Les investissements des migrants et leur apport dans le processus d’urbanisation

Le commerce

A Bambey le commerce est le secteur qui mobilise le plus les investissements des migrants après l’immobilier.
Le commerce concerne généralement les produits alimentaires qui mobilisent les principales dépenses effectués par les habitants. En effet, certains migrants s’activent dans le commerce en mettant en place des boutiques soit au marché soit dans les quartiers. Ces boutiques sont gérées par un parent. En outre les investissements dans le commerce vont de la vente des produits alimentaires, des produits cosmétiques, des vêtements ou des matériaux de construction. Récemment certains émigrés commencent à se lancer dans la vente d’appareils électroménagers d’occasion comme les réfrigérateurs, les télévisions cependant d’autres ont commencé à exploiter le créneau des véhicules d’occasion, des motos et même des pièces détachées. C’est par exemple le cas de M. Wagne un migrant de retour installé à la périphérie du quartier de Léona plus précisément vers la sortie en allant vers Touba. Ce dernier nous a révélé que même des clients viennent de l’intérieur du pays à la recherche de certaines pièces.
Il important de signaler que ces investissements sont gérés par un proche parent, soit une épouse, un frère, un fils ou un neveu qui en assure la gestion.
Les bénéfices tirés de ces activités sont destinés à l’entretien de la famille autrement dit les dépenses quotidiennes soit à des marchandises, soit à des terrains. D’après M. Wagne les émigrés sont trop solliciter c’est pourquoi ils sont obligés de faire des activés parallèles pour fructifier leurs revenus.
Certains migrants n’ont pas directement investis dans le commerce mais néanmoins ils ont contribué au montage financière en donnant de l’argent au commerçant comme le témoigne M. Basse gérant de quincaillerie au marché de Bambey : « Beaucoup de migrants comme moi par exemple nous recevons chaque mois des transferts d’argent venant des émigrés. Cet argent peut servir de fonds de roulement et en retour nous allons donner la dépense à la famille chaque matin.
Le commerce constitue un secteur privilégié d’investissement des émigrés qui sont les pourvoyeurs de fonds pour faire cette activité.

Apport des investissements dans l’urbanisation

Transformation de la morphologie urbaine

Le développement de ces activités dans les zones rurales permet à ces dernières de sortir de la ruralité. En effet, depuis 2002 le Sénégal a connu des réformes administratives très importantes permettant à beaucoup de zones rurales de devenir commune.
Les différents types d’investissements qui sont opérés par les émigrés de Bambey ont participé au développement et à la rentabilité des secteurs économiques comme le commerce et l’immobilier. Les retombées financières de la migration sont l’une des principaux amortisseurs de la crise agricole dans la zone. Les transferts de fonds des émigrés contribuent au rééquilibrage des rapports villes /campagnes et au désenclavement des campagnes.
L’émigration internationale connaît une ampleur considérable à Bambey durant ces dernières décennies. Cela poussent d’aucun à s’interroger sur son efficacité et sa rentabilité. La migration injecte beaucoup d’argent tant au niveau national que local.
En effet, les transferts de fonds des sénégalais de l’extérieur ont représenté en 2007 environ 460 milliards, soit trois fois plus les investissements directs étrangers. Les envois de fonds des migrants réduisent significativement le nombre des ménages en dessous de la ligne de pauvreté (incidence) à hauteur de 31%. Autrement dit le tiers des ménages recevant des transferts auraient été pauvres s’ils n’en recevaient pas.24 Dans le domaine foncier, on constate que le front foncier avance à une vitesse telle que l’espace communal commence à grignoté progressivement sur l’espace de la communauté rural de Ngoye par exemple. Ceci est du en partie à l’achat de terrain par les émigrés.
L’autre constat fait par l’autorité qui gère le domaine de l’urbanisme est l’augmentation des permis d’occupation et de construction dans la périphérie des quartiers de Léona et de DVF.
Un autre impact de la migration est l’existence de nouveaux plans architecturaux d’habitat différents des modèles qu’on connaissaient auparavant comme les maisons en toit, en zinc, ou ardoise etc. Ces dernières sont remplacées par de nouvelles formes de bâtis comme les terrasses, les R+1 aves des cours et des façades carrelées. Par le biais des rénovations de l’habitat, une forte dynamique d’urbanisation gagne ville et campagne.On noter également l’augmentation du prix du sol due la pression foncière et aux investissements immobiliers des migrants qui considèrent que : « la terre constitue un investissement rentable à nul autre pareil ».
Donc force est de constater que la migration internationale participe considérablement dans les mutations urbaines observées durant ces dernières décennies dans la ville de Bambey.

L’extension spatiale de la ville de Bambey

Les investissements des émigrés ont un impact réel sur l’espace communal. Les changements observés dans la morphologie urbaine et spatiale sont imputables en partie à l’action des émigrés. Il s’agit notamment de l’extension urbaine et la modernisation de l’habitat. Avec les retombées de la migration, les quartiers de Léona et de DVf se densifient par la construction immobilière. L’augmentation de la population communale de la ville de Bambey constitue également un facteur qui entraîne une recherche d’espace pour accueillir de nouveaux lotissements ce qui crée le phénomène d’étalement urbain. Ce dernier est facilité par les moyens de transport, la production foncière et immobilière etc.
A Bambey, les émigrés sont perçus comme des acteurs dynamiques dans la production urbaine du fait de leurs investissements surtout dans le domaine de l’immobilier. Cependant, l’extension de la ville due à l’urbanisation rapide entraîne des défis à relever de la part des autorités. Il s’agit des besoins en eau potable et en énergie, le problème des infrastructures et des équipements. L’assainissement représente aussi un autre défi auxquels seront confrontées les autorités locales. De même une réponse adéquate doit être apportée à la demande de transport par suite de la croissance démographique.

Augmentation du pouvoir d’achat des ménages migrants

Les ménages des migrants ont plus de revenus grâce aux apports financiers des émigrés. Dans beaucoup de ménages les envois de fonds constituent les seuls revenus. Ainsi les familles des migrants disposent d’un budget assez consistant leur permettant d’effectuer leurs dépenses quotidiennes. Les ménages qui ne pouvaient régler leurs besoins fautes de moyens ont vu leur pouvoir d’achat augmenter du fait des flux migratoires. C’est fort bien ce que R. Diop résume cette situation en disant : « Avant le départ de mon mari, on arrivait à peine à assurer les trois repas quotidiens. Mais maintenant (3ans après) on mange correctement. On peut acheter tout ce que l’on veut. Par exemple, si j’ai une ordonnance je peux l’acheter tout de suite, ce qui n’était pas possible quelques années auparavant ».

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Amélioration des conditions de vie des ménages migrants

Les conditions de vie des familles d’émigrés se sont sensiblement améliorées grâce à l’augmentation du pouvoir d’achat. Les transferts d’argent des émigrés en direction de leurs familles sont destinés à la prise en charge des foyers. Ces fonds sont affectés à divers secteurs : l’alimentation, la santé, l’éducation, l’équipement des ménages, etc.

Alimentation

La dépense quotidienne pour l’alimentation des ménages migrants constitue la première cible des transferts d’argent effectué par les émigrés. Elle figure parmi les priorités de ces derniers le fait d’assurer la ration alimentaire de sa famille. Il est inadmissible pour un migrant de ne pas pouvoir garantir la dépense quotidienne d’un mois. Le manque de nourriture s’il n’est pas dû à un retard des envois peut être mal interprété par l’entourage du fait que selon certains la maison d’un émigré ne doit pas être confronté à ces genres de problèmes si non c’est un échec au regard des voisins raison pour laquelle les émigrés sont tenus d’assurer l’alimentation quotidiennes de leur famille restée au pays.

Santé

La migration internationale contribue de façon très significative à l’amélioration des conditions sanitaires des familles ayant un migrants qui, grâce aux transferts d’argent ont désormais la possibilité non seulement d’aller à l’hôpital pour faire des consultations et de suivre normalement leur traitement ce que fait savoir une femme d’un migrant résident à wakhaldiam.

Education

L’entretien effectué auprès du directeur de l’école élémentaire Bambey IV nous a permis d’avoir une idée sur la situation des enfants des émigrés et les fils des non migrants sur l’impact réelle de l’émigration dans l’éducation des enfants. La comparaison faite entre ces deux catégories d’enfants nous révèle que sur le plan matériel scolaire et cotisation ou inscription les élèves qui ont des parents émigrés sont mieux préparés que les autres.

Equipements des ménages

Par rapport à l’évolution du cadre de vie des ménages, il apparait nettement que les émigrés font un effort d’investissement retour considérable. Ainsi 80% des ménages enquêtés affirment avoir acquis un équipement et/ ou un moyen matériel grâce au migrant, soit pratiquement la majorité des familles enquêtées. Ces dernières ont bénéficié d’un salon en guise d’équipement mobilier, d’un réfrigérateur, un poste téléviseur, une voiture et d’autres types matériels à usage domestique.
En dehors de cet équipement, les émigrés Bambeyois envoient des meubles, des ordinateurs fixes ou portables mais aussi des habits, des chaussures, des vêtements, des produits cosmétiques, du matériels électroniques, containers de matériels destinés à la vente ainsi que de nombreux accessoires à usage domestique et/ou commercial etc. Bref les émigrés de Bambey en dehors des envois de fonds se distinguent également par leur transfert de matériel utilitaire.

Conclusion partielle

L’importance de la migration dans la ville de Bambey n’est plus à démontrer aux des observateurs car une manne financière très importante qui y est transféré. Aujourd’hui le nombre important de migrants en direction des pays d’Europe, d’Amérique et dans une moindre mesure les pays de la sous-région est à l’origine de l’implantation des réseaux de transfert dans la ville. Ces derniers jouent un rôle non négligeable car participant à faciliter la réception des sommes d’argent envoyés par les émigrés. Auparavant la relation entre le migrant et la zone d’accueil ne se faisait pas sentir, parce que pour percevoir son argent, il fallait se rendre soit à Diourbel, Touba, Thiès ou Dakar .Donc la migration a crée une centralité dans la commune grâce aux sommes d’argent envoyés par les migrants .C’est ce qui explique l’implantation de ces réseaux de transfert d’argent comme CMT, Ria, Money Express, Western Union et récemment le CMS.
L’argent des émigrés a t- elle des effets sur le changement de la ville ? Est qu’elle a participé aux changements la morphologie urbaine et spatiale ? Est qu’elle a amélioré les conditions de vie des ménages et participe-t-il au processus d’urbanisation constaté durant ces dernières décennies dans la commune ?
Les investissements socio- économiques des émigrés Bambeyois sont visibles sur la localité.
Les migrants ont apporté incontestablement une importante aide à leur famille. En effet, les migrants transfèrent des biens matériels ou de l’argent à destination de leur famille restée à Bambey. Les ressources qu’ils apportent participent considérablement au relèvement du niveau de vie de leur ménage et à la modernisation de la ville. L’argent reste le premier bien transféré et les envois interviennent régulièrement, de façon mensuelle pour une partie des migrants. Les transferts monétaires des émigrés passent en majorité par les canaux officiels.
Le Sénégal comme la plus part des pays d’Afrique connait une situation économique très difficile qui résulte de l’échec des politiques de développement, de l’endettement chronique et surtout de crise agricole dans le monde rural. A cela s’ajoute les programmes d’ajustements structurels (PAS) des années 80 et la dévaluation du franc CFA survenue en 1994.
Cette situation économique catastrophique se manifeste à Bambey par une paupérisation sans précédent souligné dans le rapport du PNUD de 1998.
L’émigration internationale au Sénégal est née dans un contexte de grande crise économique engendrant du coup le départ de nombreux sénégalais vers l’étranger. Cette forte tendance à l’émigration des Bambeyois s’explique par le fait que cette localité est essentiellement agricole. Bambey a présenté une vulnérabilité particulière en subissant les contres coups des crises écologiques intervenus presque régulièrement ces trois dernières décennies. La crise de l’arachide affecte tous les secteurs de l’économie comme le commerce et l’artisanat et plonge la zone dans un déclin économique inexorable. A cela s’ajoute le manque de débouchés dû à l’absence d’infrastructures industrielles et la saturation de l’emploi salarié. Tous ces facteurs vont mettre les jeunes Bambeyois sur le chemin de l’exil à la recherche des conditions de vie meilleure.
Ainsi, la migration est considérée comme une opportunité de résolution des dures conditions de vie surtout en milieu rural. C’est une stratégie de survie face aux multiples problèmes rencontrés par les populations.

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