Les hommes et les « outils » de la justice

Les hommes et les « outils » de la justice

Magistrats, policiers et auxiliaires de la justice « Cil qui parolent pour autrui sont apelé avocas » 803 Le personnel chargé de la justice ne cessa d’être en constante augmentation au cours de notre période. Il était composé de professionnels qui furent, pour beaucoup, formés dans les universités, tels les procureurs, les avocats ou les notaires, et pour d’autres comme les sergents qui officiaient en tant que policiers et qui, à ce titre, procédaient aux arrestations, et aussi toute une population des villes qui, artisans, commerçants ou simples particuliers, étaient amenés à dénoncer et même parfois à se saisir de coupables d’actes de délinquance, s’ils les surprenaient en flagrant délit.

Nous avons déjà présenté l’organisation des officialités et les différents rôles attribués à chaque intervenant. On retrouvait dans les autres cours de justice sensiblement les mêmes fonctions. Lorsqu’il y avait procès, plusieurs corps de métiers intervenaient, en plus des juges euxmêmes. Les greffiers tout d’abord, se multiplièrent lorsqu’on passa de la procédure accusatoire, essentiellement orale, à la procédure inquisitoire au cours de laquelle tout fut consigné par écrit. Par exemple, dès qu’une enquête était menée, elle faisait l’objet d’une sorte de procès-verbal, où étaient enregistrées les dépositions de chacun des témoins.

L’interrogatoire de l’accusé donnait lui-aussi lieu à enregistrement sur parchemin puis sur papier lorsque celui-ci se développa. Le coupable, ou présumé tel, pouvait se faire assister par des conseils, des amis ou par toute personne pouvant lui venir en aide. Il eut également droit assez tôt à un « avantparlier » 804, l’équivalent de notre avocat actuel. Des procureurs, chargés d’accomplir certains actes de procédure, des enquêteurs, des experts venaient compléter ce dispositif humain805, ainsi que le scelleur qui était le garde des sceaux qu’il aposait sur tout acte écrit de façon à en certifier l’authenticité.

La réhabilitation de l’enquête

« interest rei publicae ne maleficia remaneant impunita » (il est de l’intérêt public que les crimes ne restent pas impunis)818 Si l’enquête nous est aujourd’hui familière et qu’elle est un des outils incontournables de la justice, il n’en a pas toujours été ainsi. Pourtant connue et utilisée à l’époque de l’Empire romain, cette pratique avait disparu durant de nombreux siècles à partir de l’installation des royaumes barbares et donc, en France, depuis les premiers Mérovingiens. Les coutumes concernant la justice pratiquée par ces peuples, et en particulier les Francs, ne reconnaissaient que ce que les spécialistes du droit qualifient de « procédure accusatoire »

LIRE AUSSI :  Prévisibilité et contrôle de l’exécution du budget

Celle-ci consistait à ce que, sauf en cas de flagrant délit, seul un particulier pouvait en accuser un autre et le traîner devant un juge pour un « duel judiciaire » au cours duquel le premier formulait son accusation oralement, en essayant d’apporter la preuve de ses affirmations, accusation à laquelle le second devait répondre sur-le-champ, le cas échéant en niant les faits qui lui étaient reprochés. S’il se taisait, cela était considéré comme un aveu de sa part et il était condamné en conséquence820. Au cours de cette lutte qualifiée à l’époque d’« égale et publique » entre deux individus, chacun pouvait se faire accompagner de témoins qui, comme eux, déposaient sous serment. A l’issue de la confrontation entièrement verbale, le justicier pouvait rendre sa sentence et prononcer une condamnation ou la relaxe de l’accusé.

Notons que si celui-ci était absout, c’est son accusateur qui pouvait être condamné à une peine identique à celle qu’aurait eu adversaire s’il avait été reconnu coupable822 . Ce risque devait dissuader bien des gens d’accuser à tort ou sans avoir de preuves formelles du délit.

Dans cette façon de procéder, nous pouvons imaginer que bien des délits restaient impunis puisque la poursuite publique, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’existait pas et qu’un juge ne pouvait pas ouvrir une instruction, s’il n’y avait pas de plainte déposée par un particulier. Ce n’est qu’à partir du XIIIe siècle, que les choses évoluèrent et que c’est la procédure dite « inquisitoire » qui devînt peu à peu la règle, avec désormais la possibilité, voire l’obligation, pour le juge, d’établir la culpabilité d’un suspect, au cours d’une phase appelée « instruction ». Et c’est dans cet esprit que fut réhabilitée, et souvent avec beaucoup de zèle, l’enquête. 

Formation et coursTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *