Les fondements de la foi

Le Dieu caché

Pascal part du constat selon laquelle la révélation est empreinte de mystère, la foi porte sur les choses qui ne se voient pas. La foi est une nuit, Dieu n’est pas toujours visible, manifeste. Et la vérité de la religion est à reconnaître dans cette obscurité même. Dès lors, il est déraisonnable de vouloir présenter à ceux qui sont « destitués de foi et de grâce1 » les ouvrages de la nature pour leur demander d’y découvrir Dieu. Cette voie n’est raisonnable que pour ceux qui sont comblés par la grâce divine. Pascal écrit dans le fragment 781 : « Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par J.-C., hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée. Nemo novit patrem nisi filius et cui filius voluit revelare. »
La lecture de ce fragment permet de voir que la corruption de la nature est à l’origine de l’éloignement de Dieu, de son silence. Par le péché, toute l’humanité est souillée, toutes les lumières de l’homme sont éteintes, sa volonté autrefois saine se trouve « charmée » par laconcupiscence. Il vit ainsi dans l’ignorance et dans l’obscurité. L’homme tragique se trouve dans un monde inconnaissable. Et la seulechose qui soit capable de combler son vide, dedonner un sens à sa vie, c’est-à-dire la perfection divine, demeure éloignée, cachée, elle reste muette.
L’idée d’un éloignement entre Dieu et les hommes est un héritage Augustinien. Dans la Cité de Dieu, saint Augustin montre qu’il y a un écart entre la cité des hommes c’est-à-dire la cité terrestre obéissant aux lois temporelles et bâtie sur « l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu3 » et la cité de Dieu, réglée par la loi éternelle et fondée « sur l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi4 .» Cet écart fait que les hommes sont dans une impuissance totale de connaître Dieu, à moins qu’il ne soit décidé de les illuminer par sa miséricorde. L’homme est à distance de Dieu, et tout le monde qui l’entoure ne révèle en rien la présence du divin. L’homme est laissé, abandonné à lui-même, il s’interroge sur le sens de sa vie, sur le vaste univers quil’entoure. Cet état de fait marque la corruption même de l’état de l’homme, qui après le péché d’Adam a été déchu sur terre. Ainsi, par la chute Dieu se cachera de tous les pécheurs qui sont voués à la damnation, sauf bien sûr dans le cas où il dispense sa grâce à certains d’entre eux, c’est-à dire les prédestinés, les élus (Mathieu7, 13-14) . Ainsi le fragment 448: « S’il n’y avait rien paru de Dieu, cette privation éternelle serait équivoque, et pourrait aussi bien se rapporterà l’absence de toute divinité, qu’à l’indignité où seraient les hommes de la connaître ; mais de ce qu’il paraît quelquefois, et non pas toujours, cela ôte l’équivoque. S’il paraît une fois, il est toujours ; et ainsi on n’en peut conclure, sinon qu’il y a un Dieu, et que les hommes en sont indignes. » Dieu se cache pour punir l’homme de son orgueil mais aussi pour lui fait comprendre l’étendue de son péché.
Mais comment Dieu se cache t-il ? La réponse de Pascal est simple : il se cache en aveuglant. En témoigne le fragment 781 : « Que Dieu est un Dieu caché et que depuis lacorruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir quepar Jésus-Christ.» Dieu exprime sa résolution d’aveugler. Il va se cacher en aveuglant les yeux et en rendant les oreilles sourdes. C’est ce qui ressort de la pensée 337 : il se cache «pour faire qu’en voyant ils ne voient point et qu’entendant ils n’entendent point, rien nepouvait être mieux fait2.» Il aveugle aussi en jetant un voile sur la vérité. Si la vérité note-til «erre inconnue parmi les hommes», cela est du fait que «Dieu l’a couverte d’un voile qui la laisse méconnaître à ceux qui n’entendent pas sa voix3 ». Ces propos de Pascal, s’inspirent duthème biblique de l’aveuglement. Ainsi, la parole du Seigneur à Isaïe luiordonnantd’aveugler son peuple « Va dire à ce peuple : vous aurez beau écouter, vous n’entendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. Rends-les donc insensibles, durs d’oreille et aveugles ; empêche leurs yeux de voir, leurs oreilles d’entendre et leur intelligence de comprendre4 ». Il en est de même des paroles du Deutéronome : « Celui qui n’écoute pas la voix de Dieu sera frappé d’aveuglement et d’égarement des sens», ilcheminera « à tâtons en pleins midi comme l’aveugle va à tâtons dans les ténèbres5 » Pascal s’inspire aussi de saint Augustin qui montre que Dieu se cache en laissantl’homme à son aveuglement. Telle est d’ailleurs la première certitude qui habite l’Evêque d’Hippone. Dans le Discours sur les Psaumes, il écrit les hommes sont « assis au bord des fleuves de Babylone1». Pour lui ce sont ces eaux qui coulent tout doucement et si tristementdans un pays où les enfants de Dieu sont en exil et prisonniers
Quand Pascal soutient que Dieu a voulu aveugler il reste aussi attaché àl’interprétation de la pensée patristique de la réprobation. Saint Thomas dans sa Sommethéologique montre que Dieu a voulu aveugler les impies parce qu’il a dans ses décretséternels permis que les preuves de la religion fussent telles que les impies puissent ne pas les voir. Le fondement pascalien de la foi est donc que Dieu est un Dieu caché, un Verbevoilé. Dans le début du fragment 228 il est écrit : « Que disent les prophètes de J-C. ? qu’il est évidemment un Dieu ? non mais qu’il est un Dieu véritablement caché, qu’il seraméconnu, qu’on ne pensera point que ce soit lui, qu’il sera une pierre d’achoppement, à laquelle plusieurs heurteront, etc. .» Ces lignes de Pascal prennent racine dans le texte de la Bible. Ils sont plus explicitement un mélange de citations du premier et second discours du prophète Isaïe (45,15 ; 8,14). Dans les Ecritures, Dieu annonce qu’il va cacher sa face;demeurer dansl’obscurité. Dans le Deutéronome, on peut lire: « En ce jour-là, ma colère s’enflammera contre lui. Je les abandonnerai, et je leur cacherai ma face. Il sera dévoré, il sera la proie d’une multitude de maux et d’afflictions, et alors il dira: N’est-ce point parce que mon Dieu n’est plus au milieu de moi que ces maux m’ont atteint? Et moi, je cacherai ma face en ce jour-là, à cause de tout le mal qu’il aura fait, en se tournant vers d’autres dieux4» Les cris du psalmiste demandant à Dieu le pourquoi de son absence, de sonéloignement vont dans ce même sens: « Pourquoi, Eternel, te tiens-tu éloigné, pourquoi tecaches-tu?»; « Pourquoi, Eternel, me caches-tu ta face?» ainsi que la parole du Christ encroix: « Mon Dieu, mon Dieu! pourquoi m’as-tu abandonné?7»
Mais, Pascal marque sa différence avec les Ecritures en attribuant à Dieu l’initiative dese cacher. Il n’est pas seulement un Dieu caché, méconnu, mais un Dieu qui se cache selonson propredessein. Dieu se cache volontairement. Plaident à cet effet, les fragments 242, 427, et 444où l’on peut lire respectivement : «Dieu s’est voulu cacher », il « s’est caché », « il secache à ceux qui le tentent ». Le « Deus Absconditus » du second Isaïe devient donc le Dieu qui se cache. Jean Louis Bischoff note dans ce sens que pour Pascal: « il n’appartient pas à lanature de Dieu d’être caché, c’est volontairement qu’il a décidé de se cacher1. »Mais que veut dire Pascal quand il affirme que « Dieu s’est voulu cacher ?» Pourrépondre à cette question, nous allons interroger la Lettre du 29 octobre 1656 adressée àMademoiselle de Roannez2, qui renferme toute l’essence de sa doctrine sur le Dieu caché.Dans cette correspondance Pascal présente l’« étrange secret, dans lequel Dieu s’est retiré, impénétrable à la vue des hommes.» Si dans le second Isaïe, l’endroit où Dieu est caché estIsraël, celui de Pascal est non plus en Israël, mais il est caché sous trois voiles différents. Il s’est caché en trois lieux que sont la nature, l’humanité de Jésus-Christ, et enfin l’Eucharistie .
Le verbe est caché dans la nature qui peut conduire facilement l’esprit à reconnaîtrequ’il y a un Dieu. Cette pensée est un héritage des Ecritures qui montrent que Dieu a imprimédesmarques claires et évidentes de sa gloire dans ses œuvres. La nature reste le premier lieu,le « premier vêtement de la divinité», où il se manifeste, selon la symbolique médiévale.
C’est la raison pour laquelle le psalmiste peut s’écrier ainsi que Dieu : «s’enveloppe delumière comme d’un manteau5» Autrement dit, en créant le monde, Dieu nous laisse dequelque côté que l’on regarde, une petite portion de sa gloire infinie. Ce que Saint Paul dit demanière plus explicite lorsqu’il déclare que ce que l’on peut connaître de Dieu a été révéléaux humains : « Ce qu’on peut connaître de Dieu est manifeste pour eux, car Dieu le leur a manifesté. En effet, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages6.»Mais cette révélation, est considérée simplement par les Ecritures comme une révélationnaturelle, différente donc de la révélation surnaturelle. La révélation est appelée naturelle si l’intelligence parvient à le saisir via l’étude de la nature, et surnaturelle si elle ne peut êtreconnue ni par la nature, ni par la seule raison humaine. Précisons néanmoins, que la Bible ne divinise nullement la nature, comme ont tendance à le faire les panthéistes, elle affirme à l’opposé que la nature peut seulement faire entrevoir Dieu. Et c’est ce que Pascal avait compris en considérant que les preuves par la nature ont une portée limitée. Il écrit : « « Le voile de la nature qui couvre Dieu a été pénétré par plusieurs infidèles, qui, comme le ditsaint Paul, ont reconnu un Dieu invisible par la nature visible1. »A la seconde manière dont Dieu se cache, se trouve dans l’humanité où s’enveloppe leVerbe en la personne du Christ. Le verbe, la divinité a épousé la condition, la faiblesse humaine pour s’y révéler. Il est devenu l’un de nous. Jésus-Christ dit Pascal «est demeuré inconnu parmi les hommes2 .» Il a une double nature : il est à la fois Dieu et homme. Dans le fragment 733 il est écrit : «Les Ariens ne pouvant allier ces choses qu’ils croient incompatibles, disent qu’il est homme; en cela ils sont catholiques; mais ils nient qu’il soit Dieu, en cela ils sont hérétiques ». Pascal trouve cette idée du Dieu qui s’est fait chair en la personne du Christ dans les Ecritures, qui parle de l’Emmanuel, Dieu avec nous. Ainsi, on ne peut discerner nettement Dieu dans le Christ. Son incarnation masque la nature divine.
Pour les catholiques, Dieu se cache d’une autre manière, il se cache sous les espèces du pain de l’Eucharistie qui est de tous le plus étrange voile de Dieu et l’ultime secret où ilpeut être. Ultime secret, car l’Eucharistie reste le mystère qui résume toutes les merveillesaccomplies par Dieu pour le salut des hommes. Elle est la continuation du mystère del’incarnation, perpétuant la présence du Dieu invisible parmi les catholiques. On retrouve cette pensée dans l’Ecriture qui fait de l’Eucharistie le lieu où Dieu se montre, mais en sedissimulant en même temps. Elle représente le Sacrement que saint Jean appelle dansl’Apocalypse la « manne cachée3 », c’est-à-dire le Dieu caché parmi nous. C’est en cela que leprophète Isaïe disait : « Tu es un Dieu caché. »Pascal doit aussi cette idée du Dieu voilé sous les espèces eucharistiques, à Saint Thomas d’Aquin qui, dans une des cinq Hymnes composées à la demande du Pape Urbain IV,à l’occasion de l’établissement de la Fête du Corps du Christ écrit : « Je t’adore avec amourDieu voilé, vraiment caché sous ces apparences […] Sur la croix, nul ne voyait ta divinité, mais ici se cache aussi ton humanité. » Dans son ouvrage Pascal et la Liturgie, Philippe Sellier souligne que Pascal connaissait à la lettre cet hymne eucharistique, devenu usuel dans la religion catholique.
Dans chaque manifestation nous pouvons voir donc que Dieu réserve une part de mystère. En d’autres termes, plus Dieu se montre visible, moins il est reconnaissable. Jean Louis Bischoff affirme que : « Plus il se voile de manière improbable, plus il est en adéquation avec sa véritable essence, et plus il aveugle l’homme sur sa véritable identité.»
Pascal procède ainsi à une hiérarchisation dans le mystère du Dieu caché: les impies peuvent même découvrir un Dieu sous le voile de la nature, mais ce Dieu est inefficace pour le salut ; les chrétiens eux le découvrent sous le voile de l’humanité de Jésus; les seuls catholiques le reconnaissent sous le pain et le vin de l’Eucharistie, car les protestants le réfutent. Et c’est là donc que se justifie la doctrine du petit nombre des élus.
Toutefois, même si Dieu veut aveugler, veut se cacher, il n’en reste pas moins qu’il a laissé quelque marque de lui, des signes de sa présence. Si Dieu s’est caché en voulant punir l’homme, il s’est aussi révélé par amour pour le racheter, en dépit de son péché. Pascal écrit :«Dieu a établi des marques sensibles dans l’Eglise pour se faire reconnaître à ceux qui lechercheraient sincèrement; et […] il les a découvertes néanmoins de telle sorte qu’il ne seraaperçu que de ceux qui le cherchent de tout leur cœur2 .» L’idée d’aveuglement est jointe àcelle d’éclaircissement. Celui qui se cache est à la fois « présent et absent3». Il est à demi caché et à demi découvert. Il est là on le sait, mais on ne le voit pas. C’est la présence d’un Dieu qui se cache. Présence et absence se mêlent à un « avènement de douceur», selon la belle expression de la Pensée 149. Dieu ne peut aveugler sans pour autant donner un signe de soi.Pascal écrit : « Il n’est pas vrai que tout découvre Dieu, et il n’est pas vrai que tout cache Dieu. Mais ilest vrai tout ensemble qu’il se cache à ceux qui le tentent, et qu’il se découvre àceux qui le cherchent4 . » Henry Gouhier remarque dans ses Commentaires que « pareille volonté serait inconcevable si elle transformait l’humanité entière en une espèce aveugle. Il ne peut y avoir volonté d’aveugler sans possibilité d’éclairer […] Telle est la double intention qui est fond de « l’étrange secret »5. » Jésus est venu à la fois pour aveugler et pour illuminer, car si on laissait tous les hommes dans une totale ignorance de Dieu, il leur serait impossible d’adopter une attitude religieuse. Il n’y aurait ni vénération, ni piété, ni crainte de Dieu, ni culte. Le Dieu caché qui se révèle ne le fait pas dans tout son éclat, mais de manière subtile. Pascal souligne : « Si Dieu se découvrait continuellement aux hommes il n’y aurait point de mérite de le croire ; et, s’il ne découvrait jamais, il y aurait peu de foi6 . » Ce jeu de « cache-cache » auquel se livre Dieu, est aussi une idée que l’on retrouve chez saint Jean de la Croix qui, dans son ouvrage le Cantique Spirituel, montre que les visitesde Dieu manifestent plus profondément ses absences. Dieu apparaît d’un mouvement soudain,il est prêt à se cacher et à paraître, comme le « cerf ». Il écrit : « Où t’es-tu caché, Ami. Me laissant gémissante. Comme le cerf tu as fui. Après m’avoir blessée. Criant je t’ai suivi, tu étais parti!»
Cette manière de se cacher et de se découvrir relève pour Pascal de la « justice » mêmede Dieu. Il s’est caché parce que l’homme a péché, mais par sa miséricorde infinie, il s’estdévoilé à l’homme en dépit de sa corruption. C’est ce que précise le fragment149 : « Dieu avoulu racheter les hommes et ouvrir le salut à ceux qui le chercheraient, mais les hommess’en rendent si indignes qu’il est juste que Dieu refuse à quelques-uns, à cause de leur endurcissement, ce qu’il accorde aux autres par une miséricorde qui ne leur est pas due2 .»Justice et miséricorde sont complémentaires. Dans ce passage, Henry Gouhier souligne que lavolonté de se cacher et celle de se découvrir sont liées à une mauvaise et à une bonne volonté de l’homme, de manière que l’une comme l’autre se trouveraient conduits par la justice. Dieu choisit donc selon sa propre justice d’éclairer les uns et d’aveugler les autres. Une justice divine que Pascal se met même à scruter en ces termes : « Il n’était donc pas juste qu’il parutd’une manière manifestement divine et absolument capable de convaincre tous les hommes,mais il n’était pas juste aussi qu’il vint d’une manière si cachée qu’il ne pût être reconnu deceux qui le chercheraient sincèrement. Il a voulu se rendre parfaitement connaissable à ceuxlà3. »Le Dieu qui se cache et se révèle à la suite selon sa propre justice, fait voir qu’il se place dans l’ordre du mystère. Le Dieu de Pascal s’illustre par sa transcendance et sa toutepuissance. Il est impénétrable, et à distance de nous. Et cette distance est ce qui fait qu’il soiten dehors de toute expérience, qu’il soit obscur par les lumières naturelles. Dieu est un Dieuqui vit caché, et lorsqu’il se manifeste même, il le fait en se cachant. Ce qui le rend d’ailleursmystérieux, incompréhensible. Comme l’écrit à bon droit Jean Mesnard : « Le Dieu qui serévèle ne perd pas son mystère ; il ne découvre que par une sorte de déchiffrement4. » Cedécryptage passe par un exercice solitaire. Dieu se trouve, mais par un effort personnel,parlarecherche d’une conscience individuelle. Pascal, fait voir à cet effet à sa correspondante, Mlle d Roannez, de la nécessité de la solitude pour s’approcher de Dieu et pour le servir. Il écrit à ce sujet : « Cet étrange secret, dans lequel Dieu s’est retiré, impénétrable à la vue deshommes, est une grande leçon pour nous porter à la solitude loin de la vue des hommes1. »Le Dieu qui se cache et se révèle par suite montre également que c’est à Dieuqu’appartient l’initiativede la révélation. Et cette initiative est gratuite, offerte par la volontémême de Dieu. En tant que source d’amour, Dieu désire se faire connaître. Jean LouisBischoff écrit en commentant la lettre à Mademoiselle que « Ce ne sont en effet […] pas leschoses qui révèlent Dieu, mais Dieu qui se révèle à travers elles ; c’est toujours Dieu qui prend l’initiative de se montrer et de choisir ses manifestations : il est nécessaire que Dieu l’éclaire pour que l’homme puisse y trouver un vestige divin2. » Dans sa miséricorde infinie, illui a plu, de se manifester et de faire connaître le mystère de sa volonté. On retrouve cette idée dans la lettre aux Ephésiens: « Il nous a fait connaître son plan secret que dans sabienveillance, il avait décidé par avance de réaliser par le christ. » C’est donc de par sa propre volonté que Dieu choisit de se manifester. Voilà pourquoi on peut dire qu’il est miséricordieux
Outre cela, le retrait de Dieu pour Pascal est une invite à chercher Dieu. L’absence de Dieu invite l’homme à désirer Dieu. Et cette invitation est bien réelle. Dans les fragments 4 et 5 nouspouvons lire : « Lettre pour porter à rechercher Dieu » ; «Une lettre d’exhortation àun ami pour le porter à chercher. » Notre éloignement radical par rapport à Dieu est un dondestiné à accroître notre désir de chercher Dieu. Dit autrement, le secret dans lequel Dieu s’estretiré commande de la part de l’homme à emprunter le chemin de la recherche; il doit chercherà rétablir la communication avec la transcendance, lui qui, depuis la chute, est plongé dans l’immanence. Pour rétablir cette communication, nous bénéficions d’une grille de « traduction», d’une herméneutique dont la clef nous a été donnée par le Christ et ses apôtres qui nous ont appris à déchiffrer les Écritures. Pascal écrit : « C’est ce qu’a fait J.-C et lesapôtres. Ils ont levé le sceau. Il a rompu le voile et a découvert l’esprit3 ».

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