Les institutions d’encadrement pour soulager l’indigence et maintenir l’ordre

Les institutions d’encadrement pour soulager l’indigence et maintenir l’ordre

Des institutions pour soulager l’indigence

Au milieu du XIXe siècle, la perception de la ville comme étant désordonnée émane des préoccupations grandissantes des élites urbaines. La pauvreté est un « problème » dont il faut disposer de manière particulière, de peur de contaminer le « tissu sain » de la population. Fecteau décrit le paupérisme comme « de plus en plus assimilé aux franges extrêmes de la dépravation populaire (plutôt qu’attribué aux méfaits de l’industrie), [qui] est devenu ce problème sans solution, le mot que l’on donne à ces irrécupérables de la liberté que sont les inaptes, les miséreux, les criminels68 ».

En l’absence de Poor Laws comme en Grande-Bretagne ou d’un équivalent permettant de financer l’enfermement pour les personnes victimes de la pauvreté extrême, les gouvernements canadiens n’ont pas mis en place de systèmes alternatifs de charité publics et centralisés. Pour la prise en charge des pauvres, les autorités subventionnent partiellement plutôt les institutions69 et associations privées et interviennent au mieux lors de désastres naturels, de dépressions économiques, d’épidémies, de famine ou d’importantes vagues migratoires.

L’État québécois laisse une grande part de l’assistance sociale aux Églises et à la philanthropie laïque. Ces efforts s’inscrivent dans une dynamique plus large, celle de l’apparition d’une assistance essentiellement privée et personnalisée, fondée sur l’âge, le sexe, la classe sociale, la confession religieuse et l’ethnicité71. Dans le contexte portuaire, les populations de passage comme les migrants ou les marins ne disposent généralement pas de réseaux familiaux ou sociaux et l’assistance qu’on offre reste somme toute limitée

L’assistance aux migrants et aux immigrants

L’immigration massive d’anglophones au XIXe siècle ébranle les structures d’assistance à Québec. À partir des années 1830, la circulation de centaines de milliers de migrants provoque des vagues successives d’épidémies se propageant à travers le Canada. Le rôle de l’immigration comme vecteur des maladies est rapidement établi, ce qui mène les autorités coloniales à transférer la station de quarantaine des nouveaux arrivants du port de Québec à Grosse-Île en 1832. Arrivant sans emploi ni réseau social dans la ville, les migrants et immigrants sont plus à risque de se retrouver en situation de vulnérabilité.

Après la traversée, plusieurs femmes célibataires ou veuves sont réduites à la mendicité et parfois à la prostitution pour survivre. Entre 1850 et 1870, les prostituées anglophones, pour la plupart d’origine irlandaise, comptent pour plus de la moitié des arrestations dans les bordels72. Le drame humain est affligeant: des veuves et des orphelins73 laissés à euxmêmes après la traversée, sans compter les problèmes sanitaires croissants et la pauvreté endémique. Les services publics sont à la fois submergés par la menace épidémique et par l’afflux croissant de migrants74. Les statistiques de l’agent de l’immigration de Québec indiquent que sur près de 74 000 immigrants arrivés en 1847, un peu moins de 7 000 avaient reçu de l’assistance75.

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En 1849, le Bureau de Santé exige du Conseil de ville l’usage de l’ancienne douane au Cul-de-sac afin d’y établir un hôpital pour les marins et les immigrants. Cette mesure permet de suppléer, surtout pendant la période estivale, aux soins offerts par les seules institutions de prise en charge que sont l’Hôtel-Dieu et l’Hôpital Général. Le Conseil étudie la possibilité d’investir dans l’amélioration du système de drainage, tandis que le Bureau de Santé s’assure qu’après l’inspection médicale, les immigrants passés par Grosse-Île séjournent le moins de temps possible à Québec, les encourageant plutôt à poursuivre leur route vers l’intérieur des terres. Les retours fréquents de la maladie occasionnent des dépenses extraordinaires pour la ville et révèlent à plusieurs reprises l’insuffisance et l’inefficacité des ressources publiques76. Fondée en 1818, la Société des immigrants de Québec prend en charge les nouveaux arrivants au moment de leur entrée et pendant leur séjour dans la ville de Québec77. Elle fournit conseil, information, logement, alimentation et assistance à ceux qui veulent poursuivre à l’intérieur du pays

Les autorités gouvernementales passent par l’entremise de la Société afin d’assumer le coût de transport des familles immigrantes nécessiteuses vers l’intérieur des terres. Plusieurs milliers d’immigrants débarqués à Québec voient leur passage de Québec à Montréal ou ailleurs ainsi payé79. La Société des immigrants était vouée à l’assistance temporaire et au transit des immigrants, mais pas à leur intégration durable dans la ville. À partir des années 1840, la Société des immigrants fait place à des sociétés patriotiques fondées sur des bases ethniques pour s’occuper des immigrants pauvres qui n’ont pas pu poursuivre leur route.

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