Critères de sélection des radioisotopes
Le choix du type de radiation, donc du radioisotope à utiliser, dépend de l’application que l’on souhaite pour le radiopharmaceutique. Pour le diagnostic, le radioisotope devra émettre des rayonnements γ pénétrants et peu ionisants pour limiter les risques de dosimétrie élevée tout en étant détectables par voie externe. Au contraire, pour la thérapie, il est nécessaire d’avoir des rayonnements ionisants, donc β-, α ou électrons Auger. En effet, c’est de la nature et de l’intensité de ce rayonnement que dépendra la destruction de la cellule. De plus, plusieurs facteurs sont à prendre en considération : la demi-vie (physique et effective), la radiotoxicité, la pureté, l’activité spécifique, la disponibilité et le coût de production.
Les radioisotopes utilisés en imagerie
L’imagerie consiste à administrer un traceur radioactif au patient permettant sa détection externe. Les conditions pour qu’un radioisotope soit utilisé en diagnostic in vivo sont les suivantes : Emission de rayonnement γ avec une énergie comprise entre 100 et 200 keV, ou une émission β+ , suivi de l’émission de deux rayonnements γ de 511 keV, Absence de particules fortement ionisantes (α ou β-), Période effective relativement courte.
En ce qui concerne les émetteurs γ, il existe un large choix de radioisotopes possibles, d’où une large gamme de radiopharmaceutiques utilisables en médecine nucléaire. A titre d’exemples : L’iode-131 fut le premier radioisotope utilisé in vivo. C’est un radioisotope peu coûteux, commercialement disponible, formant facilement des liaisons avec les protéines. Cependant, en plus du rayonnement γ très pénétrant émis (365 keV), il possède également un rayonnement β – de 600 keV, ce qui entraîne une irradiation trop importante du patient et nécessite une protection lors de la synthèse des radiopharmaceutiques.
Le technétium-99m représente le radionucléide de choix en analyse clinique. Il est utilisé en routine dans plus de 95% des examens isotopiques réalisés en milieu hospitalier. En effet, ces caractéristiques physiques répondent parfaitement aux besoins de la médecine nucléaire. Il est obtenu à partir d’un générateur (99Mo/99mTc).
Depuis une dizaine d’année, l’utilisation du 18F-FDG (fluoro-déoxy-D-glucose marqué au fluor-18), en tomographie d’émission de positons, connaît un vrai succès, et est de plus en plus répandue.
Les radioisotopes utilisés en thérapie
Contrairement à l’imagerie, où le 99mTc domine largement pour la scintigraphie et le 18F pour la TEP, il n’existe pas actuellement, en thérapie, de radioisotope capable de répondre seul aux besoins. La médecine nucléaire s’oriente donc de plus en plus vers une approche personnalisée de ce mode de traitement, où le choix du radioisotope est discuté en fonction du contexte (taille et nature de la cible à détruire, localisation, rapport cible/organes sains). Bien que de nombreuses études portent sur leurs intérêts thérapeutiques, très peu de radioisotopes sont utilisés en thérapie. Actuellement, seuls quelques radiopharmaceutiques, porteurs de radioisotopes β-, sont utilisés pour des applications cliniques (131I, 90Y, …). A l’heure actuelle, aucun radioisotope émetteur de particules α n’est employé ; il est toutefois à noter que certains radioisotopes émetteurs α sont en cours d’études précliniques.
Comme pour l’imagerie, les radioisotopes utilisés dans un but thérapeutique sont sélectionnés en fonction de leurs propriétés physico-chimiques, de leur mode de production et des paramètres biologiques relatifs à l’utilisation, ainsi que de la stabilité des éléments fils : les radioisotopes à visée thérapeutique sont, pour une très grande majorité, des émetteurs β- dont l’énergie de rayonnement varie de 0,5 à 2 MeV (soit une pénétration allant de 3 mm pour l’131I à 3 cm pour l’90Y). Quelques émetteurs α, avec une forte énergie sur une faible distance, sont également à l’étude ;
la période physique du radioisotope en rapport avec la cinétique de fixation et de rétention du vecteur utilisé ; la disponibilité des radioisotopes à un coût raisonnable.
Une émission γ peut accompagner la décroissance des radioisotopes utilisés en radiothérapie interne. Cette radiation contribue très peu à l’efficacité thérapeutique et augmente l’irradiation des tissus sains. Cependant, si l’énergie des photons émis est dans la gamme diagnostique (entre 100 et 200 keV), elle peut être utilisée pour l’imagerie et la localisation in vivo en fonction du temps.
Propriété et marquage des radiopharmaceutiques
L’efficacité d’un radiopharmaceutique dépend de la spécificité du vecteur, c’est-à-dire la partie non radioactive de la molécule, et des caractéristiques de l’isotope qui lui est rattaché. Il faut également considérer sa demi-vie effective. Pour cela, il est nécessaire de connaître le temps de résidence au contact de la cible. Idéalement, le temps de résidence devrait être maximum dans l’organe visé et quasi-nul dans les autres parties du corps. La demi-vie effective donne accès à l’impact réel du radiopharmaceutique sur sa cible.
La stabilité chimique et les propriétés pharmacocinétiques conditionnent aussi le comportement des radiopharmaceutiques. Ils doivent être stables dans le milieu circulant, et la présence du radioisotope ne doit pas perturber les propriétés ciblantes du vecteur. Les contraintes de pharmacocinétiques sont les mêmes que pour les médicaments, et une excrétion trop rapide ou des interactions non spécifiques sont des obstacles à la biodisponibilité. La rétention dans le sang doit être suffisamment longue pour que le produit atteigne sa cible, étape qui doit être la plus courte possible. Lorsque le radiopharmaceutique a atteint sa cible, le taux de dissociation doit être faible. Afin de limiter le temps de circulation du radiopharmaceutique dans l’organisme, une approche par injections localisées peut également être utilisée.
Présentation de la radiothérapie alpha ciblée
En 1926, C. Regaud et A. Lacassagne (pionniers de la radiothérapie) avaient prédit que «l’agent idéal du traitement du cancer serait constitué d’éléments lourds, capable d’émettre des rayonnements d’ordre moléculaire, qui seraient administrés dans l’organisme et se fixeraient sur les cellules que l’on cherche à détruire». Cette définition caractérise parfaitement la radiothérapie alpha qui combine un radioisotope émetteur alpha avec un vecteur spécifique des cellules tumorales. La radiothérapie interne ciblée est une thérapeutique anticancéreuse de radiothérapie interne permettant de placer une source radioactive directement au contact des cellules ciblées. Elle représente une approche comparable à la radiothérapie bêta, mais de nombreuses spécificités physiques les séparent.
les particules α ont un parcours moyen de 50 à 100 µm dans les tissus biologiques, alors que le parcours des émissions β est de l’ordre de quelques millimètres, ce qui va permettre de limiter l’irradiation non désirée des tissus environnants. la désintégration α permet de délivrer une plus grande quantité d’énergie dans un volume plus réduit, ce qui confère à l’irradiation α une plus grande cytotoxicité à nombre de désintégrations équivalent. L’énergie des particules α est de l’ordre de plusieurs MeV, et le transfert d’énergie linéique (TEL) a été mesuré de 20 à plusieurs centaines de keV par µm, alors qu’il n’est que de 0,2 keV/µm pour les particules β. Cela permet de délivrer une dose importante. Ce parcours limité et ce fort dépôt d’énergie laissent espérer un ciblage cellulaire beaucoup plus précis et cytotoxique dans le cas de la radiothérapie α que dans le cas de la radiothérapie β.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE : LA MEDECINE NUCLEAIRE
I. Les radioisotopes en médecine nucléaire
1. Les types de rayonnements
1.1. Rayonnement α
1.2. Rayonnements β
1.3. Rayonnements γ
1.4. Electrons Auger
2. Critères de sélection des radioisotopes
2.1. Demi-vie
2.2 Radiotoxicité
2.3. Pureté
2.4. Radioactivité spécifique
2.5. Disponibilité et coût de production
3. Les radioisotopes utilisés en imagerie
4. Les radioisotopes utilisés en thérapie
5. Propriété et marquage des radiopharmaceutiques
II. La radiothérapie alpha ciblée
1. Présentation de la radiothérapie alpha ciblée
2. Les radioisotopes utilisés
3. Les générateurs in vivo
DEUXIEME PARTIE : GENERALITES
I. Les liposomes
1. Définitions
2. Physico-chimie des lipides au sein des membranes lipidiques
2.1. Rotation des chaînes hydrophobes et fluidité membranaire
2.2. Dynamique des lipides dans les membranes lipidiques
2.3. Stabilité des liposomes
2.4. Perméabilité des membranes lipidiques
3. Préparation des liposomes
3.1. Méthodes de préparation par réhydratation de film suite à l’évaporation du solvant organique
3.2. Méthodes de réduction de taille des vésicules
4. Intérêt des liposomes en radiothérapie
II. Composition du sérum
1. Généralités
2. Les protéines du sérum humain
III. Mise au point de modèles
1. Utilisation du logiciel PHREEQC
2. Le modèle de Sofou et al
IV. L’Asymmetrical Flow Field-Flow Fractionation
TROISIEME PARTIE : LES GENERATEURS IN VIVO PB/ BI ET U/ TH : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE ET RESULTATS
CHAPITRE 1 : LE GENERATEUR PLOMB-212 / BISMUTH-212
I. Etude bibliographique
1. Le bismuth-212 en médecine nucléaire
1.1 Production du bismuth-212
1.2 Potentiel thérapeutique du Bi et radiomarquage 212
2. Le générateur Pb/ Bi 212 212
II. Approche par chélation
1. Etat de l’art
2. Complexation du Bi par la protéine IgG marquée au CHX-A-DTPA dans le sérum humain
3. Article 1
III. Approche par encapsulation
1. Objectifs de cette étude
2. Encapsulation du générateur Pb/ Bi dans les liposomes 212 212
3. Article 2
4. Etude de stabilité ; application d’un appareil d’Asymmetric Flow Field-Flow Fractionation couplé à un détecteur γ
5. Article 3
CHAPITRE 2 : LE GENERATEUR URANIUM-230 / THORIUM-226
I. Etude bibliographique
1. L’ U et le Th en médecine nucléaire 230 226
1.1. Généralité
1.2. Production de l’ U et du Th 230 226
2. Approches de vectorisation
II. Evaluation du DTPA comme agent complexant pour le Th 226
1. Objectif
2. Article 4
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES