Les incidences du loisir sur le développement des communautés
Depuis plusieurs décennies, le loisir est envisagé comme un levier au développement. Que ce soit grâce à des projets touristiques, culturels ou sportifs, il semble engendrer des incidences sur des variables du développement. Ainsi, que ce soit sur le plan économique ou social, voilà plusieurs années que la recherche établit des corrélations entre le développement local et le loisir.
Sur le plan économique et à titre d’exemple, le rôle des projets touristiques est très important. Ces projets occupent dans la littérature scientifique du loisir une place majeure. Selon Saxena (2014), la mise en place de ce type de projet touristique relève d’une stratégie politique de développement et de diversification économique des communautés. Pour Saxena, la mise en œuvre de ces stratégies s’ explique par les bénéfices attendus sur le plan de la production de capital économique et de l’accroissement de l’ attractivité du milieu. C’est pourquoi les acteurs politiques construisent des plans d’ action de revitalisation et de développement à partir de projets touristiques en mettant de l’avant leurs externalités positives (Saxena, 2014). Paradoxalement, Saxena observe qu’en dépit d’une volonté d’ améliorer la qualité de vie du milieu, dans ces politiques de diversification économique, les objectifs sociaux sont souvent relégués au deuxième plan menant fréquemment à une limitation des externalités positives de tels projets. Dans la plupart de ces cas de figure, les retombées positives se retrouvent entre les mains de promoteurs de nature privée étrangers à la communauté, ce qui mène à une confiscation des externalités pour les citoyens. Sur ce point, Lengkeek (1999) ajoute qu’un tel phénomène s’explique le plus souvent par l’absence dans le processus de mise en œuvre du projet des principaux concernés: les citoyens. En fait, Lengkeek (1999) comme Saxena (2014) recommandent une gouvernance participative pour mener des projets de développement et assurer une juste redistribution des extemalités. Une telle démarche repose sur l’ empowerment, le leadership, la concertation, le sentiment d’appartenance et plus largement le capital social, variable souvent sous-estimée. C’est à partir de la fin des années 1990 que cette recommandation a trouvé écho dans le monde politique, ce qui eut pour effet d’intégrer les citoyens au processus de développement des projets récréatifs.
En 2015, la revue Loisir et société fit de ce thème l’objet principal de son numéro. F ortier et Gravelle (2015) Y expliquent en introduction comment la participation citoyenne est au centre du loisir public et comment le loisir et la culture civique entretiennent des liens étroits. Tout d’abord, ce lien semble s’expliquer par la nature même des acteurs en loisir parfois civils, d’autres fois publics. Les acteurs civils, en formant des associations, optent pour des modes de fonctionnement participatifs. Par conséquent, il en résulte chez ceux qui les intègrent une familiarisation et une intégration de comportement participatif (Peter et Sue, 2015). Les acteurs publics, en modifiant l’environnement public, en élaborant des politiques et des règlements, tout en consacrant l’intérêt général, mobilisent et touchent en premiers lieux les citoyens. Par conséquent, il découle des modes de gestion de nombreux partenariats. Les décideurs politiques tentent peu à peu d’inclure dans le processus décisionnel les citoyens, ce qui mène à une familiarisation de l’univers démocratique. Sur ce point, Gravelle, Karlis, Adjizian et Auger (2015) expliquent comment les décideurs politiques ont tout à gagner à intégrer dans le processus décisionnel les citoyens puisqu’ils sont les premiers concernés et les plus à même d’expliquer leur besoin et donc de proposer des projets pertinents.
Pour toutes ces raisons, Thibault (2008) explique comment le modèle québécois du loisir public et civil au Québec induit de facto la mobilisation, la gouvernance participative, le dialogue, le réseautage, etc., ce qui offre des opportunités exceptionnelles sur le plan de l’apprentissage démocratique et du développement des communautés. En effet, Thibault explique qu’en reposant sur des valeurs au fondement de la démocratie, comme l’inclusion, la mobilisation, la participation, etc., le loisir constitue un levier démocratique important, et pourrait nourrir un renouveau démocratique. Il ajoute également qu’ en raison de la nature publique et privée du loisir au Québec et de la multitude d’acteurs concernés, le partenariat est l’élément clé du loisir. Et c’ est pourquoi le développement des partenariats induit par le mode de gestion du loisir accroît les possibilités démocratiques.
Enfin, le loisir favorise le développement des liens sociaux et l’accroissement du sentiment d’ appartenance. Karlis (2015) explique le rôle que peut avoir le sport dans l’ amélioration des liens sociaux d’une communauté. Il précise en quoi la pratique du hockey au sein d’une association communautaire resserre les liens sociaux et en développe de nouveaux entre ses membres. Pour lui, de nombreuses communautés menacées par un émiettement du capital social pourraient envisager le loisir comme moyen de rapprocher leurs membres et d’augmenter leur sentiment d’appartenance à la communauté. Il explique comment les activités de loisir sont intégrantes et comment elles encouragent les participants à partager ensemble un moment agréable qui renforce le lien social.
Chapitre 1 : Introduction |