Les grandes lignes du système fiscal suisse
Généralités
Par système fiscal, la science financière entend l’ensemble des impôts perçus dans un pays, même s’ils n’ont pas de rapport entre eux. La théorie fait la distinction entre un système fiscal traditionnel ou historique et un système fiscal rationnel ou théorique, selon qu’il a été développé au cours du temps, plus par hasard que de manière planifiée, ou bien au contraire aménagé intentionnellement, sur la base de connaissances scientifiques. Selon cette doctrine, le système fiscal suisse a un caractère historique. Il reflète la structure fédéraliste de la Confédération. Ainsi, chacun des 26 cantons dispose de sa propre loi fiscale et impose de manière très différente le revenu, la fortune, les successions, les gains en capital, les gains immobiliers ainsi que d’autres objets fiscaux. Quant aux quelque 2250 communes, elles peuvent soit percevoir des impôts communaux comme bon leur semble, soit prélever des suppléments (système dit des «centimes additionnels») par rapport aux barèmes cantonaux de base resp. de l’impôt cantonal dû. Par ailleurs, la Confédération impose également le revenu. Toutefois, ses rentrées fiscales proviennent en grande partie d’autres sources comme avant tout la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ainsi que les droits de timbre, les droits de douane et les impôts de consommation spéciaux.
Développement du système fiscal
A l’époque de la République helvétique (1798–1803), la Suisse connut son unique système fiscal unifié. A vrai dire, celui-ci n’existait en partie que sur le papier et n’a jamais pu être appliqué dans sa totalité. Après la chute de la République helvétique et le retour à une Confédération d’États, les cantons retrouvèrent leur autonomie fiscale et leurs systèmes fiscaux se développèrent de manière assez indépendante. Cela entraîna une grande diversité, tant dans la conception des systèmes que dans l’aménagement des divers impôts. Ainsi, alors que quelques cantons revinrent aux impôts indirects1 d’avant la Révolution française, notamment aux impôts de consommation (droits de douane, péages etc.), les autres conservèrent les impôts issus de la République helvétique qui leur convenaient, notamment l’impôt sur la fortune. Ce système fut profondément modifié lors de la fondation de l’État fédéral en 1848. La souveraineté douanière passa entièrement à la Confédération et les cantons se virent contraints – afin de compenser la perte des droits de douane – de tirer leurs principales recettes fiscales des impôts sur la fortune et le revenu. Ainsi, au cours du 19ème siècle, les impôts directs – en particulier l’impôt sur la fortune – acquirent peu à peu une place dominante dans les systèmes fiscaux cantonaux, alors que les impôts indirects devenaient insignifiants. Ceux-ci constituèrent en revanche, sous forme de droits de douane, l’épine dorsale des finances de la Confédération. Cette répartition des sources fiscales demeura inchangée jusqu’en 1915. Il était cependant déjà évident que l’impôt sur la fortune n’était pas assez flexible pour satisfaire les besoins financiers croissants des cantons. Le système fiscal de la Confédération était lui aussi arrivé à la limite de sa capacité et ne pouvait pas être mis davantage à contribution. Suite à la Première Guerre mondiale et à ses conséquences financières, la Confédération et les cantons se virent contraints de modifier profondément leurs législations et leurs systèmes fiscaux. Auparavant, les droits de douanes suffisaient à couvrir les dépenses de la Confédération, mais à la fin de la guerre vinrent s’ajouter les droits de timbre. Il fallut en outre notamment abandonner le principe politique qui s’était développé au cours du temps, selon lequel les impôts directs devraient revenir aux cantons et les impôts indirects à la Confédération.Le niveau élevé des frais inhérents à la défense nationale obligea en effet la Confédération à percevoir également des impôts directs. Ce qu’elle a fait depuis lors – sauf en 1933 – et continue toujours de faire, provisoirement jusqu’à fin 2020. L’introduction d’autres impôts fédéraux fut toujours motivée par la situation des finances fédérales. Ci-dessous un tableau sur l’introduction des divers impôts fédéraux, de droits de douane et autres contributions.
La durée des divers impôts fédéraux
Grâce à ces recettes supplémentaires, la Confédération est parvenue à ramener son endettement datant de l’époque des deux conflits mondiaux à un niveau supportable. Cependant, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouvelles tâches lui ont été constamment assignées, de sorte que depuis l’après-guerre, ses dépenses ont augmenté dans une mesure telle qu’un retour au système fiscal antérieur n’est plus imaginable. C’est la raison pour laquelle la Confédération continue pour l’essentiel de percevoir les impôts fédéraux introduits pendant les années de guerre. Au début de son existence, de 1941 à 1958, l’impôt fédéral direct (IFD), alors appelé «impôt pour la défense nationale», était composé d’un impôt sur le revenu et d’un impôt complémentaire sur la fortune. En 1959, l’imposition de la fortune des personnes physiques fut abolie et l’impôt sur le capital des personnes morales subit le même sort en 1998. Depuis lors, l’IFD frappe uniquement le revenu des personnes physiques et le bénéfice des personnes morales. Contrairement à la Confédération qui introduisit une série de nouveaux impôts, les cantons se contentèrent en grande majorité des impôts déjà existants. Au début, l’impôt le plus important perçu par les cantons était l’impôt sur la fortune; ce n’est en effet qu’à titre de complément qu’ils imposaient le revenu du travail. Du système fondé sur l’imposition traditionnelle de la fortune avec un impôt d’appoint sur le produit du travail, les cantons passèrent ensuite progressivement au système de l’impôt général sur le revenu avec un impôt complémentaire sur la fortune. Le canton de BS fut le premier, au 19ème siècle déjà, à procéder à ce changement. L’impôt sur la fortune fut allégé tandis que l’impôt sur le revenu fut augmenté. Jusqu’en 1945, dix autres cantons suivirent cet exemple. Dernier canton à le faire, GL adopta le nouveau système en 1970. Il est intéressant de signaler le cas du canton de SZ. Jusqu’en 1936, celui-ci n’a prélevé qu’un impôt sur la fortune, l’impôt sur le produit du travail ayant été introduit cette année-là. A l’origine, ces impôts étaient proportionnels. Avec le temps, la méthode de l’impôt progressif s’est imposée et des déductions sociales furent introduites par égard aux contribuables de condition modeste et aux familles.