Définitions
Selon le Collège National de Gynécologie-Obstétrique Français (CNGOF), une Infection Sexuellement Transmissible (IST) est une infection transmise lors de rapports sexuels et responsable de manifestations gynécologiques ou systémiques. Le terme de Maladie Sexuellement Transmissible (MST) est tombé en désuétude car il n’englobait que les formes symptomatiques. De plus, la distinction entre Infection Uro-Génitale (IUG) et Infection Sexuellement Transmise est subtile. Une IST peut être responsable d’IUG mais une IUG peut être due à des agents d’IST ou non. En effet, les Candidoses génitales et les Vaginoses bactériennes relèvent de déséquilibres de la flore commensale et ne sont donc pas considérées comme des IST. Dans l’optique d’une prise en charge biologique globale, elles sont indissociables : une IST pouvant être accompagnée d’une IUG.
L’OMS dénombre actuellement plus de 30 pathogènes transmissibles par voie sexuelle. Parmi eux, on trouve des virus : le Virus de l’Hépatite B (VHB), le Virus de l’Immunodéficience Humaine (VIH), l’Herpes Simplex Virus (HSV), le Papillomavirus (HPV), l’Human TLymphotropic Virus (HTLV). Une transmission sexuelle s’observe aussi chez les bactéries, certaines connues de longue date : Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae (Agent de la blennorragie), Treponema pallidum (agent de la Syphilis), Haemophilus ducreyi, Klebsiella granulomatis ; et d’autres dont la pathogénicité a été démontrée plus récemment, commeMycoplasma genitalium. Enfin, on relèvera parmi les parasites, le protozoaire Trichomonas vaginalis.
Parmi tous ces micro-organismes, six ont une prévalence élevée et une expression clinique uro-génitale forte. Il s’agit de deux virus : HSV, HPV ; de quatre bactéries Chlamydiatrachomatis, Neisseria gonorrhoeae, Treponema pallidum, Mycoplasma genitalium et d’un parasite : Trichomonas vaginalis. En tant que maladies transmissibles, elles obéissent donc à certaines règles. Premièrement, letaux de transmission n’est pas de 100% lors de chaque contact à risque (relation sexuelle non protégée, contact avec des lésions infectieuses malgré une protection). Elles sont dépendantes des susceptibilités individuelles et sont favorisées lorsque certaines caractéristiques (appelées Les Infections Sexuellement Transmissibles de localisation génitale facteurs de risque) sont présentes. Il s’agit par exemple du sexe féminin, d’un rapport sexuel précoce, des deux premières décennies de vie sexuelle, du nombre de partenaires, des antécédents d’IST, de l’infection par HIV et du niveau socio-économique faible. L’Agence de Santé Publique du Québec a mis à disposition sur son site internet, un document relatif à la probabilité de transmission en fonction du type de rapport et de la présence de protection (voir site : https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/documents/formation/itss/13EstimationRisqueSelonActiviteSexuelle.pdf).
La suite de cette introduction va développer la dimension internationale des différentes ISTcitées ci-dessus, et va aussi rappeler l’importance du rôle du biologiste médical dans la lutte contre ces épidémies en collaborant efficacement avec le clinicien.
Epidémiologie à l’échelle mondiale
En 20121 et 20162 , deux rapports de l’OMS relevaient les incidences des infections à Chlamydia trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et Trichomonas vaginalis. Les données sur les infections à Mycoplasma genitalium sont absentes, ce germe étant considéré comme un pathogène émergent3 . Les données des incidences de l’OMS sont rassemblées dans le tableau suivant pour plus delisibilité.
Entre 2012 et 2016, les incidences sont comparables. L’agent pathogène responsable du plus grand nombre d’IST chez les 15-49ans est le flagellé Trichomonas vaginalis. Les donnéesdémographiques4 recensent une population mondiale âgée de 15 à 64 ans de 65,525 % en 2012 pour une population globale de 7 057 075 000 habitants5 .
En 2012, il y a donc 7,72 % de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans qui est infectée par au moins 1 des 3 agents d’IST présenté ci-dessus.
Le rapport de l’OMS regrette « la non-exhaustivité des données concernant les IST, et notamment de données ventilées par sexe et classe d’âge ». Un recueil complet des données permettrait de clarifier l’origine des différences de prévalence selon le sexe. Il peut s’agir en effet de biais liés au sexe concernant le recours à une consultation médicale, le comportement sexuel, l’expression clinique ; mais il peut s’agir aussi de véritables hypothèses physiopathologiquesliées au sexe comme le taux de transmission, le taux de guérison spontanée.
Concernant les infections génitales à HSV 2 aussi très importantes : 417 millions de personnes porteuses de l’HSV 2 selon l’OMS en 2012 et 491 millions en 2016. Parmi 4,8 milliards d’individus en 2016 cela signifie que plus de 10% d’entre eux sont infectés.
L’étude de Mc Quillan en 2016 corrobore ces constats en relevant une prévalence de 11,9% dans la population des Etats-Unis6 . L’herpès génital doit donc être intégré dans la stratégie diagnostique (comme cela fut illustré en préambule).
La prévalence mondiale des Papillomavirus Humains a été estimée en 20177 à 11,7 %. Unprogramme de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus8 et un élargissement de la vaccination aux enfants de sexe masculin9ont été publiés par l’HAS en 2019. La lutte contre le Papillomavirus faisant l’objet de recommandations récentes, son épidémiologie ne sera pas traitée dans ce présent travail.
L’Organisation Mondiale de la Santé reconnait que les IST sont un problème de santé publique. Elle a mis en place une stratégie mondiale du secteur de la santé sur les Infections Sexuellement Transmissibles de 2016 à 2021 10. Ce programme fait suite à celui de 200611. Ce dernier était axé sur le volet technique et voulait, entre autres, renforcer l’approche syndromique de l’écoulement vaginal anormal et le dépistage des infectionsasymptomatiques. Le programme de 2016 énonce des actions et des objectifs sur les volets épidémiologique et thérapeutique à réaliser d’ici 2030.
Implications sanitaires, sociales et financières
La justification de cette stratégie de lutte est renforcée par l’impact financier des pathogènes transmis par voie sexuelle. En effet le coût du traitement des pathogènes n’est pas anodin s’il faut traiter 8% de la population active. Pour illustrer l’impact financier, prenons l’exemple du traitement de la gonococcie. Le traitement de première intention (recommandations françaises) est 500 mg de Ceftriaxone (Prix unitaire : 3,49 euros) associée à 1g d’Azithromycine (prix unitaire : 5,40 euros). Le traitement de la population mondiale atteinte en 2016 de gonococcies couterait plus de 675 millions d’euros. Ce sont des dépenses considérables sachant que le gonocoque arrive en troisième position par ordre d’incidence annuelle.
Le traitement des formes asymptomatiques et symptomatiques est nécessaire car les infections altèrent la qualité de vie des personnes atteintes. En effet, la morbi-mortalité des IST impacte tout d’abord la qualité de vie sexuelle. Lors d’une IST, il est recommandé de suspendre l’activité sexuelle jusqu’à sa guérison. Quand l’IST contractée n’est pas curable (notamment les IST virales), ce sont des maladies chroniques avec des recrudescences souvent douloureuses, une oncogénicité démontrée justifiant l’instauration d’un traitement tout au long de la vie. De plus, elles représentent un facteur de stress pouvant impacter la santé psychique (une protection permanente lors des rapports, arrêt d’une vie sexuelle lors de recrudescences, effets indésirables des traitements…). Enfin, certaines pathologies comme la syphilis ou le VIH souffrent encore deconnotations péjoratives archaïques, conduisant dans certaines sociétés à un rejet social. Dans une optique idéale d’égalité d’accès au diagnostic, au soins – optique prônée par l’OMS – il apparaît essentiel d’agir afin de réduire l’incidence de ces pathologies, en amélioration le diagnostic et le traitement des populations infectées.
Stratégie de l’OMS
Au vu des prévalences estimées des IST, des conséquences sociales et financières, l’OMS a publié une stratégie s’inscrivant dans un programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les objectifs principaux de l’OMS concernent le Gonocoque, l’agent de la Syphilis et l’HPV.
Se basant sur l’année 2018, le délai d’action est donc de 12 ans. Le gonocoque a été choisi comme objectif principal à la vue du nombre croissant de souches résistantes à la Céfixime.
La prise en charge syndromique souhaitée par le programme de 2006 permet une prise en charge des co-infections. En Nouvelle-Zélande et en Corée.12, les études montrent 3,9 % de co-infections CT/NG, 3,4% de CT/TV et 2,2 % de MG/TV13, dans des populations assez ciblées. Le gonocoque et l’agent de la syphilis sont donc considérés dans une approche globale, réduisant de facto l’incidence des IST associées.
Pertinence du rôle de Biologiste Médical dans le programme de l’OMS
En France, le diagnostic microbiologique de toutes les IST est effectué en laboratoire d’analyses médicales. Les laboratoires d’analyses médicales sont sous la responsabilité de biologistes médicaux. Le biologiste médical est, de fait, concerné par le dépistage des IST et le projet de réduction de leurs prévalences.En structure publique (Centre Hospitalier Universitaire ou Centre Hospitalier Périphérique), les analyses sont généralement prescrites par les services de Gynécologie, les servicesd’Infectiologie, les CeGIDD (Centre Gratuits d’Information, de Dépistage et de Diagnostic) et USMP (Unité de Soins en Milieu Pénitentiaire) environnants.
En structure privée, les prescriptions sont souvent réalisées par les gynécologues, les sagesfemmes et les médecins généralistes, mais les patients se présentent au laboratoire pour le prélèvement. Celui-ci relève alors de la compétence du Biologiste Médical.
Le rôle du biologiste est d’interpréter et de valider les résultats des échantillons prélevés dans ces services. A la lumière des dernières données de la science, de ses connaissances réactualisées et des dernières recommandations des sociétés savantes, il doit communiquer au prescripteur des résultats de qualité. Toutefois dans certaines structures, il doit aussi faire preuve d’une analyse clinique fine afin de coopérer avec le prescripteur et d’orienter au mieux la recherche des agents infectieux suspectés.
Objectifs de la thèse
Afin d’établir un constat de l’évolution des IST de localisation urogénitale dans la région PACA et dans l’optique d’une réduction de leurs prévalences, ce travail se décomposera en deux parties.
La première partie est un travail épidémiologique afin de suivre l’évolution de la prévalence des IST au niveau urogénital dans différentes structures de la région. Quelles sont les caractéristiques des populations touchées ? Ces chiffres sont-ils similaires aux seuils d’alertede l’échelle mondiale nécessitant l’application du programme de l’OMS ? Si ces chiffres sont inquiétants et nécessitent l’application de la stratégie de l’OMS, nous nousinterrogerons dans une seconde partie sur la place du biologiste médical dans ce plan. Nousdresserons un état des lieux de la connaissance des internes en Biologie Médicale de Marseilleafin d’identifier les possibilités d’amélioration de la prise en charge par le biologiste de ces infections.