Les impacts du PRCNK dans la CR de Dialacoto

Sur le plan organisationnel

Pour réaliser ses activités le PRCNK a travaillé en collaboration avec différents services techniques de l’Etat (DPN, DEFCCS, CADL). Or, il y’a souvent des conflits de compétence entre ces structures.
Le PRCNK a également essayé de coordonner ses actions avec celles des autres projets présents dans la zone (PROGEDE, PROMER, FDL). En effet, il a repris les CIVD mises en place par le FDL dans le cadre du projet « gestion de la biodiversité de la rôneraiede Wassadou » et formé des artisans encadrés par le PROMER. De nombreux programmes de développement interviennent dans la région de Tambacounda. Cependant, on note, pour laplupart du temps, un manque de collaboration entre les projets. Leurs objectifs sont, pourl’essentiel, complémentaires voire les mêmes. Cette situation crée des confusions chez lespopulations et ne permet pas d’obtenir des résultats probants.
Le PRCNK a aussi tenté de mieux organiser le secteur de l’artisanat en aidant les artisans à créer un GIE. Ce GIE comptait 27 membres. Les artisans ont bénéficié des formations offertes par le PRCNK. Ces formations ont permis à certains artisans d’augmenter leurs marges bénéficiaires.

Sur le plan économique

Pour mieux valoriser l’artisanat du rônier dans la zone périphérique de la RBNK, le PRCNK a fait appel à l’expertise de deux maîtres artisans originaires de Lalane (région de Fatick) et de Fandène (région de Thiès). Ces localités fabriquent divers articles de rônier de bonne qualité.

Sur le plan environnemental

Après l’intervention du projet dans la zone périphérique du PNNK, les populations locales sont devenues plus conscientes de la problématique du rônier. En plus, elles connaissent mieux leurs devoirs, leurs droits et leur intérêt à conserver les rôneraies. Cette prise deconscience a été possible grâce aux séances d’information et de sensibilisation et aux visites d’échanges.
Les séances d’information et de sensibilisation ont été organisées dans différents villages. Des projections de films et de diapositives ont été faites pour mieux faire passer lemessage. Ainsi près de 98% des personnes interrogées au cours de nos enquêtes connaissentles objectifs du PRCNK. La sensibilisation aurait permis à un exploitant de lattes (à but commercial) de Wassadou d’abandonner cette activité. Ceci peut expliquer la rareté des lattesdans les concessions. En effet, dans les cases construites au cours de ces dernières années, d’autres espèces sont utilisées pour la confection des charpentes. L’exploitation de lattes est une activité plutôt développée dans le secteur de la Koulountoun.
Grâce également aux campagnes de sensibilisation, les pratiques fatales (exploitationde la sève, du chou palmiste et abattage des rôniers) ne s’effectuent plus aux alentours des villages. Les activités se mènent dans des zones où les braconniers courent moins de risque à sefaire surprendre par des agents ou des villageois qui n’hésitent pas à les dénoncer. C’est cequi fait que la plupart des bassaris exercent leurs activités à la frontière avec la CR deKothiary dont les rôneraies sont difficilement accessibles. Les visites d’échanges ont été effectuées dans la forêt communautaire de Dankou (région de Kaolack) par des membres du CIVD, des élus locaux et des services techniques.
Cette visite a incité les populations à vouloir s’approprier et gérer les ressources de leur terroir en créant des forêts communautaires. C’est ainsi que la forêt communautaire de Médina Kouta (Loboya) a été créée en 2004 avec l’appui du Programme d’Appui à la gestion Intégrée des Ressources Naturelles des bassins du Niger et de la Gambie (AGIR). Le code local relatif à la mise en gestion participative de la forêt a été approuvé en juillet 2005. Dans ce code, une attention particulière a été portée sur le palmier rônier notamment dans son article III.6 qui stipule que : « la récolte de chou palmiste ainsi que la saignée violente sont strictement interdites sous peine d’amende de 25 000 à 50 000 f CFA » ou encore « …la coupe de feuille sur les pieds adultes est autorisée à condition de laisser au minimum sept jeunes feuilles intactes sous peine d’amende de 10 000 f CFA ». Mais sur le terrain l’application des plans d’action n’est pas encore effective.
L’organisation de deux visites dans les rôneraies de Fandène avec 40 représentants villageois et des élus locaux. A Fandène, les rôniers sont bien préservés contrairement à la zone périphérique du PNNK (Tableau 14).

Limites du PRCNK

Trois années après l’intervention du PRCNK, les mauvaises pratiques continuent d’êtreexercées dans la CR de Dialacoto. Ces pratiques concernent la coupe abusive et anarchique des feuilles, la saignée violente, l’extraction du chou palmiste et l’abattage des rôniers.

Coupe intensive des feuilles

Il ne serait pas exagéré de dire qu’aujourd’hui l’exploitation des feuilles de rônier est devenue plus intense. Cette pression est exercée par les fabricants de tamis, d’une part, et par les productrices d’éponges, d’autre part. Après les inondations des bananeraies (en 2004), certains paysans se sont lancés dans la confection des tamis pour diversifier leurs sources de revenus. Selon les enquêtes de terrain, ils sont au nombre de trois sur dix sept dans la zone de Wassadou. L’importance accordée à la fabrication de tamis est due au fait que ce produit s’écoule plus rapidement et il génère des revenus assez élevés aux artisans. Quant aux artisans d’éponges, elles ramènent de nos jours au village plus de pétioles qu’avant. Or, chaque pétiole correspond à une feuille. En 2000, chaque femme collectait en moyenne 23 pétioles (Badiane 2001). En 2006, cette moyenne est passée à 33 pétioles parprélèvement. Cette situation s’explique par le fait que depuis presque un an et demi, les femmes ont découvert une méthode qui consiste à éplucher l’épiderme sur les sites de prélèvement. Ceci rend les pétioles moins lourds à transporter. D’après une femme de Badi, avant elles pensaient que le pétiole allait s’assécher une fois l’épiderme enlevé. Pour maintenir la fraîcheur ou l’humidité des pétioles, elles les recouvrent, une fois au village, d’égratignures des fibres et les arrosent avant de commencer le pilage.
Concernant l’exploitation des feuilles, les artisans de tamis et d’éponges n’appliquent pas les techniques d’utilisation durable prônées par le PRCNK. Ils laissent, en moyenne deux feuilles par plante au lieu de 07 selon le Code Local (Figures 19 et 20).

La poursuite de la saignée violente

En dehors des pieds testés par le PRCNK et des rôniers situés dans le terroir d’un village bassari, les rôniers de la CR de Dialacoto continuent d’être exploités avec la saignée violente. Les zones de prédilection sont la zone tampon et la FCD. Dans la zone tampon, tout au long de la Gambie, le vin du palmier est prélevé notamment par les bassaris de Badi. En saison sèche la collecte est quotidienne.
Dans la FCD, le long du Niériko, la situation est assez alarmante. La plupart des bassaris (de Wassadou, de Tambacounda) exploitent les rôniers de cette zone. Lors d’une visite de terrain, il a été dénombré près de neuf pieds saignés. Les pieds saignés (Figure 21) se trouvaient sur l’autre rive autrement dit dans la CR de Kothiary. Dans la partie de Dialacoto des plantes faisant l’objet d’une exploitation récente de la sève ont été aussi observées (Figure 22).

Poursuite de l’abattage des rôniers

Malgré les efforts consentis pas les autorités compétentes, l’abattage des rôniers continue au niveau de la FCD, des bananeraies et de l’aire centrale du PNNK.Dans la FCD, plus précisément aux alentours de Boké, de Bocary et de Moussa Foré, les rôniers sont éliminés dans les terres où se pratiquent les cultures de rente (coton, arachide).
Les peuls et les bassaris abattent les rôniers pour avoir plus d’espace à cultiver et pour que les outils utilisés (charrue) exécutent leur travail sans rencontrer d’obstacles majeurs. C’est ainsique sur une parcelle nouvellement défrichée d’un hectare environ, 34 jeunes rôniers ont été abattus par un bassari pour cultiver du coton (Figures 23 et 24). Les souches ont été brûlées (Figure 25) pour ne pas laisser de trace et pour fertiliser davantage le sol.

Faible réussite des activités de reboisement

En dehors des trois sites cités précédemment, les plantations de rôniers n’ont pas obtenu de résultats probants dans les zones concernées. Les semis ont été faits dans des villages et des champs de culture. Les champs ne sont pas clôturés et sont régulièrement parcourus par des animaux domestiques. Après les récoltes, ils constituent par excellence les zones de pâturage. Le broutage fait que les plants semés en 2001 et 2002 n’ont toujours pas atteint le deuxième stade de développement du rônier (Figure 29). Au niveau des champs, le pourcentage de réussite serait de 10% alors qu’il serait de 45% dans les jardins maraîchers.

Non fonctionnement des structures mises en place

Après la fin du projet, la majorité des structures ne sont plus opérationnelles. Au sein du CIVD, les sous comités de surveillance et de suivi ne font plus de descente en brousse pour surprendre d’éventuels exploitants de vin ou de lattes. Le PRCNK avait offert quelques vélos au CIVD pour mener parfois des « patrouilles » dans les zones faisant l’objet d’une utilisation néfaste de rônier. La plupart des vélos ont été attribués à des personnes âgées. Les réunions du CIVD ne se tiennent plus car « il faut prendre en charge (restauration et déplacement) les membres lors des rencontres » déclare le président du CIVD.
La maison du rônier (Figure 30), construite pour servir de lieu de rencontre entre les artisans des différents villages, de centralisation et de stockage des produits de vente, ne joue pas son rôle. Elle est utilisée à d’autres fins. La vente des articles est désorganisée et se fait à titre individuel. Le GIE des artisans n’est pas actif, les membres ne se rencontrent pas pour mener des activités communes.

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Quelques facteurs explicatifs des limites du PRCNK

Les facteurs qui ont fait que le PRCNK n’a pas atteint tous ses objectifs sont multiples. Ils peuvent être classés en deux groupes : les facteurs externes au projet et les facteurs internes au projet.

Les facteurs externes

Les facteurs externes au PRCNK expliquant les limites sont notamment liés au contexte du milieu, à l’accès à la ressource, au manque de contrôle et aux aspects fonciers.

Le contexte du milieu

Plusieurs projets de gestion des ressources naturelles sont intervenus dans la zone. Dans le passé, les décisions émanaient de l’extérieur et les populations n’étaient que de simples exécutants moyennant des récompenses en nature ou en espèce. Cette démarche dite « approche projet »faisait que les populations adhéraient au projet par opportunisme et non par conviction. De ce fait,toutes les activités s’arrêtaient dès que le projet prenait fin. Malgré les efforts consentis par le PRCNK, cette approche reste présente dans la mentalité des populations et des services techniques de l’Etat. Le PRCNK avait mis l’accent sur certaines approches comme la démarche participative et le volontariat pour contourner les biais d’attente.
Après le départ du PRCNK, les populations n’ont pas assuré le suivi des activités. La plupart d’entre elles continuent à satisfaire leurs besoins immédiats (en nourriture notamment) sans se soucier de l’avenir. En outre, les structures de l’Etat à savoir la DPN et la DEFCCS qui étaient les principaux partenaires du projet n’ont pas assuré la relève. Elles n’ont pas continué les actions entamées par le projet. Notons que ce projet intervenait aussi bien en zone tampon de la RBNK(domaine de la DPN) que dans la FCD (domaine de la DEFCCS).
La pauvreté et la diversité ethnique font que les populations n’ont pas un esprit collectif et elles ne s’entendent pas bien. Elles mettent en avant la recherche du profit à titre individuel. Cette situation fait que la maison du rônier n’a pas joué pleinement son rôle. Les artisans ont créé des marchés parallèles affectant ainsi négativement les prix de vente des produits. Par exemple, le nouveau modèle de chaise devrait être vendu à 3500 FCFA au lieu de 1500 FCFA.

L’accès difficile à la ressource et le manque de contrôle

La plupart des exploitants fournissent beaucoup d’efforts pour accéder à la ressource. Les artisans parcourent en moyenne 5 km pour arriver sur les lieux de prélèvement. Quant aux fabricants de tamis et aux saigneurs, ils fournissent beaucoup d’énergie pour grimper sur les rôniers. C’est ce qui fait que les techniques d’utilisation durable ne sont pas appliquées aprèsla fin du projet. Une fois sur les sites, les exploitants prélèvent au niveau de chaque pied lemaximum possible ce dont ils ontbesoin sans penser au devenir de l’arbre. Cette situation estamplifiée par l’absence de contrôle de la part des agents forestiers. Un seul agent couvre toutela CR de Dialacoto. Pour des raisons de sécurité, les patrouilles menées par cet agent danscertaines zones réputées dangereuses sont rares. Les exploitants sont souvent munis d’armesblanches comme les coupe-coupes. Les distances assez longues effectuées par les femmes à la recherche de pétioles ont permis aux exploitantes de trouver, depuis deux ans, une méthode consistant à rendre les pétioles moins lourds à transporter. En enlevant les écorces des pétioles sur les sites de prélèvement, les quantités de pétioles prélevés par femme sont devenues plus importantes.

Les aspects fonciers

Une des principales explications de la non conservation des rôniers de la CR de Dialacoto est l’absence d’appropriation privée des ressources de la part des populations. Les ressources sont considérées comme étant des biens appartenant soit à l’Etat soit à la collectivité. Dans ce contexte, l’utilisation durable des ressources et la prise en compte des besoins des générations futures ne semblent pas être des priorités. La tentative du PRCNK de responsabiliser les populations à la gestion de la ressource en créant des forêts communautaires n’a pas connu des résultats satisfaisants faute, notamment, de moyens. L’absence d’appui technique et financier a fait que l’application des plans d’action n’est pas encore effective.
L’exploitation des ressources de la rôneraie par des populations allochtones est également un facteur limitant. Le prélèvement du vin est une activité menée par des bassaris originaires de Kédougou et de la République de Guinée. Ces populations se déplacent en fonction de la disponibilité de la ressource. L’exploitation rationnelle des produits du rônier ne constitue pas un grand souci pour elles. Les saigneurs mènent cette activité enclandestinité. Le refus du service des Eaux et Forêts d’octroyer des permis d’exploitation de la sève ne permet pas aussi de rendre la saignée douce opérationnelle dans la zone. Les bassaris formés par le PRCNK avaient introduit des demandes d’autorisation d’exercer légalement cette activité. D’après les agents de cette structure, la saignée est une activité formellement interdite rendre légale l’exploitation de la sève comporte de nombreux risques.
Dans le domaine foncier, il est important de noter que le décret portant création de la zone périphérique de la RBNK n’a été institué qu’en l’an 2OO2 coïncidant presque à la fin du projet.

Les facteurs internes au projet

Les facteurs liés au projet pouvant expliquer les limites sont, entre autres, la courte durée du projet et les aspects financiers et techniques.

La courte durée du projet

La notion de temps est importante pour le rônier. La dégradation des rôniers est très rapide alors que leur régénération est trop lente. D’après Bellouard (1950), la croissance en hauteur du tronc varie de 30 à 40 cm par an dans les meilleures conditions. Ainsi, la préservation desrôniers s’inscrit dans la durabilité La durée du projet (trois ans) n’a pas permis auxpopulations de s’approprier réellement des ressources et des techniques vulgarisées par leprojet. Les expériences passées en matière de gestion communautaire des ressources(exemple : forêt de Dankou au Sénégal / projet GTZ) ont toutes abouti à une même conclusion : un effort soutenu doit être consenti durant au moins 6 à 7 ans pour garantir laviabilité des structures et les méthodes mises en place, et infléchir durablement les comportements des populations cibles (PRCNK, 2003 b). En plus, la durée du projet n’a pas permis de constater les effets immédiats qui permettraient au PRCNK de prendre des mesuresd’atténuation.
Le PRCNK était conscient que la courte durée de leur intervention ne garantissait pas la réussite des actions entreprises. C’est pour cela qu’il avait suggéré que la collaboration entre la DPN et la DEFCCS soit acquise officiellement et que le programme AGIR (qui prenait fin en 2004) assure la seconde phase. AGIR n’a pu finaliser que la création de la forêt communautaire de Laboya. Les autres forêts prévues, comme celle de Wassadou, ne sont pasencore approuvées.

Les aspects financiers et techniques

Le manque d’appui financier et technique a eu des conséquences sur la réussite des activités de préservation des rôniers. En effet, concernant par exemple les forêts communautaires, celle de Laboya a été créée sans appui financier pour appliquer les plans d’action. Les comités de gestion et de surveillance de cette forêt ne fonctionnent pas à cause de la non rémunération des membres. En outre, la plupart des vélos offerts par le PRCNK pour les patrouilles ont été attribués à des personnes âgées qui n’effectuent pas des visites sur le terrain. Ceci a provoqué des sentiments de frustrations au niveau du comité des jeunes.
Dans d’autres domaines, le PRCNK avait introduit dans la zone la confection des balais et des paniers de vanneries. Il avait formé, pour cette occasion, des femmes et un homme pour la fabrication de ces produits. L’objectif visé était notamment d’inciter les femmes à diminuer la production d’éponges. Cette activité s’accompagne d’une coupe intensive des feuilles de jeunes rôniers. Cependant, à cause des problèmes de commercialisation, la confection de ces nouveaux articles n’est pas développée dans la zone.
Les balais fabriqués pendant la formation n’ont pas trouvé d’acquéreurs alors que l’éponge est un produit qui s’écoule le plus souvent rapidement.
En formant des artisans sur l’amélioration de la qualité des produits, les marges bénéficiaires des artisans ont sensiblement augmenté. Cette situation s’est traduite par une augmentation du nombre de fabricants de chaise et de tamis. Ainsi, la demande étant plus forte, les pressions exercées sur les feuilles notamment se sont accentuées. Après l’intervention du projet, les pratiques néfastes s’opèrent toujours dans la zone périphérique de la RBNK. Cette situation est due d’une part aux facteurs externes comme le contexte du milieu, l’accès à la ressource et les aspects fonciers et d’autre part à des éléments internes au projet tels que la courte durée du projet, les aspects techniques et financiers.

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