L’ENSEIGNEMENT / APPRENTISSAGE DES LANGUES AUJOURD’HUI
L’approche communicative
A l’origine de l’approche communicative : des besoins
L’enseignement / apprentissage des langues actuel s’inscrit dans le cadre de l’approche communicative qui date du début des années 1970 dans un contexte de construction progressive de la Communauté Européenne. Devant des échanges en forte augmentation et un besoin croissant de communiquer, le Conseil de l’Europe a mené une réflexion sur la nécessité d’un enseignement des langues plus efficace, « à la hauteur des nouveaux besoins » (Martinez, 1996 : 69).Comme l’explique Jean-Charles Pochard (1994 : 9), le développement de l’approche communicative a coïncidé avec une « demande sociale nouvelle » et l’apparition de publics non scolaires. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’est apparu le terme d’apprenant pour « désigner ces nouveaux enseignés qui ne pouvaient plus être ni élèves ni étudiants ». Dans ce contexte de besoins de communication accrus, les enseignants ont donc été amenés à s’interroger sur la façon dont ils pouvaient prendre en compte toutes ces variations individuelles, la personnalité et la motivation de chacun. Il leur a fallu également réfléchir à la manière de réévaluer les besoins de chacun au cours de l’apprentissage et adapter leur enseignement en fonction de ces variables.
Suite à la méthode directe qui utilisait une langue « terriblement descriptive » et à la méthode SGAV qui semblait se rapprocher d’une communication authentique mais dont les dialogues manquaient beaucoup de naturel, l’approche communicative a bénéficié d’une analyse de « corpus conversationnels réels qui firent apparaître diverses sortes d’implicites : linguistiques, culturels, comportementaux qui peuvent se manifester sous des formes verbales, intonatives ou gestuelles et leur corollaire : un certain nombre de ratés de la communication » (Pothier, 2003 : 29). On a donc redéfini les objectifs de l’enseignement/ apprentissage des langues dans le cadre de l’approche communicative.
Comme l’explique Martinez (1996 : 82), l’introduction de l’approche communicative avait pour but de « faciliter la mobilité des hommes et leur intégration dans des sociétés dites ‘d’accueil’ ». En développant la connaissance réciproque des langues de la Communauté, on souhaitait ainsi instaurer un bien-être social et une bonne entente entre les différents pays membres. Ainsi, l’approche communicative est née du contexte politique, économique et social de la construction européenne. Bien que cela soit surtout vrai pour l’enseignement du français langue étrangère, l’enseignement de l’anglais dans le système éducatif français s’en est également trouvé affecté.
Les fondements théoriques de l’approche communicative
Comme l’explique Danielle Bailly (1998b : 40), l’approche communicative est basée sur les notions de « simulation ou [de] reconstruction directe de situations d’échanges langagiers authentiques ». Face à des besoins langagiers redéfinis dans cette période de communication et d’échanges accrus, l’approche communicative prévoit de fournir à l’apprenant les « outils de langue [correspondant à ses] besoins informationnels, pragmatiques, expressifs, qui sont les siens compte tenu des caractéristiques de l’interaction concernée ».L’approche communicative s’appuie donc sur les théories cognitivistes et constructivistes de l’enseignement / apprentissage des langues, même si elle a adopté une orientation plutôt sociolinguistique à ses débuts. Il semble, en effet, que la didactique des langues ait souffert d’une réputation de non-scientificité et d’illégitimité à une certaine époque (Pothier, 2003 : 20).
Cognitivisme & constructivisme
Deux éléments clés caractérisent l’approche cognitiviste de l’apprentissage : d’abord l’apprentissage est conçu comme un « processus de construction des connaissances et non pas comme un processus d’acquisition », ensuite, « les activités d’enseignement sont des activités d’aide à la construction des connaissances et non pas des activités de transmission des connaissances » (Legros et al., 2002 : 28). Comme nous le montre cette définition, la conception de l’apprentissage sous-tendant l’approche communicative renvoie au constructivisme qui est devenu une référence incontournable dès qu’il s’agit de théories de l’apprentissage, même si le terme correspond souvent à des points de vue différents.
« Le constructivisme s’appuie sur l’idée que la réalité du monde se construit dans la tête de l’individu à partir de son activité perceptive sous forme de représentations mentales ou modèles du monde » (Legros, et al., 2002 : 30). Dans cette définition, les auteurs insistent sur le rôle du contexte « de la vie réelle », « du monde dans toute sa complexité sociale ». Il apparaît en fait que l’apprenant construise sa connaissance à partir des interactions qu’il a avec les autres et le milieu socioculturel dans lequel il se trouve. Lev Vygotski a profondément contribué au développement de nouvelles théories de l’apprentissage, en particulier en ce qui concerne les enfants. Par le biais de ses recherches, Vygotski s’est employé à montrer que l’apprentissage met en jeu à la fois des facteurs internes, biologiques et le milieu dans lequel l’apprenant évolue. Selon Rabardel (1995 : 35-36), le processus que Vygotski décrit est à la fois « unitaire et complexe » : « le comportement d’un adulte contemporain, culturellement évolué, est le résultat de deux processus différents de développement psychique. (…) Il s’agit, d’une part, du processus d’évolution biologique qui mène à l’apparition de l’homo sapiens, d’autre part, du processus de développement historique à travers lequel l’homme primitif a évolué culturellement ».