Facteurs d’influence de la violence à l’école
L’émergence et le maintien des comportements d’ agression à l’ école dépendent de l’influence d’une multitude de facteurs de risque et de protection. En 2018, Yahyaoui, Ouerhani, Yahyaoui Dhouha et Gaultier ont publié une recension des écrits présentant les principaux facteurs d’ influence de la violence en milieu scolaire. Ils présentent tout d’abord les facteurs personnels: un tempérament difficile, de faibles capacités cognitives et un faible quotient intellectuel verbal (Debarbieux, 1999; Farrington et Baldry, 2010). À cela s’ ajoutent l’ usage d’alcool et de drogues, le déficit d’attention et les symptômes dépressifs (Low et Espelage, 2013). Les auteurs précisent que ces derniers facteurs peuvent être la cause ou la conséquence de la violence. Le second regroupement aborde les facteurs liés à l’environnement familial, tels que les lacunes éducatives des parents et les attitudes négatives des parents envers l’ école (Debarbieux, 1996; Fisher, 2003). Bowen et Desbiens (2011) mentionnent également l’ importance de la disponibilité, de la sensibilité et de la capacité à répondre au besoin de l’ enfant chez le parent. Il Les autres facteurs d’influence de la violence sont liés à l’environnement social de l’ enfant et/ou de l’ adolescent et à son environnement scolaire.
Sur le plan social, les auteurs mentionnent principalement que chez les adolescents, la présence de pairs délinquants fait augmenter le risque d’ adopter des comportements antisociaux (Tyrode, Bourcet et Cyrulnik, 2000), alors que la présence de pairs qui désapprouvent les comportements violents rend ces adolescents moins susceptibles de commettre des actes délinquants (voir aussi: Hawkins et al., 2000). En ce qui a trait aux facteurs d’ influence de l’environnement scolaire, Vaughn, Wexler, Beaver, Penon, Roberts et Fu (2011) affinnent que les personnes qui se désengagent face à l’ école ont davantage tendance à provoquer les altercations, à détruire le matériel d’ autrui, à mentir, à voler et à agresser. Bowen et Desbiens (2011) mettent en valeur certains facteurs d’ influence liés à l’environnement scolaire, tels que l’exposition à la violence, les relations avec les enseignants et avec les pairs, les difficultés scolaires et la perception du climat scolaire. Berkowitz, Moore, Astor et Benbenishty (2016) précisent pour leur part des facteurs qui favorisent la qualité du climat scolaire, tels que l’engagement des enseignants et de l’ institution scolaire, l’engagement des parents, le sentiment de sécurité et la clarté des règles.
Le climat scolaire
Le climat scolaire correspond à l’ atmosphère qUI règne dans un établissement scolaire. Dans le Portrait de la violence dans les établissements d’enseignement au Québec (2014), Beaumont et al. mentionnent qu’ ils ont jugé important de questionner les différents acteurs du milieu scolaire sur cet aspect à cause de l’ influence qu ‘ il a sur la qualité de vie des élèves et du personnel. Ces chercheurs évaluent la perception de la qualité du climat et de la vie scolaires des élèves selon quatre dimensions: le sentiment de sécurité (perception d’évoluer dans un milieu fournissant un encadrement sécurisant, soutenu par des pratiques éducatives adéquates, qui donne un sentiment de confiance et de liberté à fréquenter les lieux), le sentiment de justice (reconnaissance de la légitimité des règles et de l’application judicieuse de celles-ci, respect des droits de chacun), la qualité des relations interpersonnelles et du soutien entre élèves et entre adultes (perception de la qualité des relations interpersonnelles entre tous, du respect entre les individus et la façon dont le soutien est apporté) et l’engagement/attachement au milieu (perception de la participation et de l’attachement des élèves envers leur milieu scolaire). Les données recueillies lors des trois temps de mesures de cette enquête (2013, 2015 et 2017), démontrent qu ‘en moyenne dans une école primaire au Québec, les élèves perçoivent positivement la qualité du climat et de la vie scolaire et ils ne rapportent aucun changement significatif (positif ou négatif) dans leur perception du climat scolaire (Beaumont et al., 2018). Au secondaire, les élèves ont également rapporté avoir une perception positive de la qualité du climat et de la vie scolaire lors des trois temps de mesure et les résultats indiquent des changements significatifs positifs importants pour les échelles « qualité des relations interpersonnelles / soutien» et « sentiment de sécurité ». Ces changements sont survenus entre 2013 et 2015 et entre 2013 et 2017. Les dimensions sécurité et relations interpersonnelles sont deux dimensions essentielles du climat scolaire qui doivent être considérées pour décrire adéquatement et comprendre le climat scolaire d’une école (Thapa, Cohen, Guffey et HigginsD’Alessandro, 2013).
Le climat de sécurité
Les résultats de recherche de Poulin (2015) révèlent que les élèves qui se sentent en sécurité dans leur milieu scolaire sont moins à risque de vivre les six formes de violence étudiées: physique, verbale, psychologique, matérielle, électronique et à connotation sexuelle. De leur côté, Klein, Cornell et Konold (2012) ont observé une association entre un climat scolaire positif et une baisse des comportements à risque des élèves en faisant compléter à 3687 élèves du secondaire, le School Climate Bullying Survey (Corne Il et Sheras, 2003), questionnaire qui a démontré lors d’analyses factorielles exploratoire et confmnatoire, une correspondance raisonnable pour 20 items avec leur échelle hypothétique et avec une analyse factorielle multi-groupes, une bonne correspondance globale entre le modèle et les données empiriques et le Youth Risk Behavior Surveillance Survey (Centers for Disease Control and Prevention, 2010) (kappa = 61 %-100 %). Richard, Schneider et Mallet (2011) ont analysé les approches utilisées par les écoles pour contrer l’ intim idation. Ils ont démontré un lien entre un climat scolaire positif au sein des écoles et la réduction de l’incidence des comportements d’ intimidation. Concrètement, ils affirment que plus une école est perçue comme étant sécuritaire et plus les élèves y vivent des relations positives avec leurs enseignants, moins on observe d’ intimidation. Cornell, Sheras, Gregory et Fan (2009) ont étudié les effets du Virginia Model for Student Threat Assessment Guidelines (Cornell, 2006) qui fournit aux écoles un cadre d’ interventions sécuritaires et efficaces pour faire face aux menaces de violence des élèves, auprès d’ élèves de ge année provenant de 280 écoles publiques de la Virginie.
En comparant les écoles, ils ont observé que les élèves fréquentant des écoles qui appliquaient les recommandations du programme rapportaient moins d’ intimidation, se sentaient plus à l’ aise de demander de l’ aide et avaient une perception plus positive du climat scolaire que les élèves qui fréquentaient des écoles qui n’ appliquaient pas ces recommandations. L’organisation sociale d’un établissement, les pratiques collaboratives entre les élèves et les adultes, la participation et l’engagement dans la vie de l’ école apportent une contribution positive au climat scolaire et à la prévention de la victimisation. Ces conditions contribuent au maintien d’un climat sécurisant.
La qualité des relations interpersonnelles et du soutien
Les recherches ont montré que dans les écoles où les élèves ont une meilleure perception de la structure de l’ école, de la justice et de meilleures relations élèvesenseignants, la probabilité et la fréquence des problèmes de comportement sont moindres (Gregory et Cornell, 2009; Wang, Selman, Dishion et Stormshak, 2010). À l’ inverse, Astor, Guerra et Van Acker (2010) ont observé que dans les établissements où il y a absence de normes de soutien, de structure et de leadership, les élèves sont plus à risque de vivre de la violence, de la victimisation par leurs pairs et des conséquences disciplinaires punitives qui s’accompagnent souvent de hauts taux d’absentéisme et d’ une baisse des résultats scolaires. Gregory, Cornell, Fan, Sheras, Shih et Huang (2010) ont montré, par une modélisation linéaire hiérarchique des données de leur étude Authoritative schoo/ discipline: High school practices associated with lower student bullying and victimization, qu ‘ une application cohérente de la discipline scolaire et la disponibilité d’adultes attentionnés sont associées au sentiment de sécurité à l’école. L’ échantillon de cette étude comprenait 7 300 élèves et 2 900 enseignants choisis de façon aléatoire dans 290 écoles secondaires de l’état de la Virginie, aux États-Unis. et Swenson (2012) ont constaté, quant à eux, que les réponses des enseignants à l’intimidation affectent l’intensité des comportements d’intimidation de leurs élèves et influencent le degré jusqu’auquel les élèves témoins sont prêts à intervenir lorsqu’ils sont témoins de ces comportements.
Quand les enseignants interagissent de manière positive avec leurs élèves, ceux-ci tendent à s’ engager davantage envers leur classe et à se comporter de manière appropriée (Skinner et Belmont, 1993). Selon plusieurs chercheurs, les enseignants sont des agents de changement (Kallestad et Olweus, 2003). Les élèves apprennent des interactions entre l’ enseignant et ses élèves par deux mécanismes, soit le modelage et la référenciation sociale. Le modelage s’effectue lorsque les élèves apprennent comment se comporter eux-mêmes en observant les comportements de l’ enseignant, alors que la référenciation sociale s’observe lorsque les élèves jugent et approchent un autre élève selon le type de relation (soutenante ou conflictuelle) que celui-ci a avec l’enseignant (Buyse, Verschueren, Verachtert et Van Damme, 2009; Hughes et Chen, 2011). Autrement dit, les élèves font des inférences quant aux caractéristiques personnelles et à l’ amabilité d’ élèves spécifiques en se référant, du moins en partie, aux interactions observées entre l’enseignant et ces élèves (Hughes, Cavell et Willson, 2001). Des résultats d’une étude récente de Thornberg, Wanstr6m, Hong et Espelage (2017) confirment qu’une meilleure qualité des relations entre les élèves est associée à une plus forte incidence de comportements défensifs lors de conflits.
Ainsi, les élèves seraient davantage portés à défendre leurs collègues de classe lorsqu’ ils font partie d’un groupe-classe dans lequel on observe des relations chaleureuses, soutenantes, protectrices, amicales et respectueuses entre les élèves. Flasp6hler, Elfstrom, Vanderzee, Sink et Birchmeier (2009) ont constaté que les élèves ayant de faibles niveaux de soutien par les enseignants et leurs pairs déclarent qu’ils sont plus souvent victimes d’intimidation. Selon Troop-Gordon et Kuntz (2013), une relation conflictuelle avec l’enseignant peut accroître le sentiment d’ être en danger à l’école ressenti par les enfants victimes. Ainsi, bien que de nombreux enfants victimes demeurent motivés académiquement et engagés dans leurs tâches scolaires malgré les mauvais traitements de leurs pairs, cette résilience est susceptible d’être érodée si les relations avec les enseignants sont conflictuelles. Dans le même ordre d’ idée, RasKauskas, Gregory, Harvey, Rifshana et Evans (2010) ont constaté que les intimidateurs et les intimidateurs/victimes ont une faible connexion à l’ école et les relations les plus pauvres avec leurs enseignants. Au Québec, ce sont 12 % des élèves au primaire et 24 % au secondaire qui disent ne pas connaître d’ adultes de confiance à l’école (Beaumont et al. , 2016).
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