Les intoxications aigues aux urgences

Une intoxication fait suite à l’exposition de l’organisme à un produit toxique par ingestion, inhalation, exposition cutanée, administration rectale ou parentérale. Les agents toxiques peuvent être des produits chimiques, des médicaments, des produits biologiques d’origine animale ou végétale. Avant l’âge de cinq ans, une intoxication est habituellement d’origine accidentelle, mais il demeure important d’éliminer la possibilité de maltraitance. Après cinq ans, la possibilité d’une intoxication intentionnelle doit systématiquement être envisagée [1]. Elle constitue une cause fréquente d’admission au service d’accueil des urgences et de réanimation, aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. En France, les intoxications aigues sont responsables de plus de 110000 hospitalisations par an. D’ailleurs, les centres anti-poisons français reçoivent environ 200000 appels chaque année [2]. La population touchée est très large, allant du nouveau-né au vieillard, du suicidant à l’accidenté; cependant, les jeunes sont les plus concernés, ce qui en fait un véritable problème de santé publique. Une intoxication se définit comme grave devant la nécessité d’une surveillance rapprochée, en raison de :
• La quantité importante de substance à laquelle le sujet a été exposé.
• Les symptômes présents (coma, convulsion, détresse respiratoire. hypoventilation alvéolaire, instabilité hémodynamique, trouble de rythme ou de conduction cardiaque), ou
• Terrain sous-jacent (lourde comorbidité, âge très avancé ou nourrisson). Les intoxications graves doivent être admises en réanimation [3, 4]. Quatre types de traitement doivent être discutés devant une intoxication :
• Le traitement symptomatique.
• Le traitement évacuateur : décontamination digestive
• Traitement épurateur
• Traitement spécifique (antidotes) [5].
L’objectif de notre travail est de déterminer:
• Incidence des intoxications au CHU Med VI de Marrakech à l’hôpital Ibn Tofail.
• Différents agents toxiques.
• Profil des malades.
• Prise en charge de ces patients.
• Morbi-mortalité liée à ces intoxications.
• Facteurs pronostiques.
• La meilleure approche préventive.

Données épidemiologiques

Fréquence globale

Les intoxications aiguës constituent la première cause d’admission à l’hôpital des sujets de moins de 30 ans dans les pays développés et la deuxième cause de mort brutale dans les pays en voie de développement [6]. Un nombre réduit d’études analysant les intoxications aigues qui sont hospitalisées en réanimation a été réalisé. Par contre, il y a un grand nombre d’études portant sur les intoxications aiguës prises en charge dans les services d’admission aux urgences. En France, entre Janvier 2005 et 31 Décembre 2005, le centre de réception et de régulation des appels du Samu a reçu 1377 appels en rapport avec des cas d’intoxications aigues, soit 7,5% du total des appels [7]. En Suisse, le rapport de l’année 2004 du centre d’information toxicologique a fait état de 281 cas d’intoxications graves (7,5% des intoxications aiguës), dont 13 étaient mortelles [8]. En Espagne, 14 services d’urgences ont reçu 419 cas d’intoxication en 14 jours durant le mois d’Avril 2000, dont 16 cas (3,7% des cas) étaient graves [9]. Sur le plan national, plusieurs études concernant les intoxications aigues ont été réalisées  .

Caractéristiques des intoxications aiguës

Circonstances de survenue

Les intoxications aiguës chez l’adulte sont souvent le résultat d’une tentative D’autolyse. Ceci ressort dans notre étude dans laquelle, les intoxications étaient dans un but d’autolyse dans 85% des cas. En Belgique, sur plus de 44000 intoxications recensées par appel téléphonique au centre antipoison en 2007, 10% environ sont des conduites Suicidaires [25]. En Royaume-Uni, le centre antipoison de Birmingham a reçu en 2003 plus de 24000 appels, parmi lesquels 26% étaient des intoxications intentionnelles [25]. En France, le Samu de Guyane, a rapporté en 2005 que les intoxications aiguës étaient dans un but d’autolyse dans 58,8% des cas et accidentelle dans 34,1% des cas [7].

Délai de la prise en charge

Le délai écoulé depuis l’ingestion détermine à quelle phase de l’intoxication se trouve le malade au moment de sa prise en charge. Lors de la phase précoce, le toxique est déjà présent dans l’organisme et commence à agir mais le malade reste asymptomatique. Puis, apparaît la phase d’état, symptomatique et en cas d’évolution favorable, suit une phase tardive de guérison [31].

Dans notre étude, 68% des patients intoxiqués se sont présentés aux urgences dans un délai inférieure à trois heures après l’intoxication, avec un délai moyen de 2,81 +/- 3,13 heures. Ce résultat est proche de celui de la littérature .

Produits toxiques en cause

Intoxication aux pesticides organophosphorés (OP)

L’intoxication aux organophosphorés peut être responsable d’une mortalité importante, le plus souvent liée à l’atteinte respiratoire avec une paralysie diaphragmatique et des muscles intercostaux, une dépression des centres respiratoires, un bronchospasme, un encombrement et pouvant évoluer vers le syndrome de détresse respiratoire aigue de l’adulte (SDRA).

Epidémiologie :
Dans notre étude les pesticides organophosphorés ont représenté le premier agent responsable des intoxications, soit 33,66% des cas.

Selon l’organisation mondiale de la santé (OMS), il y’a chaque année dans le monde un million d’empoisonnement grave par les pesticides à l’origine d’environ 200000 décès par an [35]. Ces intoxications occupent la troisième place des intoxications aiguës en chine et au chili [36, 37]. Au Sri Lanka, en 2002, les intoxications aiguës aux pesticides constituaient 55,8% de l’ensemble des intoxications et les organophosphorés étaient majoritaires [38]. Au Brésil, en 2009, les intoxications aux OP ont représenté 31,7% des intoxications par les inhibiteurs de la cholinestérase [39]. Entre 1989 et 2007, le CAMP a collecté 10332 cas d’intoxication aigue au pesticides, soit 14% de l’ensemble des déclarations reçues pendant la même période, selon la famille chimique, les op ont été à l’origine de 66,22% des cas répertoriés. Nous expliquons cette fréquence élevée, par le fait que la plupart des formes commerciales des insecticides et des raticides organophosphorés sont vendues librement, sans étiquette et en détail dans les drogueries et les épiceries, soit pour agriculture ou à usage domestique, elles sont agrées par le ministère de l’agriculture.

LIRE AUSSI :  L’œil humain et son exploration ultrasonore dans la pratique ophtalmologique

Dans les pays développés, où les pesticides obéissent à une réglementation stricte, l’intoxication aux organophosphorés est rare; ainsi, en 2006 les organophosphorés ont représenté seulement 1,7% des produits toxiques en Espagne et 0,1% en Angleterre [9].

Physiopathologie et étude clinique :
Les organophosphorés sont des inhibiteurs puissants de cholinestérases, que ce soit, l’acétylcholinestérase des cellules nerveuses, des plaques motrices ou de globules rouges ou les pseudo-cholinestérases plasmatiques, hépatiques ou autres ce qui est responsable d’une crise cholinergique. Il s’agit d’une véritable lésion biochimique puisque les OP viennent occuper en phosphorylant le site estéarique de l’enzyme, s’opposant ainsi à l’hydrolyse physiologique de l’acétylcholine en choline et en acide acétique. Soixante-quinze grammes d’acétylcholine sont normalement hydrolysables en une heure par 1 mg d’enzyme. La déphosphorylation de l’enzyme inhibée par l’OP est très lente, mais peut être accélérée par un réactivateur des cholinestérases qui fait partie du traitement actuel de l’intoxication. Dans un deuxième temps, la phosphorylation devient irréversible par déalkylation, c’est le phénomène d’aging ou vieillissement de l’enzyme qui d’une part n’est plus fonctionnelle et qui d’autre part, n’est pas réactivable. Dans ce cas, c’est la synthèse de nouvelles cholinestérases qui permettra le retour à une activité fonctionnelle normale. Cette difficulté, voire impossibilité de réactivation des cholinestérases différencie les intoxications par OP de celles par les carbamates au cours desquelles les cholinestérases sont spontanément et rapidement réactivées.

Table des matières

Introduction
Patients Et Methodes
I. Patients
1. Criteres d’inclusion
2. Criteres d’exclusion
II. Méthodes
Resultats
I. Epidémiologie descriptive des intoxications aigues
1. Fréquence Globale
2. Caractéristiques de la population intoxiquée
2.1 Répartition selon l’âge
2.2 Répartition selon le sexe
2.3 Répartition selon le terrain
3. Caracteristiques des intoxications aigues
3.1 Circonstances d’intoxication
3.2 Voies d’administration
3.3 Mois d’intoxication
3.4 Délai de la prise en charge
4. Répartition des différents produits toxiques
II. Etude des différents toxiques
1. Intoxications aux pesticides
2. Intoxications médicamenteuses
3. Intoxications aux autres produits
III. conséquences de l’intoxication
1. Cliniques
2. Paracliniques
3. Dosage toxicologique
IV. Traitement
1. Traitement symptomatique
2. Traitement évacuateur
3. Traitement épurateur
4. Traitement spécifique
V. Evolution
1. Durée d’hospitalisation
2. Evolution
2.1 Bonne
2.2 Complications
3. Décès
VI. Etude des facteurs pronostiques
Discussion
I. Données épidémiologiques
1. Fréquence globale
II. Caractéristiques de la population intoxiquée
1. Répartition selon l’âge
2. Répartition selon le sexe
3. Répartition selon le terrain
III. Caractéristiques des intoxications aiguës
1. Circonstances de survenue
2. Saison de l’intoxication
3. Voie d’intoxication
4. Délai de la prise en charge
IV. Produits toxiques en cause
1. Intoxication aux pesticides organophosphorés (OP)
1.1 Epidémiologie
1.2 Physiopathologie et étude clinique
1.3 Prise en charge
1.4 Evolution
2. Intoxication au phosphure d’aluminium (PAl) (phostoxin)
2.1 Pidémiologie
2.2 Physiopathologie et étude clinique
2.3 Prise en charge
2.4 Evolution
3. Intoxications médicamenteuses
3.1 Epidémiologie
3.2 Aspects toxicologiques
3.3 Prise en charge
3.4 Evolution
4. Intoxication par le chloralose
4.1 Epidémiologie
4.2 Physiopathologie et étude clinique
4.3 Prise en charge
4.4 Evolution
5. Intoxication au monoxyde de carbone (CO)
5.1 Epidémiologie
5.2 Physiopathologie et étude clinique
5.3 Prise en charge
5.4 Evolution
6. Produits caustiques
6.1 Produits responsables
6.2 Caractéristiques épidémiologiques
6.3 Prise en charge
7. Intoxication à la paraphénylène-diamine (PPD)
7.1 Epidémiologie
7.2 Physiopathologie et étude clinique
7.3 Prise en charge
7.4 Evolution
8. Intoxication a la cocaine
V. Principaux toxidromes
VI. Interet des analyses toxicologiques
VII. Pronostic des Intoxications aiguës
1. Mortalité des intoxications aiguës
2. Facteurs pronostiques
2.1 Délai de prise en charge
2.2 Nature du toxique
2.3 Dose ingérée
2.4 Prise en charge thérapeutique
VIII. Prevention
1. Au niveau de la famille
2. Au niveau du personnel médical et paramédical
3. Rôle de l’état
4. Rôle des centres antipoison (CAP)
5. Rôle des fabricants
6. Rôle du vendeur et du pharmacien
7. Place de la consultation psychiatrique
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *