Les forces au sein des domaines de l’outil d’évaluation YLS/CMI- YCA

Domaine: Relation avec les pairs

Les premiers agents de socialisation sont les parents. On peut partir du postulat selon lequel ils vont permettre à la personne d’acquérir des valeurs positives, pro-sociales, en étant toutefois attentif à nuancer ce constat, certains parents pouvant transmettre des valeurs moins conventionnelles à leurs enfants32. Les pairs n’interviendront que dans un second temps en tant qu’acteurs secondaires de socialisation33. Le processus d’acquisition de la morale étant dynamique, il peut être amené à être modifié et tout particulièrement lors de l’adolescence, période critique de remise en question notamment des valeurs parentales. L’influence des pairs peut être décisive à cet égard débouchant vers des valeurs qui seraient alors moins prosociales que celles enseignées par les parents34, pour autant que ce groupe de pairs partage des valeurs antisociales ou adopte des comportements déviants. De nombreuses études ont porté sur l’influence négative qu’exercent les pairs délinquants sur le jeune. Il a été ainsi reconnu qu’une exposition forte à des pairs aux valeurs antisociales prédit des valeurs morales faibles, non conventionnelles35 mais qu’en est-il de l’influence des pairs dits positifs ou pro-sociaux ? Comment apprécier cette qualité ? Globalement posséder un cercle d’amis peu impliqués dans des comportements à risque, adoptant des comportements dits de protection, réduit les risques de violence de la part de l’adolescent36.

C’est ainsi qu’actuellement une force sera cochée dans ce domaine si le jeune possède des « connaissances ou amis pro sociaux »37. Une personne positive étant définie comme étant celle qui « n’est pas impliquée dans la délinquance depuis un an ou plus, qui réussit à l’école et ne consomme pas d’alcool ou de drogue »38. Ce critère d’absence de délinquance est également retenu par d’autres auteurs qui le reconnaissent comme étant un facteur de protection particulièrement important39. Au-delà de cette absence de délinquance, il convient de revenir sur la qualité de la relation qu’entretient le jeune avec ses pairs. La relation pour constituer une force doit être une relation dans laquelle, on peut retrouver un soutien émotionnel mutuel40, le jeune doit pouvoir investir cette relation et pouvoir y trouver un soutien en cas de difficultés41, tout comme il doit lui aussi être capable d’offrir cette aide42. Toujours dans le cadre de cette relation un sentiment plus particulier peut être décelé plus indirectement. Il s’agit du sentiment de honte anticipée à l’égard des pairs qui correspond au « niveau de honte anticipé rapporté par le répondant par rapport à un fait délinquant qu’il aurait commis »43. Cette émotion agit alors comme un moyen préventif, pouvant empêcher le passage à l’acte délinquant, « l’individu cherchant à respecter les normes et les attentes des proches avec qui il partage des normes et des valeurs »44.

Il est important de relever que ce sentiment est présent et significatif aussi bien chez les garçons que chez les filles45. Ce sentiment peut être décelé après avoir questionné le jeune, en lui demandant par exemple s’il ressentirait de la honte après s’est fait attraper lors d’un passage à l’acte délinquant si ses ami.es l’apprenaient46. La relation est marquée par l’égalité dans l’échange entre les différents individus. Si un conflit surgit, il est de préférence résolu par la négociation et le désengagement plutôt que par l’affirmation de son pouvoir. Cette bonne gestion des conflits interpersonnels est une force pour le jeune. En conclusion, dans ce domaine il convient dans un premier temps d’investiguer si le jeune possède dans son réseau, des pairs non impliqués dans la délinquance depuis un an au moins. Une fois cette barrière franchie il conviendra alors d’envisager la relation que le jeune évalué entretient avec ce pair. Celle-ci doit être réciproque, c’est-à-dire que le jeune peut y trouver du soutien et être capable d’en apporter en retour. Dans cette relation on peut investiguer également, plus indirectement le sentiment de honte anticipée. Le mode de gestion des conflits interpersonnels envisagé par le jeune est lui aussi susceptible de constituer une force dans la situation du jeune. Précisons également que le fait de cocher les items « connaissance/amis délinquants » n’exclut pas pour autant que le domaine puisse constituer une force. Dans une situation, risques et forces peuvent exister simultanément47. La présence de personnes aux valeurs plus « antisociales » n’excluant pas la possibilité pour le jeune de fréquenter d’autres pairs aux valeurs plus conformes à celles défendues par la société.

Forces

La définition que nous avons proposée dans le premier chapitre correspond en grande partie à celles données par les intervenants. Nous y ajoutons toutefois les termes levier et le verbe s’appuyer pour arriver à la définition suivante ; un levier, une compétence, attitude, ressource, exploitée ou non, présente au sein de chaque individu ou de sa communauté au sens large, sur lesquels le jeune peut s’appuyer en vue d’adopter un comportement pro-social. La récidive, largement évoquée par les intervenants dans leurs définitions est abordée ici de manière plus indirecte lorsque nous parlons d’adoption d’un comportement pro-social. Nous nous inscrivons ainsi dans la même démarche les auteurs cités auparavant qui eux non plus, n’utilisent pas expressément le terme de récidive lorsqu’ils évoquent la notion de force98.

A. Domaine : Relation avec les pairs Il s’agit ici de régler la question de la condition sine qua non exigeant la présence de pairs non impliqués dans la délinquance depuis un an ou plus. Nous l’avons vu, des intervenants ont pu exprimer leur désarroi vis-à-vis de cet item notant que des relations avec des pairs impliqués dans la délinquance peuvent être extrêmement importantes pour des jeunes qui peuvent y trouver du soutien, réconfort. Si nous ne nions pas que ces relations peuvent revêtir des aspects positifs, ne pas tenir compte de la délinquance des pairs pour relever une force dans ce domaine nous apparait être une position difficilement tenable. De nombreuses études99 constatant l’influence des pairs comme un facteur de risque plutôt que de protection, et ce même si cette influence est à relativiser, tous les adolescents ne réagissant pas de la même manière face à une exposition à des pairs délinquant100. Compte tenu de ces différents éléments nous gardons cette condition. La bonne gestion des conflits étant une ressource qui peut être mobilisée dans différents contextes et pas uniquement dans les relations avec les pairs (les professeurs, lors des loisirs, …) nous choisissons de déplacer cet item vers le domaine conduite et comportement. La capacité à entrer en relation avec des pairs positifs va être également reconnue comme une force dans ce domaine101. Amorcer des conversations, écouter les idées des autres, participer et inviter aux conversations102, sont autant d’éléments à classer dans cette catégorie. Par pairs positifs nous nous référons aux définitions données par les intervenants, c’est-à-dire des pairs qui vont adopter des comportements conformes aux normes et lois en vigueurs dans notre société. La notion de temps est généralement une difficulté pour les évaluateurs, nous proposons donc de supprimer cette référence à un an, et de se concentrer plutôt sur la stabilité de la relation.

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B. Domaine : conduite et comportement Nous allons reformuler le terme « bon contrôle de soi » et affiner la description de l’item afin de le rendre plus facilement identifiable pour les intervenants. Pour évaluer ce contrôle de soi, que nous allons renommer contrôle des humeurs, les informations sont tirées du comportement du jeune pendant son placement mais aussi avec les informations de l’extérieur (famille, école, délégué SPJ…).

L’objectif de cette étude visait une meilleure identification des forces et des facteurs de réceptivité au sein de l’outil d’évaluation YLS/CMI- YCA. Nous nous sommes attachés dans un premier temps à revenir, domaine par domaine sur chacun des éléments pouvant constituer une force. Ce premier travail se retrouve dans les annexe I et II. Nous avons ensuite confronté nos propositions aux intervenants et récolté leurs avis sur les notions de force ce qui constitue le coeur de notre recherche. Sans revenir sur chacune des modifications apportées, nous retenons que deux domaines ont fait l’objet de débats, le domaine relations avec les pairs et abus de substance. Pour le premier, la présence de pairs impliqués dans la délinquance a été le centre des discussions et a permis de souligner une différence de points de vue entre EMA et IPPJ les premiers soutenant que certains pairs délinquants peuvent être des forces pour le jeune, ce qui n’était pas envisageable pour les seconds. Nous pensons que cette question mériterait d’être approfondie par d’autres études. Pour le domaine abus de substance, il était question de se positionner face à l’abstinence. Nous avons décidé de ne pas la retenir comme condition sine qua non pour envisager une force dans ce domaine mais de nouveau ce point peut être questionné. Fort de leur pratique, nous avons pu recueillir les avis des intervenants sur les facteurs de réceptivité. Ils ont notamment pu exprimer leur souhait de voir apparaitre des facteurs de réceptivité positifs. Le fruit de cette collaboration est repris dans les annexes III et IV. Il serait intéressant d’utiliser ces propositions et les comparer avec l’outil actuel dans une étude de cas par exemple. Avec ce travail, nous n’avons pas la prétention d’affirmer avoir résolu les difficultés entourant ces deux notions, mais il permet, nous l’espérons, d’éclairer les intervenants, et pour le jeune de prendre conscience des ressources sur lesquelles s’appuyer, pour aspirer à vivre une vie d’aloscent.e. épanouie et conforme aux attentes de la société.

Table des matières

1.Introduction
2.Cadre théorique
2.1 : Les forces
2.1.1 Vers une tentative de définition
2.1.2 Les forces au sein des domaines de l’outil d’évaluation YLS/CMI- YCA
A. Domaine : Relation avec les pairs
B. Domaine : Conduites et comportement
C. Domaine : Représentations et positionnement
D. Domaine : Abus de substances
E. Domaine : Loisirs/ activités récréatives
F. Domaine : Famille
G. Domaine : Scolarité/emploi
2.2 Facteurs de réceptivité
2.3 Objet de l’étude
3.Méthodologie
3.1. Participants
3.2 Procédure
4.Résultats
4.1 Forces
A. Domaine: Relation avec les pairs
B. Domaine : Conduites et comportements
C. Domaine : Représentation et positionnement
D. Domaine : Abus de substance
E. Domaine : Loisirs/ activités récréatives
F. Domaine : Famille
G. Domaine : Scolarité/emploi
4.2 Facteurs de réceptivité
5.Discussion
5.1 Forces
A. Domaine : Relation avec les pairs
B. Domaine : Conduites et comportement
C. Domaine : Représentation et positionnement
D. Domaine :Abus de substance
E. Domaine : Loisirs/activités récréatives
F. Domaine : Famille
G. Domaine : Scolarité/emploi
5.2 Facteurs de réceptivité
5.3 Limites
6.Conclusion
7.Bibliographie
Annexe I
Annexe II
Annexe III
Annexe IV
Annexe V

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