Les influences intrinsèques et extrinsèques sur la réussite scolaire des élèves

Mesurer la réussite n’est pas si simple

En 1959, la réforme Berthoin impose l’école obligatoire jusqu’à 16 ans, donnant ainsi accès au collège à tous les enfants. Le ministre Haby réaffirme cette volonté en créant en 1975 le collège unique, laissant espérer une désocialisation de la scolarité. Mais très vite, les choix d’options faits par les parents ont entrainé des stratégies de catégorisation des réussites, marquant déjà les perspectives de poursuite d’études de ces élèves.
Cette génération X, comme la nomment William Strauss et Neil Howe, a grandi avec l’idée d’une école accessible au plus grand nombre. Les enfants des enfants issus de cette génération X ont quant à eux grandi dans le sillage de la réforme Jospin de 1989 qui détermine que l’école doit s’adapter aux élèves (l’élève est au centre du système), et ne doit plus seulement ouvrir mais favoriser l’accès des études à tous les enfants, notamment en renforçant le droit des parents dans l’institution scolaire et en réduisant les inégalités géographiques. On est alors passé d’une éducation de service public à une éducation au service du public. Les objectifs de cette loi d’orientation sur l’école était de « conduire d’ici à dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum à un niveau de certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou de brevet d’études professionnelles (BEP) et 80 % à un niveau baccalauréat « , objectif réaffirmé par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école quinze ans plus tard.
Les nombreuses réformes successives des années 2000 répondent quant à elles à l’évolution de la société et de ses besoins face à l’européanisation du marché du travail et au taux croissant du chômage des jeunes : la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005 (Fillon) qui vise à garantir l’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compétences et faire obtenir à 100% des élèves un diplôme reconnu à la fin de leur scolarité ; ou encore la réforme du lycée de 2009 (Chatel) pour la réduction des inégalités.
Les objectifs de réussite scolaire fixés par les institutions françaises et européennes visent à la fois la réduction des inégalités sociales et l’amélioration de la compétitivité économique.

De la motivation extrinsèque à la mobilisation

Le lycée professionnel a longtemps bénéficié d’une image positive . Pendant les 30 glorieuses, poursuivre ses études en lycée professionnel était une opportunité de promotion sociale et professionnelle, à travers un parcours qui n’était pas vécu comme inférieur à celui de l’enseignement général, car il s’adressait à des élèves qui, auparavant, ne poursuivaient pas leurs études. Mais depuis les années 70, face au chômage et à l’augmentation du niveau de diplôme de la population, le lycée professionnel est parfois considéré comme un choix par défaut, une voie de garage. Aujourd’hui, l’expérience des élèves de lycée professionnel porte souvent l’empreinte d’une histoire marquée par l’échec scolaire tant du point de vue des élèves que de celui de l’institution qui hiérarchise les formes et les normes de l’excellence scolaire . Néanmoins, les travaux de Jellab ont montré que la voie professionnelle peut permettre à certains de ces élèves d’y trouver ce que la société et le collège ne leur ont pas donné : un lieu de réhabilitation scolaire et de réconciliation avec les apprentissages et les enseignants et une chance de réussir. Bernard et Troger (2015) soulignent même que la réforme du bac professionnel en 2009 a rendu cette voie encore plus populaire et a même incité 60 % des jeunes qui y accèdent à poursuivre leurs études.
La notion de réussite scolaire développée lors de la conférence « c’est quoi au fond réussir à l’école » à St Ismier en 2010 par Philippe Meirieu², constate diverses influences à l’origine de ce paradigme.
Ainsi, pour les parents, la réussite scolaire au lycée professionnel passe par l’obtention de bonnes notes, le passage en classe de niveau supérieur et l’acquisition du diplôme de fin de cycle, mais pas par la poursuite d’études supérieures. Le genre des élèves influencera aussi fortement le parcours et la réussite scolaire. D’abord parce que, selon le sexe de l’élève, l’enseignant aura une vision différente de ses capacités et des causes de sa réussite, et n’agira pas de la même façon avec lui, notamment dans sa notation et dans ses conseils d’orientation qui seront plus sévères pour les filles, considérées comme ayant atteint leurs capacités scolaires maximales, que pour les garçons qui seront considérés comme ayant des possibilités non encore exploitées ; mais aussi parce que le rapport à l’école des élèves diffèrent pour les filles et pour les garçons : Meirieu précise que les filles s’adapteront mieux aux problèmes rencontrés dans leur scolarité alors que les garçons intérioriseront leur rapport à l’école car leur volonté d’y réussir est parfois mal vue par ses pairs, particulièrement dans les milieux défavorisés. Enfin, cette conférence met le doigt sur le sens même de la réussite pour les élèves.

Quelles influences sur la motivation de réussite ?

Les élèves de baccalauréat professionnel sont principalement issus des catégories socioprofessionnelles dites défavorisées, catégorisées par le ministère de l’Education Nationale par les statuts d’ouvriers, de retraités des métiers ouvriers ou employés, et les inactifs. En effet, on constate que pour l’année 2015, 50 % des élèves entrés en lycée professionnel pour y préparer un bac professionnel étaient issus de ces catégories, contre 27 % à intégrer la voie générale et technologique, alors même que les élèves issus des catégories socioprofessionnelles défavorisées ne représentent que 36 % de la population totale des élèves du second degré cette année-là. L’étude menée par E. Huillery et N. Guyon sur l’année scolaire 2012-2013 montre que si les choix d’orientation des élèves se font par l’influence de leur origine sociale notamment à travers l’action parentale, ça n’est pas la seule raison. En effet, elle démontre que les aptitudes scolaires des élèves jouent également un rôle déterminant.
On peut donc supposer au regard des études menées par Marie-Hélène Jacques que leur parcours scolaire est emprunt d’échec et qu’ils ont vécu, voire subi, un certain nombre de transitions dans ce parcours .
Pour beaucoup, il est probable que la construction de leur parcours va s’opérer en référence à des appuis intrinsèques et extrinsèques tels que définis par Vallerand et Thill comme des « forces produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement » que l’on peut aussi nommer «motivation» . C’est-à-dire que la réussite de ces élèves est liée en partie à la façon dont ils s’inscrivent dans l’école et peuvent s’imaginer dans un parcours scolaire en lien avec ce qu’ils veulent faire plus tard et ce qu’ils vivent au présent.

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La motivation comme source de réussite

La motivation est un facteur déterminant dans l’atteinte d’un objectif. Celle-ci peut être guidée par des facteurs d’origines propres à chacun, appelée motivation intrinsèque. Cette motivation intrinsèque correspond à une action conduite uniquement par l’intérêt et le plaisir que l’individu y trouve, sans attente de récompense externe. Elle peut prendre différentes formes selon qu’elle est guidée par les sentiments qu’elle génère, le plaisir qu’elle procure ou l’accomplissement qu’elle engendre. Deci et Ryan la présente comme la motivation la plus élevée dans l’auto-détermination de chaque élève. Le plaisir autodéterminé serait la résultante d’un comportement motivationnel dont les besoins sont d’origine intrinsèque.
Selon Galland, ce plaisir construit l’estime de soi des élèves au fil des expériences scolaires qu’ils vivent ou qu’ils ont vécues. Cette estime accompagne les réussites et les échecs des élèves mais va également les influencer. Les élèves de lycée professionnel sont parfois considérés comme des
élèves en difficultés scolaires, voir en échec. Pourtant, sur les 78 élèves en classe de 1ère bac pro commerce que j’ai pu sonder, 58 % d’entre eux n’ont jamais redoublé durant leur scolarité, alors même qu’ils n’ont pas subi les directives du décret¹ de 2014 limitant fortement les possibilités de redoublement. Ce chiffre reste néanmoins deux fois et demi plus élevé que la moyenne nationale et cinq fois plus que la moyenne de l’OCDE. L’enquête PISA effectuée en 2015 montre en effet que 22 % des élèves français de 15 ans avaient déjà redoublé au moins une fois .
J’ai cherché à mesurer leur perception de leur niveau de réussite et j’ai pu constater que 50 % d’entre eux considèrent qu’ils réussissent bien dans leur travail scolaire. Il serait facile, et un peu rapide, de faire un lien entre les capacités de réussite et le nombre de redoublement de l’élève. Néanmoins, deux tiers des élèves qui n’ont jamais redoublé estiment ne pas réussir très bien dans leur travail scolaire. On ne peut donc pas faire de lien direct entre la réussite estimée d’un élève et le nombre de redoublement qu’il a subi.

Les acteurs de l’institution et le potentiel de réussite des élèves

Le potentiel de réussite d’un élève est une notion subjective qui dépendra des attentes individuelles de l’ensemble des personnes qui composent l’environnement de l’élève. Ainsi, l’institution mettra tous les moyens en œuvre pour permettre à chaque élève de sortir diplômé du système scolaire, en proposant notamment des parcours dits alternatifs dans le second degré, adaptés aux capacités de chaque élève, ou encore en luttant contre le décrochage scolaire avec la mise en place en 2013 de la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire.
Les dernières statistiques du Ministère de l’Education Nationale montrent que le potentiel de réussite d’un élève n’est pas seulement lié à ses origines sociales mais également à son lieu de résidence. Ainsi, les territoires français n’offrent pas tous une égalité de qualité et de quantité d’offre scolaire. Pour exemple, en termes de conditions d’apprentissage, les élèves de lycée professionnel seront en moyenne 19,3 par classe à Mayotte alors qu’ils ne sont que 13,7 en Corse. Les moyens dont disposent les établissements seront différents en fonction du territoire géographique, ainsi la taxe d’apprentissage versée aux établissements technologiques et professionnels était de 132 € par élève dans l’académie de Lille en 2012, contre 256 € pour les élèves de l’académie de Lyon. A la rentrée 2013, l’académie de Nantes disposait de 76 lycées professionnels, soit 3,6 % des lycées professionnels français alors que le nombre d’élèves de l’académie correspondait à 4,9 % de la population totale des lycées professionnels en France. La dernière inégalité soulevée est celle du nombre de place par filière. Si le bac pro commerce offrait 108 679 places en 2013 sur le territoire national, le bac pro textile n’en disposait que de 9. Les élèves orienteront donc leur choix de parcours scolaire non pas en fonction de leur appétence ou de leur prédisposition à les réussir mais bien en fonction de l’offre territoriale qui leur est proposée, les familles, souvent d’origine modeste, ne pouvant que rarement envisager une migration pour permettre à leur enfant de suivre une scolarité réellement choisie. L’institution, même si elle tente d’y remédier, ne propose pas les mêmes potentiels de réussite à tous les élèves.

Table des matières

Introduction 
Elèves de bac pro commerce et réussite scolaire
Mesurer la réussite n’est pas si simple
De la motivation extrinsèque à la mobilisation
L’exemple du lycée des Bourdonnières
Quelles influences sur la motivation de réussite ?
Hypothèses 
Méthodologie 
Analyse
La motivation comme source de réussite
L’origine sociale comme facteur de réussite
Les acteurs de l’institution et le potentiel de réussite
Synthèse 
Conclusion
Bibliographie 
Annexes
Annexe 1 – Questionnaire élèves
Annexes 2 – Guide d’entretien enseignants
Annexe 3 – Conduite de l’entretien
Annexe 4 – Retranscription interview

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