LES IMPACTS AGRO-SYLVO-PASTORAUX DU BASSIN DE RETENTION DE PITARKI
Le département de Linguère est une zone qui reçoit annuellement de faibles quantités de précipitations. Cette situation ne favorisait guère le développement de l’activité agro-sylvopastorale dans cette zone. «La maîtrise de l’eau pour une agriculture sécurisée, apparaît comme une alternative incontournable pour les Etats20… » Cependant, avec la réalisation du bassin de rétention à Linguère, l’activité agro-sylvopastorale a connu une redynamisation permettant aux populations de réaliser le maraichage en toute saison mais aussi d’offrir l’opportunité aux éleveurs d’abreuver leurs bétails.
L’abondance de l’eau pour le développement et la diversification de l’agriculture
Actuellement, le stockage des eaux de ruissèlement pluviales dans le bassin de rétention de Pitarki permet de développer et de diversifier les cultures de contre saison dans le département de Linguère.
Typologie des périmètres maraichers du bassin de pitarki
Ils existent deux types d’exploitations maraichères autour du bassin de pitarki : une petite exploitation d’un demi-hectare et une grande exploitation de 5ha. Ces deux exploitations assurent en partie l’approvisionnement du marché local en légumes frais. Leurs productions sont très diversifiées et elles participent à l’autoconsommation du ménage à Linguère. L’exploitation de ces parcelles maraichères se fait de façon collective autrement dit les maraichers se sont regroupés en association.
L’abondance de l’eau
Dans le département de Linguère, l’absence de l’eau a toujours constitué pour le maraichage, le premier facteur limitant. Pour réaliser cette activité dans cette zone semi-aride, les maraichers ont longtemps utilisé l’eau de la SDE ou des forages qui coûtent très cher.
Cependant, l’aménagement du bassin de pitarki permet actuellement de stocker et demaintenir de l’eau durant toute l’année. Grace à sa grande capacité de rétention estimée à 120000m³ d’eaux répartis entre un petit bassin et un grand bassin, toutes les activitéspratiquées à Pitarki bénéficient de cette eau.
D’après V. Dabo, le secrétaire général du comité de gestion du bassin, l’ouvrage participe à la satisfaction de l’ensemble des besoins des espèces maraichères cultivées à pitarki estimés à80L / 10m²/ jour. Pour mieux exploiter les eaux du bassin, les maraichers disposent d’une motopompe qui leur sert à remplir de grands réservoirs et ceci permet en grande partied’économiser du carburant.
L’accès à l’eau au niveau du bassin était gratuit durant les premières années d’exploitation des parcelles maraichères. D’après nos enquêtes la gratuité de l’eau et l’absence de contrôle du bassin ont favorisé une gestion anarchique de cette ressource. Cette mauvaise gestion du bassin avait provoqué le tarissement progressif des eaux.
Conscient d’une telle situation qui entrave le bon fonctionnement de l’ouvrage, le comité de gestion du bassin fixa alors une tarification lors d’une assemblée générale pour accéder à l’eau. Pour les maraichers, le tarif de l’eau est fixé à 1000f par mois pour chaque exploitant.
A. Diallo, une des maraichères du bassin de Pitarki, exploitant en même temps chez elle le micro jardinage nous confie ceci : « les tarifications concernant l’eau du bassin, comparées aux prix de l’eau de la SDE et des forages sont vraiment abordables pour les maraichers.
Notre problème, c’est principalement le prix du gasoil car nous n’avons pas de moyen pourl’assurer chaque jour ». Cependant, l’ensemble des maraichers interrogés reconnaissent que les tarifications pour accéder à l’eau du bassin sont abordables.
La température
Selon les exigences climatiques, on peut classer les différentes cultures maraichères pratiquées aux alentours du bassin en deux groupes :
– Le groupe qui préfère la fraicheur de la saison sèche. Cette catégorie concerne lesoignons, les carottes, les tomates, les aubergines, etc. elles sont appelées cultures de type européens.
– Il s’agit dans l’autre groupe, les cultures qui préfèrent la chaleur et sont de types africains. Elles concernent essentiellement les gombos, les piments et les patates.
Cependant, les maraichers du bassin de pitarki exploitent toutes les trois principales saisonsde production.
La première concerne la saison sèche et fraiche qui est propice aux tomates et aux oignons c’est-à-dire aux légumes de type européens.
Le second concerne la saison sèche et chaude favorable aux légumes de type européen et africain.
Enfin la saison humide ou hivernage qui permet aux maraichers de réaliser les cultures de gombo, de jaxatu, d’aubergine et de bissap.
Le développement du maraîchage
Avant l’aménagement du bassin à Linguère le marché local s’approvisionnait en produits maraichers à Touba, Potou et parfois dans les parcelles maraichères situées autour des forages.
Cette dépendance en produits maraichers tend à disparaitre avec l’avènement du bassin de rétention de Pitarki qui offre plusieurs potentialités aux populations de cette localité.
Ainsi, pour développer l’agriculture en Italie, les ingénieurs ont construit des petits barrages en terre de quelques dizaines de milliers de mètres cubes pour favoriser l’irrigation des terres23…
D’après le secrétaire générale du comité de gestion du bassin V. Dabo, les maraichers du bassin de rétention de Pitarki disposent de deux parcelles maraichères dont l’une fait 5 ha et l’autre ½ ha. Les différentes spéculations concernent surtout la tomate, le chou, la carotte, lasalade, l’aubergine et le piment. La réalisation de ces cultures en toute saison de l’année à
Linguère est rendu possible grâce à la disponibilité permanente de l’eau dans le bassin.
l’abreuvement du bétail
Le problème de l’eau s’est toujours posé avec acquitté au niveau du département de Linguère.
Cette situation est surtout aggravée par une baisse des totaux pluviométriques qui ne pouvaient plus assurer la recharge parfaite des nappes phréatiques. Les quelques mares existantes dans la zone de Linguère s’asséchaient très vite après l’hivernage sous l’action combinée de la chaleur des vents et de l’infiltration.
Après l’aménagement du bassin de pitarki, l’abreuvement gratuit attire de nombreux éleveursquiviennent s’installer avec leurs bétails non loin de l’ouvrage. Cette disponibilité de l’eau durant toutel’année est rendue possible grâce aux nombreux efforts entrepris par l’état avec ses partenaires tel que l’Etat du Taiwan. Ces efforts ont permis d’augmenter non seulement la capacité de rétention en eau mais aussi la profondeur du bassin. Ainsi, l’ensemble des populations interrogées confirmentunanimement que le bassin conserve plus d’une année l’eau retenue.
Au début, le comité de gestion obligeait aux éleveurs à contribuer de façon symbolique en payant 50f/tête/an pour les bœufs et 15f /tête/an pour les moutons et chèvres, mais un problème de mauvaise gestion des fonds provoqua une rupture des paiements. Actuellement, de nombreux éleveurs fuient les forages pour venir abreuver leurs troupeaux au niveau dubassin de pitarki.
L’enquête réalisée auprès des éleveurs révèle que les tarifications appliquées au niveau dubassin de pitarki sont moins chères que celles imposées au niveau des forages. Ainsi, avec lasituation qui se pose actuellement dans cadre de la gestion du paiement de l’eau, des éleveurs en provenance de la Mauritanie profitent parfois de la situation pour abreuver leurs camelins.
Et ceci est en parfaite contradiction avec les règles établies par le comité parce que lescamelins n’ont pas le droit d’accéder aux périmètres du bassin.
D’après nos enquêtes nous pouvons confirmer actuellement que les bétails accèdent facilement et sans danger à l’eau du petit bassin pour l’abreuvement. Néanmoins, les éleveurs commencent à s’inquiéter pour l’avenir du bassin avec les effets du ruissellement qui provoquent d’importants ravinements autour du bassin de rétention de pitarki. Cesravinements peuvent devenir plus tard des pièges pour les animaux qui viennent s’abreuver àPitarki.
Compte tenu du nombre important de bétails (environ 2 750 têtes de bétails/mois)24 qui fréquentent annuellement le bassin de rétention de pitarki, nous pouvons confirmer que cet ouvrage hydraulique est un excellent moyen pour l’abreuvement du bétail dans cette localité qui souffre d’un manque d’eau. C’est dans cette perspective que (Fall. A, 2006) 25 affirme que lebassin de Dougar sert aujourd’hui de point d’abreuvage, non seulement aux troupeaux de Dougar Peul, de Dougar Lossa mais aussi aux troupeaux venant de contrées assez reculées de Dougar…
L’existence d’un point d’eau est un élément très important pour le développement de l’élevage. La rareté de ce liquide précieux oblige les éleveurs et leurs troupeaux à transhumersur de longues distances à travers le Sénégal.
Nos enquêtes réalisées sur le terrain révèlent que 33,3% des éleveurs interrogés viennent de la région de Diourbel, de Fatick et de Kaolack. Dès leurs arrivées, les éleveurs campent leurs bétails dans des endroits non loin du bassin pour mieux exploiter l’eau et les pâturages. Les éleveurs préfèrent rester durant tout l’hivernage dans des endroits non loin du bassin à cause de la gratuité de l’eau mais aussi pour éviter des conflits avec les agriculteurs. Certains d’entre eux préfèrent rester à Linguère après l’hivernage parce qu’ils jugent trop chères les tarifications établies au niveau des forages.
On observe que 66,7% de l’effectif total des éleveurs interrogés exploitent les eaux du bassin durant toute l’année et sont originaires du département de Linguère (Ouarkhokh, de Thargny, de Barkédji, de Dodji de Thiamène et de Kamb). Parmi ces éleveurs originaires du département de Linguère, la communauté rurale d’Ouarkhokh détient le pourcentage le plus important avec 29,4%.
C’est ainsi que les éleveurs soutiennent qu’avant l’aménagement du bassin de rétention, ils parcourraient toute la zone à la recherche d’un point d’eau et ceci était lié au fait que les mares se tarissaient très vite après l’hivernage.
LES IMPACTS PISCICOLES DU BASSIN DE RETENTION DE PITARKI
Après l’aménagement du bassin de pitarki, l’abreuvement et le maraichage furent pendant dix années, les principales activités qui s’y déroulaient. Durant cette période, l’accès au bassin était libre pour tout le monde. Cette situation provoqua alors une anarchique dans la gestion des eaux du bassin et cette période coïncidait avec le premier ensemencement du bassinréalisé en 2005. C’est ainsi qu’en 2007, le bassin fut réfectionner et agrandit pour atteindre une profondeur de quatre mètres avec une capacité de rétention de 120000m³ d’eau. Pour ne pas laisser le bassin à la merci de tout le monde, l’Etat du Sénégal a aménagé une clôture au niveau du grand bassin pour réintroduire l’activité piscicole. C’est dans ce contexte que l’ANA distribua un lot de matériels à l’association chargée de gérer la pisciculture dans le bassin. Ce matériel est composé d’une pirogue, d’un filet de pêche, des gilets de sauvetage, des casiers, une bascule etc.
La pisciculture : une réalité dans un milieu presque semi-aride
Selon la FAO, la maîtrise de l’eau conditionne toute possibilité piscicole dans le contexte climatique et topographique du Pays27 . C’est ainsi que le bassin de rétention de Pitarki fut aménagé dans une vallée favorable aux ruissèlements et aux stockages des eaux pluviales pour la réalisation d’activités piscicoles, maraichères, et d’abreuvement du bétail.
La réalisation de l’activité piscicole s’est déroulée avec deux ensemencements du bassin de Pitarki par l’Etat du Sénégal.
Le premier empoissonnement de 11 000 alevins de carpes Tilapia fut réalisé en 2005.
Cette première expérience de la pisciculture au niveau du bassin de Pitarki fut soldée par un échec parce l’objectif visé ne fut pas atteint pour des raisons multiples. Financièrement, les pisciculteurs ne pouvaient pas assurer la norme alimentaire qui s’imposait pour nourrir les poissons. En plus, la gestion anarchique des eaux du bassin avec l’absence de grillage ontprovoqué le tarissement des eaux.
Après le tarissement des eaux du bassin, l’Etat réfectionne le bassin et ceci permet à l’ouvrage d’atteindre sa capacité actuelle de 120 000m³ et une profondeur de 4m. Le grand bassin fut entièrement clôturé et ensemencé avec 9 000 alevins pour une seconde fois. Pour assurer la sécurité et l’usage rationnel de l’eau, l’ANA s’est engagé à payer un gardien pour un contrat de 6mois.
L’alimentation des poissons
Assurer la norme alimentaire des poissons au niveau du bassin de Pitarki a toujours constituéun véritable casse-tête pour les pisciculteurs. Pour contourner cette norme alimentaire, l’ANA propose aux pisciculteurs du bassin de Pitarki d’utiliser de l’engrais organique et ceci aura pour effetde réduire la quantité journalière d’aliments à fournir aux poissons. Cette expérience a permis aux pisciculteurs d’atteindre leur objectif à travers des séances de pêcheréalisé dans le bassin.
Après le premier ensemencement de l’année 2005 du bassin de rétention de pitarki, desséances de pêches furent réalisées par des pêcheurs professionnels sélectionnés par l’ANA.
Ces séances de pêche étaient réalisées pour faire la promotion de l’aquaculture, c’est pourquoi tous les poissons pêchés sont distribués gratuitement aux populations. Le poids total de tousles poissons pêchés durant cette phase de pêche est de 600 kg.
En 2007, l’ANA ensemence de nouveau le bassin et cette fois-ci les séances de pêche étaient assurées par l’équipe de pêche du comité. Les premières prises sont données comme cadeau aux autorités, invités et membres du comité. Le comité et les autorités décidèrent alorsd’entamer une phase de commercialisation des poissons pour permettre au comité de réaliser des économies. Cette décision officielle de la pêche permet de ravitailler le marché local enpoisson avec 1.000Fcfa comme prix par kilo. Le poids total de poissons pêchés durant toutes ces séances de pêche après l’ensemencement de 2007 s’élève à 500kg dont les 100kg sontvendues pour un prix total de 100 000 Fcfa.
La pêche fut arrêtée par la suite pour des raisons multiples. Selon le président du comité degestion du bassin de pitarki, le manque de suivi et la destruction du filet de pêche en 2008 sont les principales raisons qui ont provoqué l’arrêt des activités de pêche. Il ajoute aussi que de nombreux poissons sont actuellement dans le bassin et restent toujours inaccessibles.
Nous constatons d’après nos enquêtes que la majorité des pisciculteurs soit 63,6% de l’effectif total des pisciculteurs soutiennent que les prises enregistrées lors des séances de pêche à Pitarki sont suffisantes. Par contre les 27,3% de l’effectif des pisciculteurs jugent que les prises de poissons sont très suffisantes. Néanmoins, 9,1% des pisciculteurs affirment que les prises mises à terre lors des activités de pêche sont insuffisantes.