Cadre théorique :
GAR et performance des organismes publics « L’application du concept de management aux administrations est indissociable de la prise en considération de la performance » (Greffe, 1999, p. 451). En effet, depuis le début des années 1990, «la performance organisationnelle est devenue la principale préoccupation du secteur public » (Leclerc, 2001, p. 72). De plus en plus, les appareils d’État sont invités, devant la perte de confiance des citoyens, amplifié par la crise des finances publiques, à hausser le rendement en gérant d’une manière plus parcimonieuse, voire plus efficace (ibid.). Avec l’avènement du nouveau management public dans les années 1980, les principes du management sont introduits dans la sphère publique. Il est considéré par plusieurs auteurs comme l’outil privilégié pour maîtriser, de façon continue, la performance des organisations. Pour Charest (2012), les États adoptent une nouvelle vision orientée vers la recherche de performance. « Cette notion devient centrale en management public » (ibid.).
Un État moderne est donc caractérisé par la qualité des services offerts aux citoyens et l’efficience dans la gestion de son secteur public. Désormais, l’orientation-client devient le principe directeur des pratiques publiques. Cela suppose la recherche de performance optimale, notion qui est étroitement liée à celle de résultats (Mazouz, 2012). Contrairement au Management Par Objectif (MPO) de Peter Drucker12, qui tend à focaliser les énergies sur les activités plutôt que sur les résultats, la gestion par résultat s’intéresse à la vérification permanente des extrants relatifs au fonctionnement général de l’organisation en lien avec les objectifs de chaque unité. En d’autres mots, la GAR s’intéresse davantage aux résultats de l’organisation qu’aux résultats des activités individuelles. Selon Mazouz (2012), «la gestion par résultat place la notion de performance au centre de l’action managériale et organisationnelle ».
Mais que nous révèlent certaines références quant aux notions relatives à la « performance » et aux « résultats ». Selon le Petit Larousse, la « performance s’apparente à la réussite d’un exploit ou d’un résultat obtenu à la suite de l’exécution exceptionnelle d’une tâche, d’un service ou d’un bien », tandis qu’un « résultat est le fruit d’une action, d’un fait, d’un principe ou d’un calcul produit ». Quant aux réformes gouvernementales en cours, elles associent la performance à une gestion axée sur les résultats dont les prévisions et les actions déclarées (planification stratégique) doivent mener à la « transparence », à la « reddition de comptes », à « l’imputabilité » et à la « qualité des services aux citoyens ». «L’objectif de performance dans le secteur public doit être guidé par le souci constant d’une mission à accomplir, d’une crédibilité à préserver et d’objectifs à atteindre» (Leclerc, 2001, p. 77). Récemment, la terminologie de « gestion publique axée sur la performance » s’est implantée en France sous l’impulsion de la LOLF.
D’après la Revue Française des Affaires Sociales, «le besoin de moderniser l’État, en y développant la gestion par la performance, se trouve au coeur de la réforme budgétaire engagée avec la loi organique de 200113». Celle-ci suppose la généralisation d’une démarche visant à expliciter les objectifs de l’action publique et à en évaluer les résultats. Cette pratique de gestion rentre dans le cadre d’une disposition démocratique prévu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La disposition stipule que «tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique et d’en suivre l’emploi14». Plus que jamais, les concepts de GAR et de performance développent une relation indissociable au vue de la complémentarité entre elles. Une bonne GAR est nécessairement orientée vers la recherche de performance optimale. Sur la base de ce contexte théorique, nous essaierons de vérifier si les tenants et les aboutissants d’une bonne GAR peuvent impacter positivement sur la performance dans la gestion d’infrastructures publiques.
Historique et Origines
Les mutations socio-économiques et politiques engendrées par l’avènement de faits historiques majeurs, tels que la crise économique des années 1930 ou encore la seconde Guerre Mondiale (1939-1945), ont fini par contraindre les gouvernements du Monde à adopter des mesures de rationalisation de la dépense publique. Le contexte en cours implique une réaction immédiate des décideurs pour atténuer les effets post crise sur la sphère publique. Le nouveau climat économique mondial et la déstructuration du commerce international au sortir de ces évènements, ont favorisé la propagation de plusieurs idéologies divergentes dans leurs approches de gestion applicables à la sphère publique. C’est au terme d’un long processus de débats idéologiques que s’est bâtit un cadre conceptuel largement accepté et adopté sous divers appellation par de nombreux États. La GAR est entre autres notions, un concept relativement récent qui a émergé de toutes ces réflexions. Elle est la finalité d’une succession de doctrines managériales en perpétuelle mutation, allant des idéologies de l’État providence jusqu’au concept du NMP.
De la Crise Économique de 1929 à l’État-providence La crise économique de 1929, ou la « Grande dépression », a littéralement déstructurée le commerce mondial et l’économie de plusieurs pays occidentaux. Sur les dix années qui ont suivies sa naissance, les problèmes sociaux ont atteints des niveaux record ; le niveau de l’emploi a considérablement baissé et la pauvreté s’est accentuée touchant toutes les classes sociales. L’exemple Canadien fait état d’un niveau de chômage qui atteint les 30% de la population active ; au même moment, le gouvernement subventionne l’accès aux besoins vitaux de première nécessité pour 20% de la population15. Le commerce mondial connait une baisse de 25% en volume et de 60% en valeur16. La baisse des échanges s’accentue avec l’adoption de politiques autarciques par les différents pays. Un tel contexte préconise l’intervention de l’autorité publique comme la solution adéquate pour résorber le déficit économique et assurer la redistribution des richesses créées, de façon à faire face aux problèmes sociaux. En Europe, les États ont opté pour des mesures protectionnistes visant à protéger l’économie. Entre autres mesures, la déflation a été appliquée et l’institution de barrières douanières est établit entre les frontières. John Maynard Keynes, économiste anglais, est le précurseur de toutes ces mesures interventionnistes des États dans l’économie. Selon l’auteur, la mainmise de l’autorité publique dans l’espace économique est indispensable à une activité dynamique et soutenue, que seul le marché ne pourrait assurer. Cette idéologie est inspirée de ses écrits dans son célèbre ouvrage «Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie» (1936).
Pour Keynes, la régulation de l’activité économique ne peut être assurée par le marché à lui tout seul : « Les marchés étant ni purs ni parfait », affirme-t-il. Il est donc impératif de créer les conditions de stimulation nécessaires pour arriver à un niveau de rendement optimal des facteurs de production. Les keynésiens considèrent l’intervention de l’État dans le domaine économique comme essentiel ; notamment en ce qui concerne l’élaboration de politiques de relance en cette période de crise. Cette idéologie apporte la critique à la théorie de la main invisible d’Adam Smith. Cette main invisible qui régule l’offre et la demande dans le marché est incapable de régler le problème du chômage et de la croissance, selon les keynésiens. Les prérogatives de l’État ne se limitent plus à la simple fonction de garant du respect des règles et procédures et de financement de projets publics de grande envergure. L’analyse keynésienne propose d’étendre le rôle de l’État au-delà des simples fonctions régaliennes telles que déclinées par Smith (armée, justice, police). L’État gendarme n’existe plus. Le modèle américain17 durant cette période de crise illustre concrètement la théorie de Keynes. En effet, le gouvernement américain opte pour des mesures de subvention des activités agricoles pour éviter les tensions sociales qui pourraient naitre suite à l’arrêt des importations des pays européens. Le gouvernement intervient également dans la lutte contre le chômage en proposant aux États fédéraux des prêts à titre de subventions. En multipliant les travaux publics, la main d’oeuvre nécessaire à la réalisation augmente et donc le niveau de l’emploi aussi.
A la fin des années 1930, un nouveau climat socio-économique et politique s’installe dans le Monde après le déclenchement de la seconde Guerre Mondiale en 1939. Les activités post crise du vieux continent, jusque-là régulées par l’interventionnisme croissant de l’État, traversent une nouvelle crise sans précèdent. Théâtre de la guerre, l’Europe plonge dans une anarchie totale. Les échanges commerciaux sont rompus et les biens de consommation se font plus rares. La nouvelle problématique qui est servie aux gouvernements au sortir de cette guerre en 1945, est de trouver les voies et moyens pour reconstruire le continent et rétablir une activité économique complètement déstructurée par les effets de la guerre. L’intervention des États Unis dans ce processus offre aux pays touchés un nouveau souffle qui leur permet un retour vers une certaine stabilité économique. En effet, le « Plan Marshall18 » ou plan de rétablissement européen est proposé aux différents États par le secrétaire d’État américain George C. Marshall en 1947. Le principe repose sur un programme de prêts accordés aux différents États engagés dans le processus de reconstruction. La principale contrepartie étant l’utilisation exclusive de produits américains. L’Europe connait ainsi une nouvelle période de croissance qui va s’étendre sur trois décennies. D’où le terme « les Trente glorieuses » de l’économiste Français Jean Fourastié dans sa publication « Les trente glorieuses, ou la Révolution Invisible de 1946 à 1975 », paru en 1979. Cette période est marquée par une importante croissance économique, le plein emploi qui influe positivement sur le pouvoir d’achat et le niveau de la consommation.
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