LES INTERTRIGOS CHEZ LES ADULTES
DIAGNOSTIC POSITIF
Le diagnostic positif est souvent évident. Il repose essentiellement sur l’examen clinique. L’intertrigo est caractérisé par une lésion élémentaire presque constante : l’érythème, accompagné parfois d’un prurit et d’une exsudation plus ou moins abondante. L’atteinte, qu’elle soit uni ou bilatérale, peut concerner tous les types de plis: grands, moyens ou petits, de manière isolée ou associée. Quelques examens complémentaires orientés vont secondairement permettre de confirmer le diagnostic étiologique.
DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Le diagnostic étiologique est souvent facile, compte tenu du siège de l’intertrigo, de l’aspect clinique, des éventuelles autres lésions cutanées à distance et de l’anamnèse. Toutefois, il peut être plus difficile, notamment lorsque les lésions sont modifiées par la macération et le frottement qui sont très fréquents à ce niveau.
L’interrogatoire
S’informer sur l’ancienneté des lésions, les circonstances d’apparition et l’évolution de l’intertrigo (extension centrifuge ou non). Chercher des signes fonctionnels tels que le prurit, la sensation de brûlure ou de cuisson qui peuvent orienter vers certaines étiologies. S’enquérir des antécédents – dermatologiques (psoriasis, atopie, etc.) – non dermatologiques – familiaux (psoriasis, maladie de Hailey-Hailey, dermatite atopique, etc,) – dans l’entourage (cas identiques) 5 L’analyse des facteurs favorisants représente une étape fondamentale dans la prise en charge thérapeutique des intertrigos motivant un interrogatoire complet comprenant : Le mode de vie : la profession, les conditions d’hygiène, les activités sportives, les habitudes vestimentaires, le savon utilisé (pH acide7), le type de lessive Le terrain : la grossesse, le diabète, l’obésité, une immunodépression telle qu’une infection à VIH la prise de médicaments : une antibiothérapie générale récente, une corticothérapie générale, immunosuppresseurs, des oestroprogéstatifs, une application de topiques sensibilisants ou irritants.
L’examen physique complet
Il comprend l’inspection de l’intertrigo et l’analyse de ses principales caractéristiques à savoir : – Le siège – Le caractère bilatéral, symétrique ou unilatéral – Les lésions élémentaires (vésicules orientant vers un eczéma ou une dermatophytie; micropustules orientant vers une candidose, etc.) – L’aspect (brillant, suintant, dépôts blanchâtres, fissuration, desquamation) – Extension centrifuge ou non – Les limites nettes ou contours émiettés Il faut également rechercher d’éventuelles anomalies associées. L’examen général de la peau, à la recherche d’un intertrigo d’un autre pli, une autre lésion cutanée, une atteinte du cuir chevelu, des ongles ou des muqueuses, peut orienter le diagnostic étiologique. Un examen clinique complet est aussi indispensable.
Les examens complémentaires
L’inspection à la lumière de Wood : Cet examen peut objectiver la couleur rouge saumoné caractéristique des infections par Corynebacterium minutissimum responsable de l’érythrasma ; la fluorescence jaune orangée spécifique d’une dermatophytose ou encore la fluorescence blanchâtre de la trichobactériose axillaire [4]. Les prélèvements bactériologiques et mycologiques : sont en règle nécessaire avant tout traitement en dehors d’une étiologie non infectieuse. L’examen mycologique, de préférence en bordure des lésions récentes et non traitées, permettra la mise en évidence, par examen direct et par culture, des dermatophytes ou des levures [5]. Le cytodiagnostic de Tzank : est utile dans deux situations : les dermatoses bulleuses et les dermatoses vésiculeuses d’origine virale. Il permet, par exemple, de mettre en évidence des cellules acantholytiques dans les pemphigus auto-immun. Il permet une étude des cellules épithéliales malpighiennes cutanées ou muqueuses obtenues par raclage d’une lésion vésiculo-bulleuse ou des berges d’une ulcération [5]. La biopsie cutanée : est quelque fois nécessaire pour porter le diagnostic, par exemple, de dermatose acantholytique familiale (Hailey-Hailey), de pemphigus ou d’histiocytose langerhansienne, si possible après avoir atténué l’élément infectieux et/ou inflammatoire qui risque de gêner l’interprétation histologique (en cas de psoriasis, par exemple)[5]. Les tests allergologiques : Le bilan allergologique est le nécessaire complément de la prise en charge dermatologique des dermatite atopique ou des eczémas de contact. Il comprend les prick-tests aux pneumallergènes et aux trophallergènes ainsi que les patch-tests aux haptènes de contact [6]. Les patch-tests explorent les dermatoses faisant intervenir un mécanisme 7 immuno-allergique de type IV. Les prick-tests mettent en évidence une hypersensibilité immédiate de type 1.
Etiologies des intertrigos chez les adultes
Intertrigos infectieux Intertrigos mycosiques Intertrigos dermatophytiques
Certains facteurs (occlusion, chaleur et humidité) facilitent la survenue des intertrigos. L’atopie, le diabète, une anomalie de la kératinisation, une altération de l’immunité cellulaire et diverses affections (trisomie, affections neurologiques…) sont invoqués comme facteurs responsables d’une prévalence plus forte, de la persistance et de la récurrence des dermatophyties [7]. Au niveau des grands plis : L’intertrigo siège avec prédilection au niveau des plis inguino-cruraux. Il s’agit de l’eczéma marginé de Hébra. Il atteint surtout les hommes. La contamination peut se faire par contact interhumain direct ou indirect. Le facteur favorisant principal est une altération épidermique quelle que soit sa nature. Ce sont les dermatophytes anthropophiles (T. rubrum, E. floccosum) qui en sont les agents responsables [8]. L’atteinte peut être uni ou le plus souvent bilatérale. Elle débute au niveau de la face interne des cuisses par une ou plusieurs plaques dont la bordure est érythémato-vésiculo-squameuses, et qui confluent pour donner un placard circiné. Elles s’étendent de façon centrifuge débordant parfois dans le pli interfessier et sur le périnée et les fesses. Alors que le centre a tendance à guérir, la périphérie reste active, polycyclique, squameuse et vésiculeuse. L’atteinte des autres grands plis (interfessier, axillaires, abdominaux) a le même aspect clinique mais elle reste moins fréquente .Le prélèvement mycologique n’est pas systématique si le diagnostic clinique est évident. Il ne devient indispensable que dans les formes non typiques ou rebelles. Le prélèvement révèle à l’examen direct des filaments mycéliens, et aux cultures sur milieu de Sabourand (2 à 4 semaines) des dermatophytes anthropophiles. Au niveau des petits plis : Ce sont les plis interorteils (en particulier le troisième et le quatrième) et sous-orteils qui sont le siège le plus fréquent de l’infection. Les agents responsables étant T. interdigitale, le plus fréquent, et T. rubrum [8]. L’intertrigo concerne surtout l’adulte, sous la forme d’une simple desquamation sèche ou suintante, associée ou non à des fissures ou des vésiculo-bulles sur la face interne des orteils et au fond du pli. Il peut s’étendre et occuper toute la surface plantaire « pied d’athlète ». Le prurit est variable et est exacerbé par la transpiration et le contact de l’eau mais le patient accuse parfois seulement une sensation de brûlure. L’intertrigo interorteil constitue une porte d’entrée d’infection bactérienne se compliquant en érysipèles de jambes, fascistes nécrosantes ou ostéomyélites engageant le pronostic vital [10]. Une autre localisation dermatophytique doit toujours être recherchée, en particulier une atteinte unguéale. Le prélèvement mycologique est rarement indispensable. Il trouverait surtout Trichophyton rubrum et Trichophyton interdigitale
Intertrigos candidosiques
Dû à Candida albicans, levure saprophyte de l’homme, et qui peut passer à l’état pathogène sous l’influence de multiples facteurs : l’altération du revêtement cutané, l’humidité, la macération, une grossesse ou des personnes âgées ; un terrain d’immunodépression, de diabète, d’obésité, de VIH, 9 de dénutrition, une prise médicamenteuse prolongée de corticoïdes, d’antibiotiques, de contraception orale ou d’immunosuppresseurs [7]. Au niveau des grands plis L’aspect d’un intertrigo à Candida est cliniquement évocateur. C’est un placard à fond érythémateux parfois recouvert d’un enduit crémeux malodorant, avec une fissure fréquente du fond du pli, limitée par une bordure irrégulière pustuleuse ou une collerette desquamative. Le placard déborde le pli de façon symétrique. L’atteinte est souvent bilatérale et symétrique. Le prurit et la sensation de brûlure sont d’intensité variable. L’intertrigo peut siéger au niveau de tous les grands plis, en particulier les plis inguinaux (surtout chez les diabétiques), le pli interfessier, abdominal et sous-mammaire. Ces intertrigos sont volontiers associés entre eux . Il faut toujours rechercher une autre localisation candidosique notamment une anite ou une vulvovaginite . L’examen direct mycologique recherche les levures bourgeonnantes et la présence de pseudo-filaments ou de filaments qui signent le pouvoir pathogène de Candida albicans. La culture sur milieu de Sabouraud permet le développement des colonies en 48 heures. Leur caractérisation permet de poser le diagnostic de l’espèce en cause. L’isolement en culture de Candida albicans à partir de sites cutanés permet le diagnostic de candidose car il est normalement absent de la peau saine. Au niveau des petits plis Tous les petits plis peuvent être atteints. L’intertrigo peut siéger au niveau interdigital des mains touchant le plus souvent le troisième espace, et au niveau interorteils pouvant toucher les premiers espaces
Une perlèche candidosique doit toujours être évoquée devant une petite squame érythémato-squameuse, triangulaire, fissuraire des deux commissures labiales. Les facteurs favorisants, outre les facteurs généraux cités plus haut, sont le contact avec l’eau (plongeurs dans la restauration) ; l’hyperhidrose et les facteurs professionnels favorisant l’occlusion (port de chaussures de sécurité, bottes) .
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
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