Les globines intracellulaires non circulantes (ou Myoglobines)

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Les globines de l’arbre universel du vivant.

Deux types structuraux de globines : les globin-fold 3/3 et 2/2.

Les premières structures tridimensionnelles des hémoglobines et des myoglobines, obtenues à partir de protéines cristallisées de vertébrés, ont présenté une structure appelée « trois-sur-trois » (ou 3/3), c’est-à-dire trois hélices faisant face à trois autres (Figure 6) (Kendrew et al. 1960; Perutz 1960).
Figure 6 : Structure 3D de la myoglobine humaine (PDB 2MM1) avec le repliement « trois-sur-trois ». Les hélices A, E et F en rouge font face aux trois autres hélices B, G et H en vert. L’hème au premier plan, est placé entre les hélices E et F.
Cette structure était considérée comme universelle chez les globines jusqu’à la découverte d’une autre catégorie de globines présentes chez les bactéries, les plantes et les eucaryotes unicellulaires (Wittenberg et al. 2002; Milani et al. 2005), appelées « hémoglobines tronquées » en raison de leur structure primaire, plus courte de 20 à 40 acides aminés. Elles présentent une structure tertiaire différente dite «deux-sur-deux » (ou 2/2), où l’hélice A est plus courte, de même que la région inter-hélice CE, et où la plus grande partie de l’hélice F forme une boucle (Figure 7) (Pesce et al. 2000; Milani et al. 2001; Milani et al. 2003).
Figure 7 : Structure 3D de la globine de Thermobifida fusca (PDB 2BMM) avec le repliement « deux-sur-deux». Les hélices B et E en rouge font face aux deux autres hélices G et H en vert. L’hème au premier plan, est placé entre les hélices E et F.
D’autres protéines particulières, telles que les flavohémoglobines ou les capteurs sensitifs de type globine sont rencontrées dans certains organismes : ce sont des globines chimériques qui possèdent un domaine additionnel au globin-fold. Les phylogénies moléculaires récentes, réalisées à partir d’alignements multiples des domaines globin-fold des globines des trois grands domaines du vivant révèlent l’existence de trois lignées de globines distinctes : d’une part les globines 2/2, et d’autre part, deux lignées de globines au sein des globines 3/3 (Figure 8) (Vinogradov et al. 2005).
Figure 8 : Arbre phylogénétique présentant les groupes majeurs de globines au sein des trois domaines du vivant. D’après Vinogradov et al. 2005 (Vinogradov et al. 2005).

Les globines « deux-sur-deux ».

Les globines 2/2 sont trouvées chez les plantes, les bactéries et les eucaryotes unicellulaires (Wittenberg et al. 2002; Milani et al. 2005). A ce jour, aucune Hb 2/2 n’a été identifiée chez les métazoaires. Au sein de cette lignée de Hb 2/2, trois sous familles ont été décrites : les 2/2 Hb1 (ou HbN), les 2/2 Hb2 (ou HbO) et les 2/2 Hb3. Ces trois groupes diffèrent majoritairement par la composition en acides aminés du site de liaison de l’hème, et par les modalités d’accession à l’hème par les ligands (Wittenberg et al. 2002; Lecomte, Vuletich and Lesk 2005).
La co-expression des trois types de globines de type 2/2 chez Mycobacterium avium (Gram–positive) et Methylococcus capsulatus (proteobactérie) indiquerait que ces trois lignées d’Hb 2/2 ont divergé de leur ancêtre commun avant la séparation des lignées majeures des Bacteria (Wittenberg et al. 2002).
A ce jour, rien n’est connu sur les fonctions des 2/2 Hb3, ni des 2/2 Hb chez les plantes (Watts et al. 2001). Des études ont montré que les 2/2 Hb1 interviendraient dans la détoxification du monoxyde d’azote (NO) chez les bactéries pathogènes Mycobacterium bovis et M. tuberculosis, en réponse aux émissions radicalaires de NO par les macrophages de l’hôte lors des processus de défense anti-pathogènes (Ouellet et al. 2002; Pathania et al. 2002a). Les 2/2 Hb2 seraient plutôt exprimées en association avec les membranes cellulaires et stimuleraient significativement la respiration cellulaire, ce qui suggère une interaction avec la chaîne de transport des électrons (Mukai et al. 2002; Pathania et al. 2002b).

Les globines « trois-sur-trois ».

Les phylogénies moléculaires suggèrent l’existence de deux grandes familles au sein de ce groupe de Hb 3/3 : d’un côté les protoglobines (Pgb) et les capteurs sensitifs de type globine (Globin-coupled sensors ou GCS), et de l’autre, toutes les autres 3/3 Hbs, regroupant les globines Mono-Domaines (Single-domaine globins ou SDgbs), les flavohémoglobines (FHbs) ainsi que les globines 3/3 de métozoaires (Vinogradov et al. 2005).

Les protoglobines et les capteurs sensitifs de type globine.

Les capteurs sensitifs de type globine (GCS) ont été récemment découverts au sein des domaines Bacteria et Archaea (Hou et al. 2001a; Hou et al. 2001b; Freitas, Hou and Alam 2003). Ces protéines chimériques sont caractérisées par la présence dans leur partie N-terminale, d’un domaine de type globin-fold, et dans leur partie C-terminale, d’un domaine de signalisation cellulaire (Figure 9) (Freitas, Hou and Alam 2003).
Figure 9 : A- Représentation schématique d’une GCS. D’après Hou et al. (Hou et al. 2001b). B-C-Représentation 3D de la myoglobine de cachalot (B) et du domaine globine de la GCS de Bacillus subtilis (C). D’après Zhang et al. (Zhang and Phillips 2003).
Chez l’Archaea Halobacterium salinarum, la partie C-terminale de ces GCS correspond au domaine de signalisation des MCP (Methyl-accepting Chemotaxis Protein). Les MCP, trouvées chez les Bacteria ou les Archaea, sont des protéines chimioréceptrices transmembranaires capables à la fois de lier divers ligands (ou de réagir à divers stimuli), et d’interagir avec des voies de signalisation intracellulaires (Bourret and Stock 2002). En fonction du stimulus reçu, ces protéines vont produire un signal excitateur permettant la modification de la mobilité de l’organisme (Bibikov et al. 2004).
Au sein des GCS, la fixation de l’oxygène sur l’hème conduit à un changement structural qui modifie l’activité du domaine MCP impliqué dans des voies de signalisation cellulaires. Ce chimiotactisme permet aux bactéries de s’orienter en fonction de la concentration en oxygène dans l’environnement (Hou et al. 2000). Les travaux réalisés sur d’autres GCS ont permis de mettre en évidence différentes fonctions pour ces globines, notamment la régulation de transcription de gène, soit par une interaction directe avec l’ADN, soit en régulant les seconds messagers soit en interagissant directement avec un facteur de transcription (Freitas, Hou and Alam 2003; Freitas et al. 2004; Freitas et al. 2005; Gilles-Gonzalez and Gonzalez 2005).
Des protoglobines (Pgbs) ont été décrites chez les Archaea Aeropyrum pernix et Methanosarcina acetivorans (Freitas et al. 2004). Elles possèdent la capacité de lier l’oxygène, le monoxyde de carbone et le monoxyde d’azote. Les auteurs ont réalisé un modèle 3D de Pgbs en se basant sur la structure cristallographique du domaine globine de la GCS de Bacillus subtilis (Zhang and Phillips 2003). Ce modèle leur a permis de mettre en évidence que l’hème était lié de façon covalente à la globine, et que la tyrosine B10 était orientée de façon parallèle à l’hème et non vers le ligand (Figure 10). Ceci aurait pour conséquence de diminuer la capacité de ces Pgbs à lier l’oxygène et suggèrerait que les Pgbs seraient des prototypes des hémoglobines contemporaines (Freitas et al. 2004).
Figure 10 : Modèle 3D de la Pgb de Aeropyrum pernix. L’histidine proximale est représentée en noir et vert, l’hème en rouge. La présence d’un pont disulfure intra-chaîne (en jaune) est indiquée par une flèche. L’hélice précédant l’hélice A est note Z. D’après Freitas et al. (Freitas et al. 2004).

Les autres Hbs 3/3.

Les Flavohémoglobines.

Les flavohémoglobines (FHbs) sont des protéines chimériques comprenant un domaine N-terminal de type globin-fold, et un domaine C-terminal Flavin Adenine Dinucléotide (FAD) réductase, trouvées chez les bactéries et les levures (Figure 11) (Keilin 1953; Keilin and Ryley 1953; Oshino, Oshino and Chance 1973; Wu, Wainwright and Poole 2003).
Figure 11 : Représentation 3D de la FHb de Alcaligenes Eutrophus (PDB 1CQX). Le domaine N-terminal en globin-fold est représenté en violet. Le domaine C-terminal à flavine est représenté en vert et orange, avec en son centre, le groupement FAD.
Diverses fonctions ont été proposées pour les FHbs bactériennes, en se basant notamment sur leur transcription en réponse soit à une limitation en oxygène soit à un stress oxydatif ou nitrosatif (Poole and Hughes 2000; Farres et al. 2005; Poole 2005). En condition aérobie et en présence de NADH, les FHbs ont une activité nitrique oxyde dioxygénase (ou NOD) qui catalyse l’oxydation des ions radicalaires du NO en nitrate (NO3) (Gardner, Costantino and Salzman 1998; Gardner et al. 1998; Gardner 2005), alors qu’en condition anaérobie, les FHbs possèdent plutôt une activité NO réductase, générant des acides nitreux (N2O) (Poole et al. 1997; Farres et al. 2005; Poole 2005). Les FHbs d’organismes pathogènes tels que les bactéries Erwinia chrysanthemi (Boccara et al. 2005) et Salmonella enterica (Stevanin et al. 2002), et les levures Candida albicans (Ullmann et al. 2004) et Cryptococcus neoformans (de Jesus-Berrios et al. 2003), en interceptant le NO produit par l’hôte, vont permettre l’atténuation de la réaction d’hypersensibilité de l’hôte pendant l’infection. Chez la bactérie Gram-négative Alcaligenes eutrophus, la FHb est impliquée dans la diminution de la concentration en NO grâce à son activité de dénitrification qui produit du N2O (Cramm, Siddiqui and Friedrich 1994).
La similarité structurale des sites actifs des domaines globin-fold des FHbs et des péroxidases suggère une autre activité pour les FHbs (Ermler et al. 1995; Ilari et al. 2002). Néanmoins, aucune activité peroxydase ni mono-oxygénase n’a été expérimentalement démontrée pour les FHbs (Bonamore et al. 2003a). Récemment, Bonamore et collaborateurs ont suggéré que la FHb de Escherichia coli (HMP) possédait une activité alkylhydroperoxyde réductase, catalysant ainsi la réduction des hydropéroxydes de lipides membranaires et permettant la réparation des membranes phospholipidiques suite à un stress oxydatif et/ou nitrosatif (Bonamore et al. 2003a; Bonamore et al. 2003b; D’Angelo et al. 2004).

Les globines Mono-domaines.

Les globines Mono-domaines (Single-domain globins ou SDgbs) sont très proches des FHbs. En effet, leurs séquences s’alignent parfaitement avec le domaine N-terminal globin-fold des FHbs (Frey and Kallio 2003; Wu, Wainwright and Poole 2003). A l’heure actuelle, très peu de SDgbs ont été mises en évidence : elles ont été décrites chez les bactéries Vitreoscilla stercorari, sous le terme de Vhb (Figure 12) (Wakabayashi, Matsubara and Webster 1986), ainsi que chez Campylobacter jejuni et Campylobacter coli (Elvers et al. 2004).
Les fonctions des SDgbs semblent similaires à celles des FHbs. Chez la bactérie aérobie Gram-négative Vitreoscilla stercorari, la Vhb semble impliquée dans la fixation et le transport de l’oxygène et/ou sa réduction en eau, puisque (i) que son expression est augmentée quand la bactérie est soumise à des conditions hypoxiques et (ii) la Vgb se lie à la sous-unité I du cytchrome b ubiquinol oxydase, où l’oxygène est réduit en eau (Figure 13) (Park et al. 2002).
Chez les bactéries Campylobacter jejuni et Campylobacter coli, les SDgbs ne semblent pas être induites par une limitation de la concentration en oxygène dans le milieu ni intervenir dans la protection contre les ions superoxydes ou peroxydes, mais plutôt jouer un rôle clé dans la détoxification du NO et composés dérivés (Elvers et al. 2004).

Les globines Symbiotiques et Non Symbiotiques de plantes.

Des globines ont été tout d’abord décrites dans les plantes légumineuses (telles que le lupin, Lupinus luteus ou le soja, Glycine max), capables d’utiliser l’azote atmosphérique comme source d’azote pour leur croissance grâce à leur association symbiotique avec les bactéries du genre rhizobium qui fixent cet azote atmosphérique. Ces bactéries sont trouvées dans un organe appelé nodosité symbiotique, et sont appelées bactéroïdes. Les globines symbiotiques (SHbs) sont exprimées en forte concentration dans les nodules de ces plantes, où elles ont deux fonctions : faciliter la diffusion de l’oxygène jusqu’aux bactéroïdes (Appleby 1992) et maintenir une faible concentration en oxygène indispensable pour la fixation efficace de l’azote sur les nitrogénases bactériennes sensibles à l’oxygène (Ott et al. 2005).
D’autres globines ont été identifiées chez des plantes non-symbiotiques (Arabidopsis thaliana ou Casuarina glauca). L’expression de ces globines non-symbiotiques (NsHbs) est augmentée au sein de la cellule en réponse à différents stimuli environnementaux (Trevaskis et al. 1997), telles que de faibles concentrations en oxygène (Kundu, Trent and Hargrove 2003) ou une augmentation de la concentration en sucrose (alpha-D-glucopyranosyl-beta-D-fructofuranoside) (Hunt et al. 2001). Des travaux récents ont mis en évidence le rôle des NsHbs dans des voies métaboliques impliquant le monoxyde d’azote (NO), fournissant ainsi un type de respiration alternatif à la chaîne de transport des électrons en conditions hypoxiques (Igamberdiev et al. 2005).

Les Neuroglobines.

Les Ngbs ont reçu leur nom en accord avec leur expression prédominante dans le tissu nerveux (Burmester et al. 2000). La structure cristallographique de la Ngb humaine révèle la structure caractéristique en « globin-fold » et la présence d’une cavité au sein de la protéine n’existant chez aucune autre globine, et qui pourrait influencer la diffusion du ligand au sein de la molécule (Figure 15) (Pesce et al. 2003).
Une fonction de liaison et de transport de l’oxygène, même si elle n’a pas encore été clairement démontrée, est fortement envisagée. On pense que des cellules métaboliquement actives et demandeuses de grande quantité d’oxygène, comme les neurones, peuvent exprimer une protéine spécialisée qui participerait au maintien du métabolisme aérobie en stockant l’oxygène, et ceci même en conditions d’hypoxie aigue (Burmester et al. 2000; Hankeln et al. 2005). Dans le cas de cellules photoréceptrices de rétines de vertébrés exprimant également des neuroglobines, une relation a été mise en évidence entre le taux d’expression des Ngbs et l’activité métabolique de ces cellules: la localisation cellulaire des Ngbs correspond parfaitement avec les zones de consommation maximale d’oxygène (Schmidt et al. 2003).
Par ailleurs, l’effet neuroprotecteur des Ngbs en cas d’ischémie et de reperfusion des tissus cérébraux laisse supposer que ces protéines pourraient agir comme fixateur des espèces réactives de l’oxygène (ROS) ainsi que des dérivés nitrogénés (Sun et al. 2001; Sun et al. 2003; Fago et al. 2004).
Des globines sont exprimées dans le tissu nerveux chez des annélides (Aphrodite aculeata) (Dewilde et al. 1996), des mollusques (Tellina alternata) et nématodes (Geuens et al. 2004). Chez les mollusques, les Ngbs joueraient un rôle significatif dans le maintien de l’activité neuronale en cas de stress hypoxique (Kraus and Colacino 1986).

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Les Cytoglobines.

Les cytoglobines (Cygbs) sont exprimées dans tous les tissus de mammifères (Kawada et al. 2001; Burmester et al. 2002; Trent and Hargrove 2002). Elles possèdent environ 190 acides aminés, présentant ainsi une vingtaine d’acides aminés supplémentaires aux deux extrémités N et C-terminales, par rapport aux Hbs 3/3 d’environ 150 acides aminés. Ces extensions pourraient intervenir dans des interactions protéine-protéine particulières (Hankeln et al. 2005).
Les Cygbs ont tout d’abord été décrites comme des protéines fortement exprimées dans les cellules étoilées hépatiques de type fibroblaste, activées à la suite d’une fibrose du foie (Kawada et al. 2001). Par ailleurs, des travaux montrent que les Cygbs sont aussi exprimées dans les cellules étoilées des tissus fibreux du pancréas lors d’une pancréatite et dans les cellules de type fibroblaste des régions nécrotiques du rein après une néphropathie chronique suite à un jeûne prolongé (Kawada et al. 2001; Nakatani et al. 2004). Ces résultats suggèrent que la fonction majeure des Cygbs s’exerce au sein des fibroblastes de différents organes. Ces cellules sont connues non pas pour avoir un métabolisme important, mais plutôt pour permettre la production massive de protéines de matrice extracellulaire, telle que le collagène. Or, la synthèse de collagène est consommatrice d’oxygène au moment de l’hydroxylation des résidus prolines par les prolyl-hydroxylases. De plus, (i) l’expression des Cygbs -comme le collagène- est augmentée en cas d’hypoxie (Schmidt et al. 2004) et (ii) une surexpression de Cygb entraîne une synthèse de collagène (Nakatani et al. 2004). Tout ceci laisse supposer que les Cygbs soit sont directement impliquées dans l’approvisionnement en oxygène des prolyl-hydroxylases, soit participent à une voie métabolique inconnue qui aboutirait à l’augmentation de la synthèse de collagène (Hankeln et al. 2005). Enfin, les Cygbs ont été identifiées dans le noyau de certaines cellules de vertébrés, où elles pourraient être impliquées dans l’interaction avec d’autres protéines jouant un rôle dans la régulation de la transcription suite à un stimulus (Geuens et al. 2003).

Les Globines X.

Un nouveau type de globine a récemment été décrit chez les poissons et les amphibiens, et n’a pour l’instant pas été identifié chez les amniotes (Roesner et al. 2005). Des travaux préliminaires ont montré que les globines X (GbX) sont exprimées dans beaucoup de tissus (muscles, cœur, rein, foie, rate, branchies et intestin), mais pas dans le cerveau ni dans les yeux (Roesner et al. 2005). Les fonctions possibles des GbX sont pour l’instant toujours inconnues.

Conclusion.

L’accumulation des séquences issues de la génomique a permis la découverte de nouveaux types de globines, et ceci dans des organismes où leur présence n’était pas soupçonnée, tels que chez l’arthropode Drosophila melanogaster (Burmester and Hankeln 1999), le nématode Caenorhabditis elegans (Hoogewijs et al. 2004) ou l’urochordé Ciona intestinalis (Ebner, Burmester and Hankeln 2003). La figure 16 résume les fonctions connues à l’heure actuelle pour les globines intracellulaires circulantes et non circulantes.
La structure des hémoglobines extracellullaires d’Annélides ainsi que leurs fonctions seront développées dans le chapitre suivant.
(a) Rôle dans la liaison, le stockage et/ou la diffusion de l’oxygène vers les mitochondries.
(b) Rôle chimiotactile, ou implication dans des voies de signalisation intracellulaires.
(c) Rôle de terminale oxydases, permettant la régénération de NAD+ pour faciliter la glycolyse et augmenter la production d’ATP en conditions d’hypoxie.
(d) Rôle dans la détoxification par liaison des espèces réactives de l’oxygène ou de l’azote.
(e) Rôle de nitrate dioxygénase, permettant la conversion des excès de monoxyde d’azote (NO) en nitrate.
(f) Rôle dans l’apport direct de molécules de O2 aux enzymes cytoplasmiques nécessitant du O2 pour les réactions chimiques qu’elles catalysent.

Evolution des globines au sein de l’arbre universel du vivant.

Structure des gènes codant pour les globines.

Historiquement, l’accès aux séquences nucléotidiques et particulièrement à l’ADN génomique des organismes, a permis de mettre en évidence la structure « en mosaïque » des gènes eucaryotes. Ceux-ci sont composés de séquences non codantes (introns) insérées entre les séquences codantes (exons) (Breathnach, Mandel and Chambon 1977; Jeffreys and Flavell 1977). Ces découvertes amenèrent de nombreuses questions, notamment celle de savoir quel pouvait être le rôle de ces séquences introniques ou quelle était la relation existant entre la structure du gène, les domaines fonctionnels et la fonction de la protéine (Craik, Buchman and Beychok 1980). La structure des gènes codant pour les globines de vertébrés fut d’abord décrite : ils présentaient une structure de 3 exons/ 2 introns, les positions d’introns correspondant à des insertions au niveau des hélices B et G de la protéine. Ces gènes servirent de modèle pour tester l’hypothèse selon laquelle les exons correspondaient à des domaines fonctionnels de la protéine (Gilbert 1978). Plusieurs études permirent par la suite de déterminer que la séquence peptidique correspondant au seul exon central des gènes des globines (c’est-à-dire le domaine de fixation de l’hème) n’était pas suffisante pour assurer la fonction de liaison à l’oxygène (Craik, Buchman and Beychok 1980; Craik, Buchman and Beychok 1981), remettant ainsi en question l’hypothèse d’une correspondance stricte entre un exon et un domaine fonctionnel.
La présence et la position des introns furent aussi utilisées pour comprendre l’émergence et l’évolution des gènes de globines (Figure 17). Les hypothèses portant sur l’origine des introns amenèrent à l’élaboration de plusieurs théories contradictoires : la théorie « intron-early » (Gilbert 1987; Roy 2003), selon laquelle les premiers introns auraient servi à la mise en place des premiers gènes, la théorie « intron-late » (Palmer and Logsdon 1991; Kersanach et al. 1994), selon laquelle les introns auraient « été rajoutés » au cours de l’évolution pour scinder les gènes contigus originaux, et une théorie plus récente qui suggère qu’une partie des introns étaient déjà présente dans l’ancêtre commun primitif, alors que d’autre introns on été ajouté au cours de l’évolution, accordant ainsi les deux premières théories (De Souza et al. 1998).
A la suite de ses travaux sur la relation possible entre les exons et les unités structurales de l’hémoglobine, Go suggéra que l’exon central devait être le résultat de la fusion de deux exons à la suite de la perte d’un intron (Go 1981). Cette hypothèse fut confirmée par la découverte dans les gènes codant pour les globines de plantes, d’un troisième intron central, correspondant à une insertion au niveau de l’hélice E (Jensen et al. 1981; Andersson et al. 1996). Par la suite, la présence des deux introns correspondant aux positions conservées dans les hélices B et G fut décrite dans de nombreux gènes de globines trouvées dans des espèces appartenant à différentes lignées évolutives. La mise en évidence de ces deux introns ainsi que d’un troisième intron central, en position différente de celui trouvé chez les plantes, dans le gène de globine des nématodes Pseudoterranova et Ascaris suum (Dixon and Pohajdak 1992; Sherman et al. 1992), suggéra l’existence d’un ancêtre commun, présentant une structure 4 exons/ 3 introns, aux gènes codant pour les globines de plantes et d’animaux (Figure 18) (Hardison 1996).

Ubiquité des globines au sein de l’arbre universel.

Les globines au sens large regroupent toutes les globines appartenant aux deux grands groupes décrits précédemment, c’est-à-dire les Hbs 2/2 et les Hbs 3/3. L’existence de globines bien que structuralement et fonctionnellement différentes au sein des trois grands domaines du vivant suggère que ces protéines ont évolué à partir d’un ancêtre commun, qui possédait un domaine de type « globin-fold » et qui aurait pu agir comme protéine redox (Moens et al. 1996; Vinogradov et al. 2005). En se basant sur les similarités de séquences entre les globines et les cytochromes b2 et b5, Runnegar a émis l’hypothèse que ces protéines auraient pu évoluer à partir d’un précurseur de cytochrome b-like (Runnegar 1984). La découverte récente des globines 2/2 a relancé le débat sur l’histoire évolutive et l’origine de la superfamille des globines.
Les globines 2/2 et 3/3 sont toutes les deux retrouvées au sein des trois grands domaines du vivant (Vinogradov et al. 2005). Les informations connues à l’heure actuelle ne permettent pas de savoir quelle structure, entre celle des globines 2/2 et celle des globines 3/3, est la plus ancestrale.
La figure 19 illustre l’émergence des différentes lignées de globines au sein des Archaea, Bacteria et Eucaryota.
Pour expliquer l’émergence des FHbs et des GCS, deux événements indépendants ont du avoir lieu, impliquant la fusion de gènes codant pour une SDgbs-like – possédant un structure 3/3 – avec des gènes codant pour des protéines enzymatiques : d’une part des précurseurs des domaines FAD pour les FHbs, et d’autre part des précurseurs des domaines de signalisation intracellulaire actuels pour les GCS (Vinogradov et al. 2005).
On estime que la divergence entre les Archaea et les Eucaryota s’est produite il y a 4 milliards d’années, et celle entre les Eucaryota et les Bacteria il y a 2.7 milliards d’années (Hedges 2002). La présence respective des FHbs chez les Bacteria et Eucaryota et des GCS chez les Archaea et Bacteria suggère que ces recombinaisons génétiques ont eu lieu avant l’émergence de ces trois domaines : Archaea, Bacteria et Eucaryota. Par conséquent, les GCS et Pgbs doivent avoir été perdues chez les Eucaryota, de même que les FHbs et Sdgbs chez les Archaea (Vinogradov et al. 2005).

Table des matières

Chapitre 1 : Introduction générale : les globines et autres « pigments respiratoires »
I Les globines et la phylogénie moléculaire
A- Les trois domaines du vivant et les globines
B- La famille multigénique des globines
II Hémocyanines, hémérythrines et globines ne sont pas que des pigments respiratoires transporteurs de O2
A- Les hémocyanines
B- Les hémérythrines et myohémérythrines
C- Les globines
III Les globines de l’arbre universel du vivant
A- Deux types structuraux de globines : les globin-fold 3/3 et 2/2
B- Les globines « deux-sur-deux »
C- Les globines « trois-sur-trois »
1) Les protoglobines et les capteurs sensitifs de type globine
2) Les autres 3/3 Hbs
a) Les Flavohémoglobines
b) Les globines Mono-domaines
c) Les globines Symbiotiques et Non Symbiotiques de plantes
d) Les Neuroglobines
e) Les Cytoglobines
f) Les Globines
D- Conclusion
IV Evolution des globines au sein de l’arbre universel du vivant
A- Structure des gènes codant pour les globines
B- Ubiquité des globines au sein de l’arbre universel
V Conclusion : la globine, quelle(s) fonction(s) ancestrale(s) ?
Chapitre 2 : Les globines d’annélides
I Les globines intracellulaires
A- Les globines intracellulaires non circulantes (ou Myoglobines)
B- Les globines intracellulaires circulantes
II Les globines extracellulaires
A- Présentation générale
B- Structure et composition des HBL-Hbs
C- Les globines des HBL-Hbs
1) Caractéristiques
a) Ponts disulfures intra-chaînes
b) Peptides signaux
2) Evolution des familles multigéniques des globines extracellulaires
a) La famille multigénique
b) Structure des gènes : positions des introns
3) Cystéines libres et fixation de l’hydrogène sulfuré
D- Les chaînes de structure ou Linkers
1) Les modules LDL-A
2) Structure des gènes de linkers
3) Activité superoxyde-dismutase
Chapitre 3 : Introduction à la caractérisation des gènes codant pour l’hémoglobine extracellulaire de Arenicola marina
I Contexte de l’étude
A- Les substituts sanguins
B- Les différentes voies de recherche
C- Les premiers résultats sur les HBL-Hbs de L. terrestris et A. marina
II Introduction à la caractérisation des gènes codant pour l’hémoglobine extracellulaire de Arenicola marina
A- Description de l’annélide polychaete Arenicola marina
B- L’HBL-Hb de Arenicola marina
C- Méthodologie
D- Contexte d’analyse des séquences obtenues
Chapitre 4 : Premier article : The multigenic family of the extracellular hemoglobin from the annelid polychaete Arenicola marina
Chapitre 5 : Deuxième article : Evolutionary functional transition from oxygen transport to halometabolites detoxification in the annelids globins family
Chapitre 6 : Troisième article : Gene structure and molecular phylogeny of the linker chains from the giant annelid hexagonal bilayer hemoglobins
Chapitre 7 : Conclusion et perspectives
I Résultats et perspectives
II Emergence des lignées de globines chez les Annélides
A- Positions des introns
B- Caractéristiques structurales des HBL-Hbs
C- Les globines extracellulaires et les Linkers
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Premières étapes de la synthèse in vitro d’hémoglobine extracellulaire de haut poids moléculaire, en vue d’élaborer un substitut sanguin
Annexe 2 : Résultats préliminaires de la surexpression d’un monomère de globine et de linker de Arenicola marina
Annexe 3 : Matériel et Méthode
Annexe 4 : Séquences nucléotidiques et protéiques des globines et de linkers de Arenicola marina obtenus pendant la thèse
A- Séquences nucléotidiques des globines et de linkers de Arenicola marina
B- Séquences protéiques des globines et de linkers de Arenicola marina
Annexe 5 : Séquences nucléotidiques et protéiques des globines intracellulaires non-circulantes et circulantes et des linkers d’annélides obtenues pendant la thèse
Annexe 6 : Séquence des introns de globines extracellulaires d’annélides
Annexe 7 : Séquence des introns des linkers d’annélides
Annexe 8 : Séquence des introns des globines intracellulaires circulantes et non circulantes d’annélides

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