Les films du nouveau cinéma novo

Les films du nouveau cinéma novo

Brasil ano 2000

Ce film de Walter Lima Júnior, réalisé en 1968, est une comédie presque musicale qui fait partie des films allégoriques, de ces films qui ont constitué ce que Carlos Diegues appelle l’esthétique du silence parce que ne pouvant pas dire ce qu’ils pensaient, les réalisateurs utilisaient l’allégorie. Il narre l’histoire d’une famille (la mère, la fille et le fils) qui, en quête d’un nouvel horizon, d’une nouvelle vie, arrivent, après la Troisième Guerre Mondiale, dans une ville au bord de la mer dont le nom est « Me Esqueci» (« J’ai Oublié») et qui attend la visite d’un général pour le lancement d’une fusée. A leur arrivée, ils acceptent la proposition d’un indianiste de se faire passer pour des Indiens pendant la visite du militaire en échange de nourriture, d’un foyer et d’un peu d’argent, enfin, d’un emploi. Divisée entre l’acceptation de ce travail alimentaire et l’envie de suivre sa voie individuelle, la famille avance vers une rupture. Le film est sans aucun doute une allégorie du Brésil dominé par les généraux, où Me Esqueci est une ville avec toutes les caractéristiques d’une localité périphérique et sous-développée. Ainsi, les faux Indiens ne représentent pas forcément la culture populaire ou la culture originaire brésilienne, mais la condition primitive et la situation de marginalisé, de peuple inférieur exterminé par les civilisés. À ce primitivisme, représenté ici par une famille qui symbolise la classe moyenne décadente et divisée, viendrait s’opposer la course à la modernité technologique des militaires avec le lancement de la fusée. Toutes les scènes se passent entre la maison de l’indianiste, où vit la famille, et une église transformée en une sorte de fête foraine ou de centre-ville où sont associés des éléments appartenant aux activités commerciales, politiques, administratives et culturelles. Dans une sorte de théâtre de l’absurde, apparaissent juxtaposés une série d’éléments hétéroclites présents dans une petite ville de province tels que la petite arène pour les matches de boxe, les pupitres pour le sermon des prêtres et les discours des hommes politiques, le marché, les théâtres populaires, l’hôpital, la prison, les musées, la rédaction d’un journal, un tribunal, des banques pour observer le temps qui passe et apprécier la lecture oisive. Tout cela est disposé de manière désorganisée et Les films du nouveau cinéma novo 703 confuse afin de mieux caractériser le sous-développement et l’aspect passéiste du lieu. Les scènes extérieures vont dans le même sens car elles montrent une bourgade pauvre et délabrée qui, sans aucun indice de modernité ou de développement, semble constamment envahie par les eaux de la mer qui inondent ses rues, indiquant l’état d’abandon et de précarité qui ne sert qu’à condamner les ambitions spatiales de la ville. Avec cette tentative de juxtaposition de l’archaïque et du moderne, le film ne dissimule pas ses influences tropicalistes. Mais il y a une séquence qui est une véritable ode au tropicalisme1256. À l’intérieur de cette église, transformée en un véritable théâtre de variétés, le journaliste dénonce la farce de la fausse famille d’Indiens et fait un discours contre les classes moyennes qui ont toujours essayé de singer l’image des colonisateurs, qui ont profité du protectionnisme paternaliste et ont été complices de leurs bourreaux sans jamais vouloir reconnaître leur propre image (au moment où il énonce cette dernière phrase, les figurants lui tournent le dos). Pendant toute la séquence, le journaliste déambule au milieu des autres personnages et des figurants en appuyant sur un klaxon qu’il porte à la main à l’image du présentateur très populaire de télévision Chacrinha1257, l’un des symboles de la culture de masse qui seraient récupérés par les tropicalistes ultérieurement. Comme l’animateur le faisait pour arrêter et désapprouver en plein chant les mauvais candidats chanteurs, le journaliste klaxonne après chacune des critiques faites pour mieux réprouver les attitudes négatives de la classe moyenne. D’après Ismail Xavier, la télévision apparaît ici « comme le lieu du démasquage […], où l’animateur d’auditoire, charlatan, provocateur fonctionne comme le grand anthropologue dévoilant la face de la nation1258». À la fin, le journaliste affirme qu’ils ne sont plus des Indiens, mais de simples être tropicaux. L’association du film au mouvement tropicaliste est corroborée par le fait que sa direction musicale a été confiée à Rogério Duprat, le chef d’orchestre responsable de la modernisation des arrangements musicaux du mouvement, qui a utilisé quelques chansons de Caetano Veloso et Gilberto Gil, entre autres chansons.

Macunaíma

Cette adaptation littéraire de l’œuvre du Moderniste brésilien Mário de Andrade, réalisée par Joaquim Pedro de Andrade en 1969, est le deuxième film de la troisième phase à chercher le dialogue avec les comédies musicales populaires dans une tentative de séduire le marché1263. Nous avons divisé le film en cinq parties et, pour mieux justifier certains partis pris de mise en scène, nous allons, aussi souvent que nécessaire, le confronter au livre. La première partie raconte l’enfance de Macunaíma au milieu de la forêt et le développement de son individualisme et de son mauvais caractère, ainsi que de son goût pour la paresse et pour le sexe. Dès le premier plan, relatif à la naissance de Macunaíma, le film montre la récupération de certains éléments typiques des comédies populaires brésiliennes. Nous y voyons l’acteur Paulo José travesti en mère, l’un des gags préférés des chanchadas, donner naissance à un Macunaíma déjà adulte, interprété par l’acteur Grande Otelo, l’une des principales vedettes du genre. Même si le livre commence par la description de la naissance du héros, la scène se passe de manière totalement différente. Le héros ne naît pas adulte et la mère est une Amérindienne de la tribu des Tapanhumas, ce qui démontre l’envie du réalisateur de plonger immédiatement dans l’univers du comique, ce qui était impensable durant les deux premières phases du cinéma novo. Au moment de la mort de la mère, au début de la deuxième partie, il y a encore une scène qui recherche aussi l’effet comique, tout en dénonçant la concupiscence et l’immoralité du héros. Lorsque les frères s’apprêtent à emporter le corps de leur mère, après un véritable festin, Jigué demande à sa petite amie, Iriqui, de rester auprès de Macunaíma, qui pleure beaucoup, afin de le consoler. Le héros, qui porte des vêtements beaucoup trop grands pour lui, s’arrête sur le seuil de la maison, enlacé à sa belle-sœur, dont il caresse sexuellement les fesses. En même temps, nous entendons la voix off du narrateur faisant allusion au deuil difficile de Macunaíma, qui se plaint héroïquement. L’image est presque la négation du discours du narrateur, comme si, lui aussi, avait En réalité, le film serait le troisième, car le premier est Garota de Ipanema, réalisé en 1967 par Leon Hirszman, 1263 mais ce film est très difficile à voir car le seul négatif existant est en très mauvais état, ce qui l’a empêché d’être inclus dans le programme de restauration des œuvres du réalisateur apparues en DVD ces dernières années. 709 été trompé par les fourberies du personnage. Cela fait penser, comme l’observe Robert Stam1264, à ce que dit Bakhtine sur la transformation comique de certains épisodes du quotidien dans les comédies d’Aristophane où « toutes les manifestations de moeurs et de la vie privée sont entièrement transformées […]. Elles perdent leur caractère privé ordinaire, prennent une signification humaine, malgré leur revêtement comique» où la mort devient un événement joyeux entouré « de victuailles, de boissons, d’obscénités et de symboles de la conception et de la fécondité1265 ». Après la mort de sa mère, le héros décide de quitter la forêt et de partir vers la ville, accompagné de ses deux frères, Maanape, Jigué et de sa petite amie Iriqui. Avant l’arrivée en ville, il y a l’épisode de la source enchantée qui transforme Macunaíma d’homme noir en homme blanc. Son frère Jigué, Noir lui aussi, essaye de devenir blanc mais la source s’arrête immédiatement et il n’arrive à blanchir que la paume de ses mains et la plante de ses pieds. Dans le film, cette courte séquence a un caractère purement comique, tandis que dans le livre elle est la responsable de la constitution des trois races formatrices du peuple brésilien. Chacun des trois frères y subit une transformation pour devenir le Blanc, le Noir et l’Indien. La troisième partie, qui insère le film de manière plus effective dans le contexte social et politique de la fin des années 1960, est consacrée à l’arrivée en ville et à la rencontre avec la guerrière Ci. Ils y arrivent dans un pau-de-arara, nom donné au camion improvisé comme transport public des immigrants et des travailleurs saisonniers du nord-est brésilien. Cette utilisation du pau-dearara 1266 peut aussi avoir une connotation politique étant donné que l’expression désignait aussi un type de torture très pratiquée par les militaires, particulièrement après l’instauration de l’AI 5. L’allusion au despotisme du gouvernement en place est renforcée par la voix du chauffeur du camion qui demande aux passagers de descendre rapidement car si le gouvernement les voit arriver, il fera arrêter tout le monde et les renverra à leur campagne natale « parce qu’il y a déjà trop de mendiants dans les villes». Maintenant, dit-il avec une voix sarcastique, « c’est chacun pour soi et Dieu contre tous», ce qui peut aussi dénoter le soutien de la majorité de l’Église Catholique au putsch. 

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