hec lors du broyage. Cependant, les systèmes et les protocoles de broyage n’étant pas rigoureusement identiques d’un laboratoire à l’autre, rien ne prouve que les autres études aient été entachées par une perte comparable à celle mise en évidence au CRPG. Aussi le nouveau taux de production présenté dans ce chapitre III gagnera-t-il à être confirmé par de nouvelles études de calibration avant de proposer une révision définitive de la valeur canonique de référence. Les études de calibrations actuellement menées dans le cadre des projets CRONUS devraient rapidement permettre de trancher cette question. Enfin, la mesure du 3 Hec dans 4 échantillons issus d’une même surface de coulée (âgée d’environ 1500 ans), et prélevés entre 2400 et 4000 m sur le flanc sud est du Mauna Loa, a permis de déterminer une longueur d’atténuation de 149±22 g.cm-2. Cette valeur est la Chapitre III – Perte de 3 Hec par broyage des phénocristaux – Calibration P3 62 première détermination empirique de l’atténuation atmosphérique pour le 3 He cosmogénique produit in situ dans les olivines. Par ailleurs, ce résultat semble incompatible avec l’excès de production de 3 Hec constaté en haute altitude (> 3000 m) dans des grenats du Népal (Gayer et al., 2004) et laisse donc penser que la surproduction observée affecte uniquement les grenats et non les olivines. Mais les mécanismes sous jacents à cette observation restent encore à être déterminés et expliqués. N.B.: Ce problème de perte générée par le broyage des échantillons n’avait pas encore été soupçonné lorsque les premières analyses de ce travail doctoral ont été faites. Aussi, les mesures de 3 Hec publiées dans (Blard et al., 2005) (Chap. VII) avaient-elles été obtenues en fondant la totalité des échantillons broyés, i.e. sans suppression préalable de la fraction fine… Le fait que ces données présentées au Chap. VII soient probablement entachées d’une sous estimation de la concentration en 3 Hec n’est pas nécessairement rédhibitoire pour la justesse des altitudes qui en découlent. En effet, la perte de ~15% 3 He pourrait avoir été compensée par l’utilisation de taux de productions eux-mêmes sous estimés du même ordre de grandeur, la circularité du calcul corrigeant ce biais. Cette remarque est également valable pour les données de 3 He utilisées dans le Chap. IV pour la calibration croisée des taux de production du 10Be dans les minéraux maphiques. Désormais, il faut noter que outes les mesures de 3 Hec réalisées au laboratoire de gaz rares du CRPG s’efforcent de résoudre ce problème analytique en prenant soin de supprimer par tamisage le fraction fine (< 0.14 mm) avant la fusion des échantillons dans le four HT.
Samples
Calibration of TCN production rates requires analysis of natural surfaces which (i) can be independently dated with precision, (ii) have suffered negligible erosion, and (iii) have not been buried in anyway since the start of their exposure. Basaltic flows may be considered as ideal objects for such calibrations as their ropy flow surfaces can be used as a qualitative check of the “negligible erosion” condition, and also because they are often suited for radiometric dating by K-Ar or 14C on entrained organic material.
Etna volcano samples
Mount Etna volcano (Sicily, 38°N) has produced large alkali trachybasalt eruptions since ~200 ka. These flows are well-suited for cosmogenic 3 He calibrations because their ropy surfaces have been affected by only minor erosion in many places, even after several kyr of exposure. Moreover, the K content (~2%) of these basalts makes them appropriate for K-Ar dating (Gillot et al., 1994). The samples considered here have already been described in another study designed to test a paleoaltimetric method based on TCN production (Blard et al., 2005). The two (re)analyzed lava surfaces, SI41 and SI47 (Table III.1) belong respectively to the Nave flow, 33±2 ka, and the Simeto terrace flow, 41±3 ka (Blard et al., 2005).
Mauna Loa and Mauna Kea (Hawaii) samples
Mauna Loa (4170 m) and Mauna Kea (4206 m) are the two highest shield volcanoes of the Hawaii Island (20°N) (Fig. III.1). Mauna Kea is mainly built by tholeiitic basalts which are overlain by later alkali basalts. Several Pleistocene flow surfaces have been exposed and preserved of any burial during several kyr since the main eruptive activity of this volcano stopped at ~50 ka. Located in the dry region of Waimea (Fig. III.1), the MK4 surface (830 m) (Table III.1) was collected on a ropy alkali basalt flow which has been K-Ar dated at 149±23 ka (Wolfe et al., 1997). The Chapitre III – Perte de 3 Hec par broyage des phénocristaux – Calibration P3 67 annual rainfall being very low (< 450 mm.yr-1) on the western side of Big Island, this flow is likely to have suffered very limited erosion since its emplacement, as suggested by the remarkable ropy surface preservation (Fig. III.2). Moreover, no clue of thick ash covering has been observed, even in the depressions. On the other hand, Mauna Loa volcano still presents an intense eruptive activity. Consequently, more than 95% of the volcano flanks above 1000 m are covered by historical lavas (< 6 ka). Because of the low K content (< 1%) of these young tholeiitic basalts, K-Ar dating cannot provide the precision required for TCN production rates calibration. The sampled surfaces have thus been selected on young flows independently dated by 14C. Fig. III.1. Satellite image (Spot) of Big Island (Hawaii) and samples locations ML1A, B, C MK4 Altitudinal section ML5A ML10 to ML14 20 km MAUNA KEA MAUNA LOA N 20° N 19° W 156° W 155° Chapitre III – Perte de 3 Hec par broyage des phénocristaux – Calibration P3 68 Before measurement by Accelerator Mass Spectrometry, the charcoal samples have been pretreated to eliminate contamination (Trusdell). The 14C dates have then been adjusted using the calibration curve of Reimer et al. (Reimer et al., 2004). To limit the risk of potential flow confusion, the surfaces studied here have been sampled close to the location of the 14C dating sites. Fig.
Photos of several sampled ropy flow surfaces (ML1A, ML10, MK4)
Two Mauna Loa flows presenting all the requirements for accurate calibration were sampled (Fig. III.1 and Table III.1): – Kaunamano flow, 14C age cal. 8230±80 yr BP, pahoehoe features, ~25% of 1-2 mm olivine phenocrysts, close to sea level. On this flow, three samples (ML1A, ML1B, ML1C) were collected within an area of 1km², in order to reproduce measurements from a single well documented surface. – Kapapala flow, 14C age cal. 1470±50 yr BP, pahoehoe features, ~10% of 0.5-1 mm olivine phenocrysts. The analyzed sample, ML5A, was collected at 870 m elevation. The uncertainties associated with these 14C ages are only analytical, and thus only partially reflect the absolute accuracy of the flow ages. However, the robustness of these individual 14C flow ages is supported by bracketing provided by independent 14C dating of underlying and overlying lavas (Trusdell). Finally, another study by (Gayer et al., 2004) revealed an unexpected overproduction of cosmogenic helium in garnets at high elevations (> 3000 m). Analysis of olivines exposed at high elevation is one way to assess if this 3 Hec excess is specific to garnets. The 3 Hec production systematic is indeed more documented for this mineral. Consequently, an Chapitre III – Perte de 3 Hec par broyage des phénocristaux – Calibration P3 69 altitudinal section (samples ML10 ML12A,B, ML13, ML14A,B) has been collected following the same single flow ropy surface from 4000 to 2400 m (Fig. III.1 and Table III.1). The continuity of this flow is not clear below 2000 m, where the tropical forest covers the lava. The 14C dates available in this area thus cannot be considered as robust to date the upper part (< 2000 m) of the flow. Nevertheless, inaccurate dating of this flow is not a drawback as the goal of this sampling was to derive an empirical atmospheric attenuation length for 3 Hec in olivines.
CHAPITRE I – INTRODUCTION : LES ISOTOPES COSMOGENIQUES EN GEOMORPHOLOGIE – PROBLEMATIQUE |