Les grandes périodes de l’opothérapie

Les grandes périodes de l’opothérapie

Peuples anciens et période gréco-latine : l’opothérapie, médecine universelle

L’emploi de remèdes animaux se retrouve dans la plupart des peuples, en voici quelques usages non exhaustifs.

Indiens

Malgré leur répugnance pour la chair animale, ils utilisaient par exemple « des testicules de bouc comme aphrodisiaque lorsqu’ils avaient de trop nombreuses épouses à contenter » ou encore un « remède composé de crocodiles, rats, grenouilles et moineaux donnait à l’homme une puissance de coït infinie pourvu qu’il ne touchât p as le sol »[93].

Chinois

La pharmacopée chinoise dont certains usages thérapeutiques persistent encore aujourd’hui, employait dans le même but que les indiens, du pénis séché de bouc. Pour les maladies de l’intestin, elle préconisait des matières fécales desséchées, dla fiente de poulet pour les ballonnements de ventre, de la peau de couleuvre pour les paralysies, un bézoard de vache pour les catarrhes pulmonaires, du sang de cerf tiré de l’animal vivant pour la phtisie, du sang d’âne de la même façon pour guérir la folie, du « N’go-kia » colle de peau d’âne pour arrêter diarrhée et crachement de sang.

Hébreux

Les hébreux connaissaient l’usage du fiel dans les ophtalmies. Tobie guérit la cécité de son père en frottant les yeux avec du fiel de poisson. Cet usage est encore retrouvé en 1910 en Grèce, à Rome, chez les Arabes sud oranais.

Grecs anciens

Là encore, on retrouve de nombreux remèdes animaux. Dans l’Iliade [119], Chiron Le Centaure nourrissait Achille son élève, de moelle de lions pour lui donner leur courage. Les temples d’Esculape (dieu de la santé et de la médecine), recommandaient de la chair de vipère aux lépreux. Le tableau suivant donne un aperçu de l’utilisation de l’opothérapie rapportée par les grecs anciens (Tabl. 1).
Tableau 1. Opothérapie rapportée par quelques auteurs grecs anciens
Les médecins grecs considéraient qu’un viscère sainpossédait une spécificité propre contribuant à rétablir l’organe malade correspondant. Pline et Discordine notamment, employaient les organes selon cette loi de l’identité .Cette théorie mena àl’utilisation de testicules pour les impuissants, de foie pour les troubles hépatiques, jusqu’à la décoction de « derrière de bœuf » à ceux affligés d’ hémorroïdes.

 Arabes

Avicennes, vers l’an 1000, conseillait aux nourrices des tétines de brebis/chèvre cuites dans leur lait et pour les douleurs articulaires, de l’huile dans laquelle un renard a cuit.

Du Moyen Âge à la fin du 16 tradition et médecine savante.

L’opothérapie était étudiée par l’École de Salerne, haut lieu de la médecine médiévale. Cependant, le Moyen Âge reste une époque d’ignoranc e où la tradition se perpétue. Les bourreaux faisaient commerce fructueux des cadavres de suppliciés, utilisés contre l’épilepsie etapoplexiel’, mais la majorité des remèdes étaient d’origine animale.
Albert Le Grand (12ème siècle) prêchait toujours la loi de l’identité avec un remède récurrent dans la littérature médicale : le testicule de porc pour les impuissants.
Pour encore plus d’efficacité« quand on veut donner de l’amour, on cherche l’ani mal qui est le plus chaud à l’heure à laquelle il est le plus vig oureux dans l’accouplement, parce que, pour lors, il a le plus de force au combat amoureux ; ensuite on prend de lui la partie la plus propre à l’amour. Si donc l’homme est peu puissant, il faut lui faire manger des testicules de porc ; pour faire concevoir la femme, il faut lui faire prendre de la matière de lièvre » (la vertu des animaux) Gilbert d’Angleterre prétendait faire expulser des calculs vésicaux en faisant boire du sang de jeune bouc nourri avec des herbes diurétiques comme du persil ou du saxifrage.
Mesué, arabe chrétien, préconisait à l’apothicairede posséder dans sa pharmacopée 56 drogues animales dont il établît la liste (foie de loup mélangé à l’ athanasie pour les maladies du foie…). Ses formules passent dans la pharmacopée jusqu’à la fin du 16ème siècle. Mesué avait déjà la préoccupation de fournir un remède animal le plus ains possible, des poumons de renard, il disait qu’ils devaient « être bien sains, tirés de l’animal récemment tuéil ;ne faut pas que l’animal soit mort de maladie de peur que le viscère ne fût imbu de méchante impression, ni ait péri de vieillesse, car serait privé d’esprit » [93] .

La Renaissance, grande heure de l’opothérapie.

Jean Gaddesden, au début du 16 siècle rétablissait la mémoire avec du cœur de rossignol, traitait les hémorragiesavec des excréments de porc et faisait tomber les dents avec de la graisse de reinette.
Paracelse chercha ensuite à se mettre à l’abri des putréfactions animales en tentant d’extraire la quintessence des organes par des moyens chimiques « tout est poison, rien n’existe sans poison et l’ont doit, par conséquent, utiliser les poisons ». Il employait surtout des remèdes fantastiques : glu de vers de terre, mousse de crâne de cadavres, cend res de grenouille. La mumie était également encore très prisée.
Ambroise Paré, chirurgien et anatomiste français, utilisait de « l’huile des petits chiens » pour cautériser des plaies (chiots nouveaux nés bouillisdans de l’huile de lys avec des vers de terre et de la térébenthine). L’usage de remèdes issus de canidés était courant. Le loup a d’ailleurs été l’objet d’un traité entier par Gabelchover sur son usage enmédecine.
Jean de Renou, médecin d’Henry IV suivait les conseils de Mesué « il n’est pas malséant au pharmacien d’en tenir dans sa boutique et particulièrement de la fiente de chèvre, paon, pigeon, du musc de civette » sans compter l’ album graecum qui correspond à de l’excrément de chien desséché.
Du batracien aux mammifère, tout animal a un intérêmédical, il n’en est pas perdu une miette comme le montre l’utilisation du hérisson : en décoction ou réduit en cendres et bu pour empêcher les fuites urinaires, son foie desséché et pulvéris pour les maladies rénales, la cachexie, l’ hydropisie.

17 ème au 18ème siècle : opothérapie, abus et décadence

Dans tout le 17-18ème, on trouve les mêmes pratiques sans grandes modifications pendant que la science progresse…
Les essais opothérapiques continuèrent. Ettmuller ssura avoir guéri une femme à demi morte d’une perte de sang rebelle à tout autre remède par prise de fiente de chien en poudre.
Vers 1624 : Ducheson (sieur de la Violette) recommandait encore des dragées faites de poumon de renard contre toutes les maladies du poumon. Renard, lièvre, loup, hyène seraient pour les gens riches, veau et agneau suffisants pour les pauvres. Certains pensaient encore que les animaux sauvages étaient plus efficaces. Sans doute étaient-ils difficiles à se procurer, ce qui en faisait le ur valeur médicale?
Mme de Sévigné écrivait à sa fille »Melle de la Fayette vient de prendre du bouillon de vipère qui lui donne des forces à vue d’œil » , et d’elle même » j’ai pris 8 gouttes d’essence d’urine de vipère pour mes vapeurs »[93].
Des poudres confectionnées par La Voisin étaint livrées à beaucoup de dames de qualité. Celle qui devait aider Mme de Montespan à conserver l’amour du roi contenait poussière de taupe séchée, sang de chauve-souris.
L’alchimiste David Planis Campy dit l’Edelph (1646) reprît Paracelse en rapportant que : l’eau distillée de sang était admirable contre les affections internes et la pleurésie, l’eau des crabes contre les cancers, l’eau de semence de grenouille contre les brûlures et l’ érysipèle, de la vessie de hareng pour l’expulsion des urines.
« Le sang des animaux bu tout chaud par un homme communique au buveur les façons et les airs de la bête : du sang d’âne, animal pesant et assoupi, tiré près des oreilles guérit les maniaques les plus dangereux, de la râpure de corne de taureau râpée pendant le coït rend les gens vigoureux en amour ou du sang et cerveau d’un moineau tué en même temps.  » [93]
Kirikirius dans son « Art Magnétique » formulait que les parties des animaux conviennent aux mêmes parties que l’homme, par exemple : foie de loup/renard pour les atteintes hépatiques.
Daniel Becker (1622) appliquait le même principe« la belle et divine harmonie qui se trouve entre les parties et par laquelle un membre est propre à soulager le même membre et les mêmes parties, prouve combien il est évident et certain qu’ont peut tirer de très grands remèdes du corps humain, les choses semblables étant conservées par leurs semblables si véritablement que certaines parties des bêtes soulagent et guérissent les mêmes parties du corps de l’homme. »
Le bouillon de grenouilles eut l’honneur en 1791 de conduire à la découverte de la pile électrique. Galvani en préparant un bouillon pour sa femme observa pendant un orage les mouvements électriques des pattes de grenouilles qu’il avait pendues à un balcon de fer. Il chercha alors les loi s du phénomène.
Enfin, en 1798, La Pharmacopée universelle de Léremy [163] signa l’apogée de l’opothérapie.
Inévitablement, avec les progrès de la science, les médecins étaient de plus en plus septiques au sujet des médecines animales, plus bizarres qu’efficaces. Après les abus, vint donc la décadence de l’opothérapie. Les préparations organiques si difficiles à conserver, si répugnantes, aussi bien à l’esprit qu’à l’estomac disparurent. Persistèrent comme remèdes animaux, les cantharides, le castoréum et les yeux d’écrevisse.
Les remèdes animaux furent oubliés pendant un siècle dans le monde médical mais les traditions populaires conservaient l’usage de certains[9]:
– Testicules de taureau difficiles à avoir car très recherchés par les gitans comme stimulant sexuel.
– Le sang artériel bu à l’abattoir pour les anémies, menstruations irrégulières,chlorose.
– Un pigeon ouvert en deux, vivant, placé sur la tête du malade de méningite.
– La thériaque, antipoison courant, utilisant entre autre de la chair de vipère séchée, devint botanique puis chimique avec les progrès rapides de la science.

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