Les groupes d’analyse de pratiques en 3ième cycle de médecine générale
Entretien semi-dirigé
L’entretien semi-dirigé issu de l’entretien « non directif » de C. Rogers, était utilisé, initialement, en psychosociologie dans des entretiens cliniques, étendu secondairement au domaine de la recherche. Il consiste à « s’efforcer de donner au client un miroir verbal qui permet à ce dernier de se voir plus clairement et qui indique en même temps qu’il est profondément compris par un conseiller qui ne fait aucune évaluation de lui ou de son attitude » (C. Rogers) . Le but de l’entretien semi-dirigé était de laisser libre cours à la pensée de l’interviewé en conservant son individualité, sa subjectivité et son opinion, tout en étant encadré par le sujet, cerné par une série de questions ouvertes.
Le guide d’entretien
Il a été élaboré suite à une recherche bibliographique ciblant les thèmes de l’incertitude, de l’enseignement en médecine générale et des GAP. Le but de cet entretien était d’arriver à créer un lien spontané entre ces trois thèmes par une série de questions ouvertes hiérarchisées. Question1 : Quelle situation vécue au cours de ta pratique ou lors de ta maîtrise de stage illustre pour toi la notion d’incertitude diagnostique ? Concernant cette situation clinique que tu viens de me décrire, quelles stratégies as-tu développées pour mieux appréhender cette incertitude ? C’était une mise en situation pour aborder le sujet avec une expérience vécue concrète, illustrant l’incertitude diagnostique comme fil conducteur pour la suite de l’entretien. La démarche visait à retracer le raisonnement sur son cheminement clinique et faire ressortir les moyens mis en œuvre pour pallier ses doutes, afin d’arriver à l’étape de la prise de décision. Il s’agissait, comme pour la méthode employée dans les GAP, de partir d’un cas concret pour adopter une posture réflexive. Question 2 : Quelles émotions as-tu éprouvées face à cette situation clinique d’incertitude ? De quelle manière ces émotions vont-elles influencer ta prise en charge et ta pratique en général ? Cette question abordait le versant émotionnel car l’incertitude pouvait-être source de tension psychique provoquant une réaction affective : une émotion. Cerner ses réactions émotionnelles et les nommer permet de mieux les contrôler (3). Question 3 : Penses-tu que l’EBM participe à une mauvaise tolérance de l’incertitude diagnostique ou au contraire est une solution ? Notre enseignement repose sur les principes de l’EBM, en conflit avec la dimension subjective apportée par les émotions éprouvées face à une situation d’incertitude, lesquelles influencent inévitablement notre prise en charge. De plus, L’EBM est inversement liée au concept d’incertitude, puisque la démarche décisionnelle repose sur un haut niveau de preuve et donc de certitude. L’EBM est un socle sur lequel s’appuyer, en permettant de cibler les données probantes pour arriver à un diagnostic. Or, nous savons qu’en médecine [générale] nous sommes amenés fréquemment à prendre des décisions dans un contexte d’incertitude en l’absence de preuve. La démarche médicale repose sur des preuves mais aussi des déductions et de l’expérience . L’EBM constitue une approche factuelle à laquelle manque l’approche contextuelle ; les essais cliniques randomisés reposent sur des groupes de personnes, des populations sorties de leur contexte social, géographique, psychique…etc. L’analyse des pratiques vise à recontextualiser le patient dans son individualité. Le but de cette question était de savoir comment le jeune praticien s’en accommodait. Question 4 : Que penses-tu de l’intérêt d’aborder la question de l’incertitude diagnostique au cours de l’enseignement du DES de MG ? Cette question visait à cerner la place que prenait l’incertitude dans la pratique du jeune médecin. De quelle manière elle interférait ou interagissait dans la démarche clinique. La tolérance de cette dernière faisant partie des compétences à acquérir par l’interne de médecine générale. Question 5 : Quels seraient, selon toi, les moyens pédagogiques les plus adaptés pour aborder le thème de l’incertitude diagnostique en médecine générale au cours de notre enseignement ? Le but de cette question était de cibler le moyen le plus adapté entre le paradigme d’enseignement (enseignement normatif) et le paradigme d’apprentissage, pour aborder ce concept du point de vu des jeunes médecins. Elle permettait de cibler leurs attentes en matière d’enseignement. Question 6 : Selon toi, en quoi l’enseignement sous forme de Groupe d’Analyse des Pratiques, serait-il intéressant pour aborder la question de l’incertitude diagnostique ? L’objectif de cette question était de montrer en quoi cette forme d’apprentissage suscitait de l’intérêt chez les jeunes médecins, pour aborder leurs sujets de préoccupations qui gravitaient autour de l’incertitude diagnostique. Il s’agissait de se détacher de la possible influence de la chercheuse et de sa question de recherche sur l’intérêt présumé des GAP. Enfin cette question pouvait permettre de mettre en évidence un lien, s’il en existait un, entre les possibilités qu’offraient cette forme d’apprentissage et les problématiques citées lors des réponses aux questions précédentes. Question 7 : En quoi ta participation au module GEDPC et/ou à un Groupe de Pairs® au cours de ta maîtrise de stage t’a-t-elle donnée envie ou non de participer à un Groupe de Pairs® une fois installé ? Il s’agissait d’une question plus générale, qui donnait la possibilité à l’interviewé de se libérer de l’influence de la question de recherche qui ciblait l’incertitude diagnostique. Ainsi il avait la 14 liberté de pouvoir s’exprimer sur l’intérêt, en général, des GAP et pourquoi il se projetait, ou non, dans un GdP®. Cela permettait de voir si, dans les intérêts qu’il citait, on retrouvait celui de la gestion de l’incertitude diagnostique. Auquel cas, cette question validerait la pertinence de la question de recherche et montrerait tout le potentiel d’un GAP, en faisant de lui un outil pédagogique intéressant. Question 8 : As-tu d’autres choses à ajouter ? Pour finir, cette dernière question laissait le champ libre à l’interviewé, en lui permettant d’ajouter de nouvelles idées qui auraient émergées au cours de l’entretien, ou alors des idées qui n’avaient pas pu être évoquées avant. Le guide d’entretien a été modifié après les deux premiers entretiens pour améliorer la compréhension de certaines questions, en supprimer d’autres redondantes, respectant le principe de l’analyse des données itératives dans une étude qualitative.
Le déroulement
L’entretien débutait par une présentation à l’enquêté du thème général, de la question de recherche, de l’objectif de l’étude, de la raison pour laquelle il était interviewé, de la durée approximative de l’entretien et de la spécification du respect de la stricte confidentialité des propos recueillis qui étaient enregistrés en totalité 3 . La définition d’un GAP par la Haute Autorité de Santé (HAS) était donnée, de plus l’enquêtrice a précisé ce qu’elle entendait par « incertitude diagnostique » 4 . Les entretiens ont été menés soit en face à face, soit par téléphone, soit par vidéo-conférence. L’éventail des possibilités proposées favorisait la participation des personnes recrutées en se libérant des contraintes d’éloignement et techniques. Dix entretiens ont été réalisés jusqu’à obtention de la saturation des données.
INTRODUCTION |