Les interventions visant la promotion de la saine alimentation en milieu scolaire

Définition et épidémiologie de l’obésité chez les jeunes

L’embonpoint et l’obésité se définissent comme : « une accumulation anormale ou excessive de graisse qui présente un risque pour la santé »18. La mesure du niveau de gras corporel chez l’enfant est plus complexe que chez l’adulte en raison des changements de la composition corporelle pendant la période de croissance18. L’embonpoint et l’obésité chez l’enfant sont définis à partir des courbes de croissances de l’indice de masse corporelle (IMC) élaborées selon l’âge et le sexe18. Au Canada, c’est la courbe de croissance de l’OMS qui est préconisée pour évaluer la présence d’embonpoint et d’obésité19, 20. Le nombre d’enfants et d’adolescents dans la population mondiale présentant de l’obésité a été multiplié par dix en l’espace de quatre décennies21. Effectivement, le taux d’obésité chez cette population au niveau mondial est passé de moins de 1 % en 1975 à près de 6 % chez les filles et de 8 % chez les garçons en 201621. Au Québec, la prévalence d’obésité chez les jeunes a augmenté de façon constante entre les années 1970 et le début des années 20002.

Un ralentissement de la progression du surplus pondéral (embonpoint et obésité) chez les jeunes Québécois âgés de 6 à 17 ans a toutefois été observé entre 2004 et 20132. Même si les taux d’obésité sont demeurés stables durant cette période, c’est tout de même près d’un enfant sur six (16 %) qui présentaient de l’embonpoint et près d’un enfant sur dix (9 %) qui étaient en situation d’obésité en 2009-20132. Un ralentissement de la progression de l’obésité chez les jeunes semble aussi avoir été observé chez nos voisins américains. Toutefois, l’analyse de plusieurs cycles de données répertoriés lors du National Health And Nutrition Examination Survey offrirait une vision plus globale des tendances en matière d’obésité, et de cette façon, ne mettrait plus en évidence cette évolution avantageuse pour la santé des enfants et des adolescents américains22. En effet, l’évaluation de ces statistiques révèle plutôt une croissance continue des taux d’obésité chez tous les groupes d’âges d’enfants et d’adolescents entre 1999 et 201622.

Étiologie de l’obésité

L’obésité est une problématique complexe et multifactorielle. Roberto et al.23 ont proposé d’évaluer les interactions entre l’individu et son environnement au lieu de dichotomiser les causes de l’obésité. En effet, les déterminants individuels (ex. : la génétique, l’âge, la prise de certains médicaments, etc.), les déterminants collectifs (ex. : les politiques, l’industrie alimentaire, les publicités, etc.) et l’interaction entre ces déterminants influencent le poids corporel24, 25. Les personnes ont un contrôle, complet ou partiel, sur certains de ces déterminants (ex. : habitudes alimentaires, niveau d’activité physique, tabagisme, etc.)24, 25. De plus, d’autres déterminants sont non modifiables ou difficilement modifiables du point de vue biologique (ex. : l’âge, le sexe, la prise de certains médicaments, certaines maladies, etc.), personnel (ex. : une faible estime de soi, une difficulté au niveau de la gestion des émotions, etc.) et socioculturel (ex. : le statut socioéconomique, le marketing alimentaire, l’histoire familiale, etc.)24-26. Un groupe de chercheurs ont évalué la quantité et la qualité de vie de la population mondiale lors de l’étude sur la charge mondiale de morbidité27. Ils ont analysé l’évolution des taux de mortalité et de morbidité selon le niveau d’exposition de la population mondiale à différents facteurs de risque entre 1990 et 201627.

Selon ces chercheurs, le surplus de poids est l’un des facteurs de risque le plus préoccupant en raison de l’augmentation globale et rapide de sa prévalence entre 1990 et 201627. De plus, selon ces analyses, le principal facteur de risque pour la santé parmi toutes les formes de malnutrition concerne les mauvaises habitudes alimentaires (ex. : faible consommation de légumes et fruits)27. Les chercheurs expliquent l’importance d’agir au niveau des systèmes alimentaires afin de diminuer l’exposition aux facteurs de risque liés à l’alimentation27. Effectivement, les changements sociétaux ont affecté le mode de vie de la population. Un système alimentaire qui favorise l’accès à des aliments ultra-transformés pauvres au niveau nutritionnel et moins d’opportunités pour avoir un mode de vie physiquement actif sont deux conséquences parmi plusieurs autres liées à cette transition sociétale7. En effet, la prépondérance d’activités de type sédentaire et la surconsommation d’aliments sont les habitudes de vie favorisées dans l’environnement actuel qualifié « obésogène »7. L’augmentation de la prévalence de l’obésité et des maladies chroniques coïncide avec l’acquisition de ce nouveau mode de vie7.

Mode de vie physiquement actif

L’activité physique a de multiples bienfaits sur la santé physique, psychologique, sociale et cognitive des jeunes28-30. L’ampleur de ces bienfaits peut varier selon la fréquence, l’intensité et la durée de l’activité physique28, 30. Les nouvelles Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures pour les enfants et les jeunes publiées en 2016 recommandent aux jeunes âgés de 5 à 17 ans de réaliser 60 minutes d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV) par jour, de consacrer son temps de loisir devant un écran pour un maximum de 2 heures par jour et de respecter les recommandations selon l’âge, du nombre d’heures de sommeil par nuit31. Janssen et al.32 ont évalué un échantillon de 22 115 jeunes Canadiens ayant un âge moyen de 14,1 ans afin de connaître la proportion ce ces jeunes qui atteignaient les trois éléments des Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heures en 2013-2014. Les auteurs ont utilisé les données récoltées lors de l’Enquête sur les comportements des enfants d’âge scolaire en matière de santé de l’OMS. Les résultats ont permis d’observer que moins de 3 % de ces jeunes respectaient les 3 éléments de ces directives canadiennes32. La proportion de jeunes qui pratiquaient en moyenne 60 minutes par jour d’APVM étaient de 35,4 %32.

Enfin, 8,1 % des participants ont déclaré respecter le nombre d’heures maximal par jour passé devant un écran32. Cette dernière donnée est d’autant plus préoccupante sachant que les enfants qui passent plus de 2 heures par jour devant un écran peuvent avoir un apport énergétique plus élevé et de moins bonne qualité nutritionnelle que les enfants qui passent moins de 2 heures par jour devant un écran33. Ces résultats proviennent d’une étude réalisée auprès de 630 enfants québécois âgés entre 8 et 10 ans33. Les participants devaient rapporter le temps passé devant un écran durant les jours de semaine et la fin de semaine et réaliser trois rappels alimentaires de 24 h au téléphone avec une nutritionniste33. Selon un rapport émis par Statistique Canada, la proportion de jeunes âgés de 5 à 17 ans qui atteignaient les recommandations d’APMV a toujours été faible et est demeurée stable de 2007 à 2015, et ce, peu importe la méthode utilisée pour évaluer le nombre de minutes d’APVM34. Par exemple, 7 % des jeunes ont réalisé 60 minutes d’APVM au moins 6 jours sur 7 et 33 % des jeunes ont cumulé une moyenne de 60 minutes d’APVM par jour en 2014-201534. Les auteurs de ce rapport ont utilisé les données récoltées pendant les différents cycles de 2007 à 2015 de l’Enquête canadienne sur les mesures de santé de Statistique Canada34.

Habitudes alimentaires

Les enfants et les adolescents doivent équilibrer leurs apports alimentaires afin de combler leurs besoins nutritionnels pour grandir et se développer de façon optimale35 tout en évitant des excès caloriques chroniques. Considérant que les habitudes alimentaires se développent à un âge précoce, pour ensuite se maintenir et se reproduire à l’âge adulte, l’atteinte de cet équilibre doit être acquise dès un tout jeune âge7. L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – nutrition (ESCC) est une enquête nationale qui a permis de recueillir des renseignements sur les habitudes alimentaires de la population canadienne36. Ces données sont récoltées à l’aide d’un rappel alimentaire de 24 h par un intervieweur formé. Selon le rapport émis en 2008 par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) sur les données récoltées lors de l’ESCC – nutrition 2004, les besoins énergétiques sont majoritairement comblés et même parfois dépassés chez les jeunes37. Toutefois, les résultats de l’ESCC – nutrition 2015 démontrent une diminution significative de l’apport énergétique moyen chez les garçons (-168 kilocalories (kcal)) et les filles (-89 kcal) âgés de 9 à 13 ans par rapport aux résultats de 200438. Cette diminution de l’apport énergétique moyen est principalement expliquée par une baisse de la consommation de boissons sucrées39.

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La diminution des apports énergétiques associée à la consommation de boissons sucrées équivaut à 70 kcal, soit l’équivalent d’une demicannette de 355 ml de boisson gazeuse de type cola ou d’environ une demi-tasse (125 ml) de jus d’orange pur à 100 %40, 41. Par ailleurs, les jeunes gagnent tout de même du poids en raison, entre autres, d’un faible niveau d’activité physique. Malgré cette légère diminution des apports énergétiques liée aux boissons sucrées, la consommation de ces boissons est importante chez les jeunes et n’est pas sans conséquence sur la santé42-44. En 2011, Québec en forme (QeF) a sondé des jeunes Québécois du 3e cycle du primaire sur leur consommation de boissons sucrées45. Ils ont rapporté que 71 % de ces jeunes avaient consommé au moins une boisson sucrée la veille de l’entrevue45. Ces boissons à haute densité énergétique incluent les boissons gazeuses, les boissons aux fruits, les boissons énergisantes ou les boissons pour sportifs45. Une consommation quotidienne de ces breuvages augmente le risque de développer des maladies chroniques et de l’obésité42, 43. Toutefois, Arsenault et al.46 ont récemment spécifié qu’en prévention des maladies cardiométaboliques, il est important de voir la qualité nutritionnelle de l’alimentation dans sa globalité, plutôt que de pointer du doigt un seul produit. Effectivement, la consommation quotidienne de boissons sucrées n’est pas le principal facteur d’une mauvaise santé cardiométabolique, mais plutôt le marqueur d’une alimentation globale de faible qualité nutritionnelle46.

Une alimentation riche en légumes et en fruits est l’un des indicateurs validés d’une saine alimentation52. Effectivement, ces aliments sont une source de vitamines, de minéraux et de fibres et leur consommation fréquente peut réduire le risque de développer des maladies chroniques, telles que les maladies cardiovasculaires48, 53, l’obésité48 et certains cancers48. La recommandation concernant une alimentation riche en légumes et en fruits est toujours actuelle, considérant que le nouveau Guide alimentaire canadien (GAC) appuie l’importance de consommer régulièrement des légumes, des fruits, des grains entiers et des aliments protéinés54. Santé Canada appuie cette recommandation par l’association bien fondée entre les différents modèles d’alimentation où l’on retrouve fréquemment ces aliments (ex. : régime Dietary Approaches to Stopping Hypertension (DASH) et régime de type méditerranéen) et leurs bienfaits sur la santé54. Le nouveau GAC recommande des proportions d’aliments illustrées dans une assiette au lieu d’un nombre de portions quotidien54. Cette assiette équilibrée permet de visualiser concrètement la façon d’atteindre les recommandations en matière de saine alimentation (se référer à la Figure 1)55. On y retrouve les légumes et les fruits en forte majorité par rapport aux grains entiers et aux aliments protéinés55.

Malgré leur importance, la majorité des jeunes Canadiens ne consomment pas suffisamment de légumes et de fruits selon Colapinto et al.56. Ces auteurs ont analysé les données concernant la fréquence de consommation auto déclarée de légumes et de fruits des Canadiens entre 2007 et 201456. En 2007, les personnes âgées de 12 à 18 ans consommaient en moyenne 5,3 portions de fruits et de légumes par jour56. En 2014, aucun changement significatif n’a été observé pour la consommation de ces aliments chez les personnes de cette catégorie d’âge56. Il est à noter que ces résultats incluent les portions de jus de fruits purs à 100 % et qu’aucune différence significative n’est observée entre les données de 2007 et 2014 lorsqu’on les exclut des résultats56. Comme ils contiennent peu de fibres et beaucoup de sucres concentrés, les jus de fruits purs à 100 % ont peu d’impact sur l’appétit et n’ont pas les mêmes avantages sur la santé que les fruits entiers48. Même si cette analyse est basée sur les recommandations du GAC de 2007, il est probable que les auteurs auraient émis la même conclusion avec les recommandations actuelles du nouveau GAC. En effet, selon Santé Canada, les légumes et les fruits doivent, encore une fois, occuper une grande place dans l’assiette des Canadiens(nes)54.

Table des matières

Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des abréviations
Remerciements
Introduction
Chapitre 1 – L’obésité chez les jeunes
1.1 Définition et épidémiologie de l’obésité chez les jeunes
1.2 Étiologie de l’obésité
1.2.1 Mode de vie physiquement actif
1.2.2 Habitudes alimentaires
1.3 Complications associées à l’obésité
1.4 Conclusion
Chapitre 2 – Les jeunes et la saine alimentation
2.1 Introduction
2.2 Déterminants de la saine alimentation chez les jeunes
2.3 La famille : principal milieu de vie des jeunes
2.4 Conclusion
Chapitre 3 – Les interventions visant la promotion de la saine alimentation en milieu scolaire
3.1 Introduction
3.2 Promotion de la saine alimentation en milieu scolaire : aperçu de quelques stratégies et activités
3.3 Les intervenants impliqués
3.4 La durée d’intervention
3.5 Les principaux effets sur les jeunes âgés de 9 à 12 ans
3.6 Les limites et les contraintes liées au milieu scolaire
3.7 La situation actuelle du milieu scolaire québécois
3.8 Conclusion
Chapitre 4 – Objectifs et hypothèses
4.1 Formulation des objectifs et des hypothèses
4.1.1 Premier objectif
4.1.2 Deuxième objectif
4.1.3 Troisième objectif
Chapitre 5 – Méthodologie
5.1 Population
5.1.1 Caractéristiques de l’échantillon
5.1.1.1 Critères d’inclusion
5.1.1.2 Critères d’exclusion
5.1.2 Recrutement des participants
5.2 Déroulement du projet de recherche
5.2.1 Évaluation initiale
5.2.2 Intervention
5.2.3 Évaluation finale
5.3 Cueillette des données
5.3.1 Mesures anthropométriques
5.3.2 Motivation autodéterminée à l’alimentation
5.3.4 Questionnaire sur les connaissances alimentaires et nutritionnelles
5.4 Analyses statistiques
Chapitre 6 – Résultats
6.1 Caractéristiques de l’échantillon et changements dans les données anthropométriques au cours du programme
6.2 Consommation de légumes et de fruits
6.3 Effets de PASS-SPORTS sur ma santé sur les connaissances en nutrition et sur la perception des habiletés culinaires
6.4 Effets de PASS-SPORTS sur ma santé sur la motivation autodéterminée à l’alimentation
6.5 Corrélations entre la motivation autodéterminée à l’alimentation, la consommation de légumes et de fruits et la variation de ces paramètres
Chapitre 7 – Discussion
7.1 Les effets de PASS-SPORTS pour ma santé sur les jeunes
7.2 Consommation de fruits et de légumes et autodétermination à l’alimentation
7.3 Limites associées à ce projet de recherche
7.4 Forces associées au projet de recherche
Conclusion
Bibliographie
Annexe A
Annexe B

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