Les granites archéens du massif du Chaillu
DESCRIPTIONS PETROGRAPHIQUES DES GRANITES ARCHEENS DU MASSIF DU CHAILLU AU CONGO
Le caractère essentiel du granite du Chaillu étant son extrême hétérogénéité, nous envisagerons de quelle façon elle se manifeste et à quelles causes on peut l’attribuer (ASPERBRAS., 2014). Une hétérogénéité indépendamment de la texture et de la structure. Ce qui frappe de prime abord, c’est la présence d’un granite gris en moyenne assez riche en biotite et d’un granite rose généralement moins riche en biotite et parfois dépourvu de ce minéral. Microscopiquement, ces granites en dehors de la teneur relative en ferromagnésiens, sont tout à fait semblables et ils présentent la même structure. La coloration rose provient des feldspaths 32 potassiques. On trouve indifféremment granite gris et granite rose et il est impossible de délimiter les ensembles de chacun de ces deux faciès. D’ailleurs, la plupart du temps, on trouve un mélange intime des deux faciès qui s’injectent et constituent une véritable migmatite. L’ensemble des observations permet de considérer le granite rose comme postérieur au granite gris, en effet c’est toujours le granite rose qui s’injecte dans le granite gris jamais l’inverse. La texture du granite gris est dans l’ensemble plus constante et plus stable que celle du granite rose. Les faciès porphyroïdes, pegmatitiques locaux, recristallisés et écrasés sont beaucoup plus fréquents dans le granite rose que dans le granite gris. Une deuxième manifestation de l’hétérogénéité du granite du Chaillu réside dans les textures extrêmement variées. La texture granitique normale dans laquelle aucune orientation des minéraux n’est visible, la structure correspondante est grenue mais les minéraux sont généralement déformés, en particulier les quartz ont des extinctions onduleuses qui manifestent les pressions qui se sont exercées au moment de a mise en place. La texture devient parfois porphyroïde localement ou sur une certaine étendue en particulier à Zanaga. La texture qui est de beaucoup la plus fréquente est une texture gneissique où les minéraux sont nettement orientés ; en particulier la biotite et l’amphibole. La structure est encore grenue mais cataclastique avec cassure des minéraux et recristallisation. Très localement, on observe des faciès pegmatitiques, mais il est impossible de les localiser dans un filon. Ce sont plutôt des roches qui ont pu se mettre en place à la faveur de conditions de température et pression localement réalisées. Elles sont diffuses à l’intérieur du granite et généralement très pauvres en ferromagnésien. Très souvent le granite doit son hétérogénéité à la présence d’enclaves de roches métamorphiques des terrains antérieurs. La dimension de ces enclaves est très variable, elle va d’une dimension où la concentration en ferromagnien est très forte à une dimension d’allure schisteuse très nette. Le granite prend alors l’aspect d’une anatexite ou même d’une embrechite. Les enclaves atteignent des dimensions telles qu’elles soient cartographiables. Ces enclaves contribuent encore à l’hétérogénéité car leur contact avec le granite peut avoir une composition modifiée, montrant des phénomènes d’endomorphisme. Il est courant au niveau de Sibiti-Est de voir le granite normal s’orienter et se charger en amphibole à proximité des septas d’amphibolites. La composition du granite tend à devenir plus calco-alcaline dans les mêmes zones. Au contact des intrusions des roches basiques postérieures à la mise en place du granite, on assiste à des modifications de la composition et de la texture du granite. La plus fréquente de ces modifications étant l’enrichissement en amphibole au contact des venues doléritiques. Finalement l’hétérogénéité du granite du Chaillu tient à cinq causes qui peuvent intervenir simultanément. • La mise en place du granite en plusieurs phases dans une série sédimentaire hétérogène, • Les variétés de textures, • Les phénomènes d’endomorphisme se traduisant par un faciès à amphibole, • La présence de septa métamorphiques au toit du batholite, • Les venues basiques et ultrabasiques (dolérites, péridotites) d’âges divers. Nous décrirons à cet effet, le granite gris et granite rose typique issus de ces critères d’hétérogénéité. GRANITE GRIS : Le granite gris (Image C, photo 2) correspond au faciès le plus fréquent de la feuille de SibitiEst. Il est généralement à gros grains et régulièrement cristallisés. C’est l’exemple d’une texture engrenée et parfois à cloisons. Le quartz se présente d’une part en phénocristaux manifestant des phénomènes de recristallisation et d’autre part en petites plages engrenées à extinction roulante manifestant les actions de pression. Le microcline est abondant et les plagioclases sont altérés (la série albite, oligoclase). La biotite est assez abondante et relativement fraîche. On observe des minéraux d’altération des plagioclases et de la biotite : sericite (saussuritisation) et chlorite (chloritisation). Ce granite gris correspond donc à un granite calco-alcalin à biotite et microcline. Fréquemment, le granite gris s’oriente et dans la structure définie ci-dessus, ce sont en premier lieu les cristaux de biotite qui s’alignent suivant une direction privilégiée. 34 Dans un stade ultérieur, la biotite se concentre suivant les lits et on a une alternance de lits de biotite et de lits pauvres en ce minéral ; parfois même complètement dépourvus. Dans les lits, les cristaux de biotite gardent une orientation privilégiée parallèle entre eux. Très souvent, le granite gris contient de l’amphibole dont les cristaux sont orientés. Ce qui est le cas le plus fréquent. Lorsque le granite gris se charge en amphibole, sa composition minéralogique reste d’abord la même puis on assiste à un enrichissement en plagioclase qui passe au type calco-alcalin. Du granite calco-alcalin, on peut ainsi passer à des granodiorites (Image A, photo 2) et même à des diorites. Dans cette évolution vers les types calco-alcalins, la richesse en microcline diminue progressivement.
GRANITE ROSE
Le granite rose (Image B, photo 2) est à grain plus fin et généralement plus leucocrate que le granite gris. La biotite toujours moins abondante que dans le faciès gris est parfois complètement absente. La structure est fine et engrenée sans orientation. Les quartz se présentent en phénoblastes ou en petits cristaux finement engrenés à extinction onduleuse. Le microcline est plus abondant que dans le granite gris. C’est un caractère distinctif assez général. Le plagioclase correspond à de l’oligoclase. La biotite est assez rare en petites plages ; la muscovite est présente. Finalement, ce type correspond à un granite calco-alcalin à biotite, muscovite et microcline finement cristallisé. Les caractères distinctifs du granite gris et du granite rose résident dans les points suivants : • Abondance de microcline dans le faciès rose, • Plagioclases moins abondants dans le rose que dans le gris, • Biotite très disséminée et parfois totalement absente du faciès rose. Très souvent le granite rose est écrasé et recristallisé. Dans ce cas les cristaux de feldspaths deviennent plus importants donnant localement au granite un faciès porphyroïde. Un faciès porphyroïde correspondant au granite normal, où les feldspaths roses sont relativement en gros cristaux à 1,5 cm et a une étendue suffisante pour être cartographier au 1/500.000. La présence d’amphibole est moins fréquente dans le granite rose que dans le granite gris. 35 Un faciès courant est constitué par une migmatite (Image D, photo 2) fait de granite gris et du granite rose. La phase rose s’injectant en filonnet parallèles dans la phase grise. Le faciès à enclaves donne au granite un aspect d’anatexite typique. Finalement pour cartographier les formations granitiques du massif du Chaillu, les distinctions sont basées sur leurs critères facilement repérables, mais conservant cependant une continuité relative. Texture : grenue ; orientée, porphyroïde Composition minéralogique : • Granite hétérogène à biotite • Granite à biotite et amphibole • Granite à biotite et muscovite. Hormis, les granites gris et les granites roses, une autre catégorie complexe de roches mérite d’être décrite. Il s’agit des charnockites.
CHARNOCKITES
Il s’agit d’ensembles gneissiques et granitoïdiques de grande extension, caractérisés par un climat métamorphique particulier de type haute température-basse pression. Les conditions température-pression estimées sont de 800 à 900°C pour 5 à 6 Kb de pression avec un gradient géothermique de 40 à 60°C/Km. L’appellation du domaine charnockitique regroupe une large gamme de roches dont le plus commun est un granitoïde à orthopyroxène (charnockite stricto sensu). Cet orthopyroxène situe les conditions de cristallisation au-dessus de la réaction biotite + quartz = Orthopyroxène + feldspaths potassiques + H2O. Ce qui requiert dans un premier cas, des hautes températures (stabilité de l’orthopyroxène), si la réaction opère dans les roches comportant initialement de la biotite. Dans un deuxième cas, une faible teneur en eau, si la paragenèse charnockitique apparaît par cristallisation directe d’un magma granitique. Ces deux alternatives conduisent à des interprétations totalement différentes. Dans la première, l’origine des charnockites serait strictement métamorphique, le complexe charnockitique résultant d’une transformation des roches à haute température. Dans la deuxième, l’origine serait plutonique, le complexe charnockitique traduisant l’intrusion dans la croûte, des granitoïdes particulièrement chauds et secs. Au Gabon, sur la base des observations de terrain et des études pétrographiques (Prian et al., 1998 ) ; l’hypothèse d’une origine métamorphique est de loin la plus probable. Leurs âges très variés, conduisent au même résultat. Ces derniers reproduisent la diversité des protolithes affectés par le métamorphisme charnockitique avec des âges d’environ 3100 Ma pour les anciens et de 2830 Ma pour les plus jeunes. Par extension, sont qualifiées de roches charnockitiques, roches montrant des compositions minéralogiques compatibles avec la paragenèse charnockitique, mais ne contenant pas nécessairement d’orthopyroxène (Streckeisen, 1974). C’est le cas des enderbites, roches les plus abondantes dans les domaines charnockitiques du Gabon, et dont la composition est tonalitique et non granitique. De même, sont attribuées au complexe charnockitique des roches métamorphosées, mais dont l’orthopyroxène reste bien reconnaissable, bien que pseudomorphosé par des minéraux phylliteux. Plus généralement, il est probable que l’évènement thermique responsable de la chanockitisation a affecté l’ensemble du socle mésoarchéen à différents degrés. Dans le Massif 37 du Chaillu en particulier, la présence fréquente d’anthiperthites au sein des granitoïdes gris peut suggérer une gradation des températures, depuis des conditions granulitiques (aux températures élevées) dans les domaines charnockitiques vers des températures moindres, mais également anhydres, dans le reste du socle. Les roches des domaines charnockitiques sont variées, tant du point de vue aspect, que de leur composition minéralogique et de leur texture. Elles varient entre un pôle acide (charnockite stricto sensu) et un pôle basique (norite), localement ultrabasique. Elles peuvent être grenues ou gneissiques ; les premières se caractérisent par la présence de feldspaths sombres dits malgachitiques et de pyroxènes bien cristallisés. L’âge de l’évènement charnockitique est contraint à la fois par la datation à 2820 ± 30 Ma obtenue sur un gneiss charnockitique de Makotou et l’âge à 2820 ± 22 Ma obtenu sur un granite syn à tardi charnockitique de la région de Batouala.
DESCRIPTIONS GEOCHIMIQUES DES GRANITOÏDES DU MASSIF DU CHAILLU:
En ce qui concerne la géochimie des granitoïdes du Chaillu, plusieurs travaux de géologie sont en train d’être réalisés à ce jour. En effet, la géologie pourrait être effective et exhaustive sous peu grâce aux travaux détaillés de cartographie géologique réalisée en 2014 par le Centre de Recherches géologiques et Minières (CRGM) à travers la société brésilienne dite ASPERBRAS. Néanmoins, les granites observés macroscopiquement à Mayoko et Zanaga contiennent du quartz, de la biotite, des plagioclases et quelques amphiboles. Les études géochimiques approfondies sur les granites de Mayoko et de Zanaga restent encore sous la discrétion des sociétés minières de fer ou du niobium et de la tantalite.
OROGENESE ARCHENNE DU MASSIF DU CHAILLU
Peu d’informations ont été retenues sur le massif du Chaillu en ce qui concerne la tectonique, le métamorphisme et le magmatisme de l’Archéen. Mais globalement, au cours de l’Archéen, on constate qu’après les deux phases tectono-métamorphiques du faciès granulite dans le complexe granito-gneissique (dont l’une est antérieure et l’autre postérieure à la formation ferrifère) ; la troisième phase est la mise en place des premiers granitoïdes des complexes Nord et Sud (Ebel, Lopé et Chaillu de faciès gris) entre 2850 et 2700 Ma. 38 L’histoire du bâti archéen s’achève par la mise place des granites en pain de sucre de Sam vers 2700 Ma et des faciès potassiques du Chaillu à 2627 33 Ma. Cela s’accompagne d’un métamorphisme épizonal (rétromorphose) dans le faciès schistes verts. Cette époque correspond à l’orogenèse libérienne. Tout comme le Libérien rencontré dans les autres formations archéennes du continent africain, le Libérien du massif du Chaillu a contribué à l’épaississement de la croûte continentale manifesté par un métamorphisme épizonal typique du faciès granulitique. Les roches formées sont principalement les tonalites et les granites potassiques. Par ailleurs, au niveau du Protérozoïque inférieur (2400 à 2300Ma), une phase de distension majeure dans le massif du Chaillu provoque la mise en place des ceintures de roches vertes et s’accompagne des manifestations plutoniques qui ont pu développer un métamorphisme de contact.
TECTONIQUE LOCALE DU MASSIF CHAILLU AU CONGO
Ce vaste batholite partiellement dénudé ne fournit que peu de renseignements au sujet des relations avec les formations voisines, tant pour la chronologie que pour la tectonique. Au sud, le Bouenzien recouvre en discordance le massif du Chaillu. A Mayoko, il existe un septa de métamorphique très réduit. La direction tectonique varie selon la direction N-S à E-O .Elle est marquée par : -les cassures : elles sont nombreuses mais jamais très importantes. Sur le terrain, on observe des diaclases, les roches vertes et les pegmatites sont souvent pincées et étirées ; le passage de la couleur rose à rouge brique pour les feldspaths est un indice d’efforts tectoniques. A Mayoko, une zone mylonitique où le granite est devenu gris uniforme apparait. Elle est développée dans la Lékoumou (Région du Congo), parallèlement à la direction générale NESO. Aucun accident tectonique important jalonné par une mylonite franche n’a été mise en évidence. -L’orientation générale des lits de granite gneissique : Elle s’accorde avec les cassures et varie N-S à E-O. 39 Au microscope on décèle de nombreuses traces de cataclase renfermant de chlorite, des cristaux brisés à extinction onduleuse. En général, cette cataclase conduit à la structure en mortier caractéristique des granites syncinématiques. Toutefois, la texture protogneissique caractéristique de ces derniers types est souvent masquée par la texture orthogneissique produite par des déformations tardives. Ce granite est syncinématique et concordant avec le métamorphisme de Mayoko que nous supposons antérieur au granite. Il a subit des déformations tardives. Dans l’ensemble son orientation tectonique est de 60° Nord.
INTRODUCTION GENERALE |