Approche thermométrique
La région de Trimouns a subi plusieurs orogenèses. Ses roches portent donc en elles les traces des différents épisodes thermiques majeurs. Les anciens modèles de Trimouns (Fortuné et al., 1980) proposent une formation du gisement dans le cycle varisque exclusivement. Dans ces modèles, les roches paléozoïques (mur et toit) s’inscrivent dans le métamorphisme varisque haute température et basse pression, et le talc plus froid dans la continuité de cet événement. Cette vision va être renouvelée par Schärer et al. (1999) grâce à des datations U-Pb sur des minéraux associés à la minéralisation de talc-chlorite. Les âges crétacés obtenus placent la formation du talc dans le cycle orogénique alpin. Dans la période précoce du cycle alpin, des influences thermiques notables liées à l’exhumation du manteau et à l’amincissement de la croûte sont mises en évidence dans la Zone Nord Pyrénéenne (Lagabrielle et Bodinier, 2008 ; Jammes et al., 2009 ; Lagabrielle et al., 2010 ; Clerc, 2012 ; Clerc et al., 2015). Une importante métasomatose de même âge (ca. 100 Ma), a été mise en évidence dans la zone axiale mais aussi dans des Massifs Nord Pyrénéens proches de Trimouns (Poujol et al., 2010 ; Fallourd et al., 2014), ou à l’ouest de la chaîne (Massif du Saraillé – Corre et al., 2016). Les fluides responsables de cette métasomatose ont des températures estimées entre 300° et 500°C. La région de Trimouns a potentiellement été influencée par ces différentes influences thermiques varisque et alpine (sensu lato). Comme l’héritage structural décrit dans le chapitre II, le passé thermique de Trimouns est polyphasé. Sur Trimouns, les études thermobarométriques placent le domaine de formation du talc dans une fenêtre Pression-Température autour de 2 kbar et de 300°C. Un des outils utilisés pour ces estimations est le géothermomètre sur la chlorite. Les résultats obtenus par Parseval (1992) sur les chlorites sont confirmés par les estimations sur inclusions fluides (Parseval, 1992 ; Boiron et al., 2005). Le thermomètre sur chlorite a l’avantage d’être associé à un minéral abondant sur Trimouns, et de fournir des résultats corroborés par d’autres méthodes de thermométrie. Notre premier axe pour étudier la thermométrie est donc articulé autour de la chlorite et des récentes évolutions qu’ont connues les géothermomètres de ce minéral. Un échantillonnage dense du minéral vert, nous permet de prendre en compte les variations de compositions des chlorites et donc des variations de température de formation de la minéralisation. Pour identifier l’influence des différents cycles orogéniques sur Trimouns et autour, il faut étendre le rayon d’action de l’étude au-delà du gisement seul. La thermométrie Raman sur la matière organique ou « raman spectrometry of carbonaceous material » (RSCM) permet de déterminer le pic de température enregistré par les métasédiments au cours de leur histoire métamorphique. Les séries paléozoïques autour de Trimouns sont dérivées de carbonates et de pélites, et contiennent de la matière organique. L’outils RSCM étant adapté aux roches étudiées ainsi qu’au contexte polymétamorphique (Delchini et al., 2016), cette méthode constitue notre second axe pour étudier la thermicité autour de Trimouns. Au moyen de ces méthodes analytiques que nous confrontons aux travaux précédents, nous proposons une approche de l’histoire thermique à Trimouns. Le but de ce chapitre est de différencier ce qui relève du domaine dit froid – la minéralisation, et du domaine dit chaud – le Varisque.
Travaux sur les chlorites
représente les cations di- ou trivalents (Al3+, Cr3+, Fe2+, Fe3+, Cr3+, Mn2+, Mg2+…) et les lacunes sur site octaédrique (O). La grande variété de combinaisons d’éléments dans la structure cristalline des chlorites est liée à plusieurs types de substitution de cations intra ou inter feuillets. Dans les feuillets tétraédriques (T), il peut y avoir des substitutions de cations dites hétérovalentes du Si4+ par le Al3+ (noté AlIV quand présent dans le feuillet T). Cette substitution de l’aluminium sur le silicium se limite à un taux maximum de 2 Al sur 4 sites disponibles. Cet échange de cation crée un déficit de charge dans le feuillet T. Dans les couches octaédriques, on dénombre trois types de substitutions :Comme évoqué précédemment, les travaux de Moine et al., (1989) et de Parseval (1992) classent les chlorites de Trimouns dans le domaine des chlorites magnésiennes. Ces études montrent également que les chlorites hydrothermales du gisement sont très proches du pôle magnésien clinochlore (chlorite trioctaédrique), alors que les chlorites provenant de roches moins altérées (micaschistes ou schistes) sont de moins en moins magnésiennes et plus alumineuses. Parseval (1992) conclut que le passage des chlorites des zones peu/pas altérées aux chlorites hydrothermales est illustré par la substitution de Tschermak (Fig. III-1) associée à une diminution du nombre de lacunes suivant la substitution di/trioctaédriques (Fig. III-1). Ces observations sont en accord avec une métasomatose magnésienne qui génère des chlorites de plus en plus riches en magnésium en fonction du degré d’altération de la roche mère.
Les géothermomètres
Le thermomètre empirique sur chlorite le plus connu est celui de Cathelineau (1988) régit suivant l’équation suivante : T° = -61.9229 + 321.9772 * Al IV. Ce thermomètre, calibré pour des températures basses (de 100°C à 350°C), montre une corrélation positive entre l’élévation de la température et l’augmentation du taux d’AlIV. L’inconvénient de ce thermomètre est que si empiriquement on observe que la proportion d’AlIV des chlorites augmente (au détriment du Si) quand la température s’élève, les études au cas par cas montrent que le taux d’Al IV est également dépendant du milieu et de la chimie de la roche et pas uniquement fonction de la température. Dans le but de s’affranchir de cet effet qui néglige la chimie des roches, d’autres thermomètres se basent sur des équations avec les constantes d’équilibre ou sur des modèles thermodynamiques. Ces deux types de thermomètres utilisent des modèles d’activité (thermodynamique) qui permettent de relier la chimie des chlorites avec la température en considérant plusieurs variations de la composition de ces dernières. Les calculs thermodynamiques réalisés à partir d’équations d’équilibres entre des pôles purs de chlorites définis, le quartz et l’eau. La chimie d’une chlorite est ainsi exprimée en fonction de l’activité de chacun de ces pôles. La température est ensuite calculée à partir de ces activités. Le choix des pôles purs utilisés pour calculer les activités peut varier d’un thermomètre à l’autre. Cette différence est à l’origine de la fiabilité de chaque thermomètre pour une gamme de températures spécifiques. Toutes ces méthodes sont basées sur des équilibres chlorite- quartz-eau car la variation en silicium des différents pôles purs de chlorites choisis ne peut pas être compensée dans un simple équilibre. Parmi ces thermomètres on distingue ceux dont la formule prend en compte la proportion de fer trivalent par rapport au fer total dans le minéral (XFe3+) (e.g. Vidal, 2005 ; Lanari et al., 2014), et ceux qui sont moins sensibles à la variation de XFe3+ (Vidal et al., 2001 ; Bourdelle et al., 2013). Si XFe3+ peut influencer les résultats obtenus par les modèles thermodynamiques et donc la température, mais peut être négligé dans certains cas. Il n’existe pas de géothermomètre de chlorite universel et fiable sur tout type de terrain et gamme de température. Le choix d’un thermomètre adapté dépend du système géologique observé ainsi que des analyses disponibles, par exemple, le calcul du XFe3+ nécessite des analyses complémentaires (spectroscopies Mössbauer). Notre choix pour cette étude va au thermomètre développé par Bourdelle et al. (2013) et à son prolongement par Bourdelle et Cathelineau (2015). Les raisons de ce choix sont liées à plusieurs éléments. En premier lieu, la calibration de ce thermomètre concerne des chlorites formées à des températures inférieures à 350°C et à 4 kbar. Ces conditions de basses températures et de basses.