La naissance d’un enfant est un événement heureux dans une famille. En Afrique et particulièrement au Mali, la stabilité d’un ménage tient aux enfants. Cependant, cette naissance comporte un risque mortel pour des milliers de femmes à travers le monde [1]. Les hémorragies du 3ème trimestre de la grossesse constituent de nos jours une situation courante pouvant mettre en jeu le pronostic materno-fœtal. Selon RIVIERE la grossesse et l’accouchement constituent depuis l’origine des temps un risque mortel [1].Si le risque est amoindri dans les pays développés, il reste toujours élevé dans les pays en développement où la couverture sanitaire est insuffisante. Selon les statistiques de l’OMS environ 525.000 femmes meurent par an dans le monde pendant la grossesse ou l’accouchement ou dans le postpartum, laissant derrière elles 1.000.000 d’orphelins[1].Dans les pays en voie de développement cette mortalité est encore plus marquée, atteignant 15 à 20 fois le nombre de décès enregistrés dans les pays développés [2].Cette mortalité est de distribution inégale entre le nord et le sud:1020/100.000 naissances vivantes en Afrique de l’ouest alors qu’elle est de 27/100.000 naissances vivantes dans les pays développés [3]. Elle est dominée dans plus de 80% des cas par les hémorragies dont 95% seraient évitables (OMS) [4, 5,6]. Au mali les décès maternels représentent 32 % de tous les décès de femmes de 15-49 ans [EDSM V]. La tendance du taux de mortalité maternelle est à la baisse depuis 2001, passant de 582 décès pour 100 000 naissances à en 2001[EDSM III] à 465 décès pour 100 000 naissances en 2006 [EDSM IV] pour atteindre 368 décès pour 100 000 naissances en 2012 [EDSM V] [7]. Selon EDSM V, la mortalité infanto-juvénile était de 95‰ en 2012 au Mali, à Koulikoro la mortalité infanto-juvénile a été estimée à 96‰ la même année [7].
Dans les pays développés même si la mortalité maternelle a été divisée par cent au cours du XXè siècle elle stagne à 10 décès pour 100000 naissances depuis les années 1980 [8]. Ainsi en France les hémorragies du troisième trimestre représentaient avec les hémorragies du post –partum immédiat la première cause de décès maternel avec un taux de 17% et pour la même période au Royaume-Uni et aux ÉtatsUnis la 4 ème cause de décès avec un taux de 5% [8]. L’incidence des hémorragies du troisième trimestre de la grossesse varie de 3% à 5% dans les pays développés: en France, DOUGLAS a relevé 5% en 1981 [9], de même que AYOUBl en 2000 [10]. A LONDRES, une étude faite par DEREK en1981 trouvait un taux allant de 3 à 6% [11]. En Afrique, SEPOU a trouvé un taux sensiblement supérieur en Afrique centrale ; 2,26% [12] tandis qu’au Maroc IZRAR NADA notait un taux inférieur à 0,65% [13]. Au Mali à l’hôpital SOMINE DOLO de Mopti une étude faite par Sanogo S a trouvé 94 cas d’hémorragies du troisième trimestre de la grossesse sur un total de 1485 accouchements ce qui représente 6,33 % des accouchements effectués dans cet hôpital [2]et en 2009 une étude similaire fait par Guindo S. dans le CSREF de la Commune V, a trouvé 1,6% d’hémorragie du 3 e trimestre de la grossesse [14]. Bien qu’il existe des hémorragies d’origine inconnue, le placenta prævia, l’hématome retro-placentaire et la rupture utérine constituent les principales causes d’hémorragie du 3ème trimestre de la grossesse. Cependant le caractère brutal, l’insuffisance et/ou le manque de suivi prénatal, le retard et/ou l’absence de diagnostic, l’insuffisance ou la non disponibilité des moyens de réanimation (sang et produits sanguins) confèrent aux hémorragies du troisième trimestre toute leur gravité ; l’urgence étant d’abord d’apprécier le saignement et son retentissement materno-fœtal et de procéder à une stabilisation de l’état général avant de rechercher une étiologie.
Plusieurs études faites sur la mortalité maternelle révèlent que les hémorragies obstétricales constituent l’une des premières causes de décès maternel [2, 1, 15]. En effet, ces hémorragies obstétricales occupent le deuxième rang des causes de décès maternels. Parmi elles, celles du troisième trimestre constituent une préoccupation quotidienne en pratique courante, englobant un éventail de pathologies obstétricales dont le retard de prise en charge pourrait grever le pronosticmaterno-fœtal.
DEFINITION
Les hémorragies du troisième trimestre de la grossesse correspondent à tout saignement chez une femme enceinte provenant de la cavité utérine après 28 SA. [16,17].
HISTORIQUE
La symptomatologie hémorragique chez la femme enceinte près du terme était connue des anciens auteurs. Il semble que c’est Portal qui le premier a senti un placenta bas inséré lors d’un toucher transcervical chez une patiente qui saignait sur une grossesse près du terme [18]. Plus tard Levret découvrit un placenta prævia recouvrant à l’autopsie d’une gestante morte d’hémorragie foudroyante [19]. Avant 1929 le diagnostic de placenta prævia reposait uniquement sur le toucher transcervical. La radiographie fut proposée par certains auteurs pour repérer l’insertion basse du placenta parmi lesquels Dos Nantos par aortographie, Snow et Powel par placentographie directe en 1934. Le repérage ultrasonique mit fin aux inquiétudes des risques fœtaux liés à la radioactivité depuis la publication de Donald en 1958. Les premières césariennes pour placenta prævia ont été pratiquées en 1890 par Hudson et Ford aux U.S.A ; en France Tarnier la réalisa en 1897. Mais il faudra attendre la thèse de Daubry en 1925 pour que la césarienne ait définitivement droit de citer dans le traitement du placenta prævia En Afrique, les premières études sur la rupture utérine ont été faites en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Le décollement prématuré du placenta normalement inséré fut décrit pour la première fois en Angleterre en 1811. Rigley opposait les hémorragies « accidentelles » des hématomes rétroplacentaires aux hémorragies « inévitables » du placenta prævia. Baudeloque décrit la cupule rétro-placentaire des hémorragies cachées.
De Lee, en 1901 décrivait à l’occasion d’un hématome rétro placentaire le syndrome des hémorragies par afibrinogénémie acquise dont l’explication physiopathologique ne sera donnée par Deekerman qu’en 1936. Couvelaire en 1937 chercha à définir la pathogénie de cet accident qui peut s’étendre aux viscères, dépassant souvent la sphère génitale.
Anatomie de l’utérus gravide
L’utérus est un muscle creux destiné à recevoir l’œuf après la migration, à le contenir pendant la grossesse tout en permettant son développement et à l’expulsion lors de l’accouchement. Il subit au cours de la grossesse des modifications importantes qui portent sur sa morphologie, sa structure, ses rapports et ses propriétés physiologiques. Au point de vue anatomique l’utérus gravide comprend trois parties : le corps, le col entre lesquels se développe dans les derniers mois, une portion propre à la gravidité, le segment inferieur.
Corps de l’utérus
Anatomie macroscopique
Volume et forme : l’utérus augmente progressivement de volume, d’autant plus vite que la grossesse est plus avancée. L’augmentation est due à l’hypertrophie des éléments musculaires à partir des histiocytes, puis à la distension des parois utérines par l’œuf. Cette croissance se fait en périodes distinctes.
– La première est la phase d’épaississement des parois. L’utérus a une forme sphéroïdale
– La seconde est la phase de distension. L’utérus est ovoïde à grosse extrémité supérieure. Le qualificatif de cylindrique se rapporte à des utérus hypotrophiques, donc pathologiques.
¤ Poids : son poids à terme varie de 900-1200g.
¤ Capacité : sa capacité à terme est de 4 à 5 litres.
¤ Epaisseur des parois : Au début de la grossesse les parois s’hypertrophient, puis s’amincissent progressivement en proportion de la distension de l’organe. A terme leur épaisseur est de 8-10 mm au niveau du fond 5-7 mm au niveau du corps. Après l’accouchement elles se rétractent et deviennent plus épaisses qu’au cours de la grossesse.
¤ Consistance : L’utérus se ramollit pendant la grossesse
¤ Situation : Pelvien pendant les premières semaines de la grossesse, son fond déborde le bord supérieur du pubis dès la fin du deuxième mois, puis il se développe dans l’abdomen pour atteindre à terme l’appendice xiphoïde.
¤ Direction Au début de la grossesse, l’utérus conserve ou même accentue son antéversion. Puisqu’il s’élève dans l’abdomen, derrière la paroi abdominale antérieure. A terme, la direction de l’utérus dans le sens antéropostérieur dépend de l’état de la paroi abdominale. Sur la femme debout, l’axe de l’utérus est sensiblement parallèle à celui du détroit supérieur si la paroi abdominale est résistante (primipare). Quand la paroi est flasque (multipare).L’utérus se place en antéversion. Sur le plan frontal, le grand axe utérin s’incline en général du coté droit (76%) plus rarement à gauche. L’utérus subit un mouvement de rotation sur son axe vertical de gauche à droite qui oriente sa face antérieure en avant et à droite.
¤ Rapports :
Au début de la grossesse les rapports de l’utérus encore pelvien sont les même qu’en dehors de la grossesse.
A terme l’utérus est abdominal:
– En avant : sa face antérieure répond directement à la paroi abdominale sans interposition d’épiploon ou d’anses grêles chez la femme indemne d’opération abdominale .Dans sa partie inferieure, elle entre en rapport avec la vessie lorsqu’elle est pleine.
– En arrière : l’utérus est en rapport avec la colonne vertébrale flanquée de la veine cave inferieure et de l’aorte avec les psoas croisé par les uretères, avec une partie des anses grêles.
– En haut : le fond utérin soulève le colon transverse, refoule l’estomac en arrière et peut entrer en rapport avec les fosses cotes. A droite il répond au bord inferieur du foie et à la vésicule biliaire.
– Le bord droit : regarde en arrière, il entre en contact avec le cœcum et le colon ascendant.
– Le bord gauche : répond à la masse des anses grêles refoulée et en arrière au colon ascendant.
¤Structure : les trois tuniques de l’utérus se modifient au cour de la grossesse :
¤ La séreuse : c’est-à-dire le péritoine, s’hypertrophie pour suivre le développement du muscle. Elle adhère intimement à la musculeuse du corps, alors qu’elle se clive facilement du segment inferieur. La ligne de démarcation entre ces deux régions est appelé ligne de solide attache du périnée.
¤ La musculeuse : est constituée de trois couches de fibre lisse qui ne peuvent être mise en évidence que sur l’utérus distendu. Sur l’utérus rétracté les couches musculaires se plissent en accordéon d’où leur aspecte enchevêtre difficile à interpréter. L’utérus distendu est formé par une cinquantaine de couches de faisceaux circulaires qui forment des plans superposés. Ceux-ci sont repartis en deux assises, externe et interne qui forment la partie contractile de l’organe. Entre lesquelles existe une couche plus épaisse de fibres inter croisées. La couche flexiforme celle-ci insère de nombreux vaisseaux qui servent de réserve sanguine. Les artères restent libres dans les anneaux musculaires, séparées d’eux par une gaine conjonctive. Les veines sont réduites à leur endothélium et adhèrent aux anneaux musculaires, disposition en rapport avec la régulation de la circulation utérine.
¤ La muqueuse : en dehors de la grossesse, elle est constituée de deux couches : une profonde ou basale de 0,5mm d’épaisseur double stroma contient les culs de sac glandulaires ; une superficielle ou fonctionnelle dont l’épaisseur varie de 0,5 à 5mm du début à la fin du cycle et dont le stroma contient le tube glandulaire ; à sa superficie se trouve l’épithélium. Dès l’implantation la muqueuse se transforme en caduque ou déciduale, mot qui évoque sa chute partielle après l’accouchement. L’œuf en grossissant fait saillie dans la cavité utérine, coiffé par une partie de la caduque qui se distend pour suivre son développement, alors s’individualisent trois caduques :
– La caduque basale ou inter utéro placentaire située entre le pôle profond de l’œuf et le muscle utérin.
– La caduque ovulaire qui recouvre l’œuf dans sa partie superficielle et le sépare de la cavité utérine.
– La caduque pariétale qui répond à la partie extra placentaire de la cavité utérine.
I-Introduction et Objectifs |