Les filières foncières et immobilières

Les filières foncières et immobilières

ÉTAT DE L’ART DE LA RECHERCHE

Il reste évident que les études sur les formes urbaines et les mécanismes de production de la ville ont été appréhendées par de nombreux auteurs qui ont présenté les premiers modèles de villes créées sur le littoral, mais aussi ses implications. A cet effet, cette partie dégage les visions développées par les différents auteurs qui se sont penchés sur ces questions afin de mieux étayer la portée de la recherche. Mizner W. disait : « si vous volez un seul auteur, c’est du plagiat, plusieurs, c’est de la recherche. », pour dire que cet exercice doit être une compilation d’idées critiques. C’est dans cette logique que nous nous inscrivons afin de donner à cette partie, consacrée à revisiter les discours, principes et idéologies des auteurs, la rigueur scientifique requise.

Urbanisme, un art et une science du processus de production des villes

L’homme s’est adapté à vivre dans des espaces aussi divers, que ce soit dans un milieu urbain ou rural. Cependant, l’évolution des sociétés humaines a favorisé la tendance à vivre de plus en plus dans un environnement urbain. Ainsi, « pourquoi choisissons-nous de vivre dans un environnement urbain ? Pourquoi certaines collectivités progressent-elles, tandis que d’autres meurent ? Pourquoi les centres-villes de plusieurs grandes agglomérations urbaines meurent-ils alors que d’autres prospèrent ? Est-ce un risque pour la santé d’habiter un milieu urbain à forte densité ? Manquerons-nous d’espaces pour l’expansion de nos villes ? » (101) . Ces questionnements que nous reprenons d’Andrews W.A. permettent de nous interroger sur les mutations que subit la ville. En effet, les villes sont organisées et planifiées pour gérer et prévenir les éventuels changements urbains. Quelle est la science qui s’occupe de l’organisation des villes ? Certes, on dira que c’est l’urbanisme (Cf. Cadre conceptuel). L’urbanisation est un processus, un phénomène spatial, qui marque le passage d’un espace rural à une zone urbanisée. Elle peut être planifiée ou non contrôlée. L’urbanisme peut être compris comme la science ou l’art de concevoir et de gérer la cité. Mais à quoi sert l’urbanisme dans les villes ? Les actes ou les modes d’intervention de l’urbanisme se résument dans les domaines suivants :  Tout d’abord, il sert à « planifier : ces analyses et représentations de la ville et de sa dynamique sont la matière première du planificateur urbain. C’est en lui en effet qu’appartient la responsabilité (conceptuelle) de changer le réel (…). Son ambition est d’agir sur les éléments qui structurent son développement : système de circulation et de transport, grandes orientations d’extension spatiale, principaux sites d’activités économiques… » (102) . La planification est l’une des vocations premières que l’urbanisme se doit d’effectuer dans le cadre de ses prérogatives. Et, la Petite Côte sénégalaise a fait l’objet d’une planification qui manifeste une ambition de faire de ce littoral, un espace propice à la promotion touristique. De plus, c’est un espace qui sert à reloger pratiquement de nombreux groupes sociaux venus de Dakar, la capitale sénégalaise, et des régions environnantes. Les collectivités locales de l’axe Somone-Mbour, comme pour le reste du Sénégal, ont joué un rôle important dans la planification de leur ville depuis le transfert de compétences en 1996. Aujourd’hui, les « planificateurs » (103) , on en compte beaucoup au-delà des acteurs institutionnels. Tribillon J.F. poursuit en affirmant que l’urbanisme consiste à : « diviser/affecter : c’est sans doute dans cette activité de division/affectation (…) que l’urbanisme montre son vrai visage. C’est en tout cas cette fonction de zonage ou zoning que la jurisprudence française a eu le plus de difficulté à accepter comme légitime et comme légale.» (104) . Dans les politiques de mise en œuvre des pratiques urbanistiques à l’exemple des Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU), des Plans Directeurs d’Urbanisme (PDU), des Plans d’Urbanisme de Détails (PUD) (105) , etc. les fonctions de division en zoning sont importantes, car elles permettent de mieux planifier l’espace en créant des unités urbaines spécialisées. Toutefois, il est dommage de constater que la plupart des Plans d’Urbanisme réalisés pour des villes africaines soient obsolètes (106) . Les Plans cadres élaborés pour les villes du Sénégal ne sont pas en reste. Le Plan Directeur d’Urbanisme de Mbour (1978) (107) , qui était à l’époque la seule commune de la zone, avait proposé un modèle d’occupation du  sol structurée afin d’harmoniser l’appropriation faite sur l’espace. De nos jours, il faut reconnaître que ce Plan cadre ne prend plus en compte les réalités actuelles, car la Petite Côte a subi de fortes mutations spatiales. L’urbanisme a également une autre portée qui n’est pas seulement le fait de planifier et d’affecter, il doit également « équiper : ce n’est pas suffisant de dire qu’on va localiser l’industrie dans cette prairie… Et si l’aménagement physique du sol se révélait, le moment des travaux venus, trop coûteux ? (…). Prédisions que la question de l’équipement, notamment de l’équipement d’infrastructures, ne se pose pas de la même façon à tous les niveaux et moments du travail d’urbanisme. Les options fondamentales sont prises par la grande planification urbaine qui a pour objet de penser l’équipement de l’agglomération dans sa globalité (mode de connexion de la voirie urbaine avec la voirie régionale ou nationale (…).» (108) . Souvent, certaines villes africaines sont connues par leur souséquipement pour des raisons liées à des choix politiques non pertinents ou par manque de moyens des collectivités locales. La Petite Côte sénégalaise, avec ses nombreuses unités urbaines qui s’agglomèrent et se succèdent en forme de chapelet sur le littoral, n’a pas une répartition équilibrée des équipements. Certaines communes à l’exemple de Mbour et Saly-Portudal sont beaucoup plus dotées en équipements que d’autres localités comme Somone et Ngaparou. Ceci dit, le souci pour une bonne répartition des équipements de services sociaux de base n’était pas pris en compte dans les choix d’installation. D’ailleurs, cette situation de déséquilibre de la répartition des équipements est à l’origine des mobilités et déplacements pendulaires de certains groupes sociaux à la recherche d’emploi ou d’accès à certains services sociaux de base.

Villes construites à partir du littoral

Le littoral, en tant qu’espace géographique, reste un lieu réceptif de migrants à la recherche de revenus ou d’un meilleur cadre de vie. Selon Tabar-Nouval M. C. « Comme tout lieu d’intense activité économique il représente une zone de grand enjeu économique. Aujourd’hui, les villes côtières et les secteurs littoraux urbanisés sont les lieux de vie et d’échanges économiques avec la mer les plus représentatifs » (126) . Mais le littoral a-t-il –  toujours été un lieu de convoitise ? Certainement pas, car bien avant de découvrir les apports de la mer, l’homme avait toujours renié cet espace géographique. Paulet J.P. dans son ouvrage Les villes et la mer, avance que « le littoral est demeuré jusqu’au XIXe siècle une zone répulsive qui était considérée comme un peu étrangère, barbare, etc. cette dangerosité provenait de plusieurs facteurs : tout d’abord les invasions, la piraterie, mais aussi les cyclones et ouragans déjà évoqués ; ainsi les marais, les étangs, les zones amphibies sont souvent malsains.» (127) . En effet, les appréciations premières qu’on se faisait du littoral étaient plutôt négatives. Auparavant, l’homme n’avait pas le monopole de la nature, car il n’avait pas une maîtrise sur les objets ou les phénomènes naturels et il était incapable de les manipuler à sa guise. Avec le temps, les hommes ont essayé de découvrir petit à petit ce mystère et ses potentialités premières pour s’installer auprès de la mer. D’ailleurs, Paulet J.P. apporte des éclaircissements pour montrer le nouveau regard porté sur le littoral, « il est impossible d’analyser l’urbanisation des littoraux sans comprendre la spécificité, à chaque époque, une société a des modèles d’appréciation de l’environnement» (128) . En effet, toutes les générations n’ont pas la même manière d’apprécier le littoral. Si certains ont toujours dramatisé la mer, d’autres ont eu une perception beaucoup plus positive sur le littoral par la suite. Il va se produire une véritable révolution au XVIIIe siècle marquée par une modification du regard porté sur les côtes. Herbert V., Deboudt P. et al, soutiennent (129) « Le littoral est un support pour les activités humaines qui se sont largement développées tout au long du 20e siècle, assurant le passage d’un « territoire du vide » (Corbin, 1988) au « littoral d’empoigne » (Paskoff, 1993). Les travaux de M. Robin et F. Verger (1996), de D. Noin (1999) et de l’IFEN (2000) apportent des chiffres éloquents sur ce tropisme littoral ». Les auteurs montrent à travers les publications des différents chercheurs, le changement de vision portée sur le littoral.  Cet ouvrage est très intéressant dans la mesure où l’auteur explique comment les villes côtières se sont construites et développées, à partir non seulement des données de l’histoire, du milieu naturel et de l’économie, mais aussi d’une approche plus sociologique sur l’imaginaire lié à la mer.Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette mutation de l’espace côtier qui est liée « à la révolution industrielle en Europe, aux nouveaux moyens de communication et à de nombreux facteurs économiques ou sociaux » (130) . Le contexte du temps des maçonneries dans les villes côtières africaines est différent de celui des villes côtières du nord. En Afrique à l’exemple du Sénégal, d’autres événements sont à l’origine de ce changement d’appréciation envers l’image portée sur le littoral.Selon Diop A., « l’occupation de cette zone littorale se serait effectuée entre le 10ème et le 17ème siècle par suite de mouvements migratoires venus de l’intérieur du pays. Au premier plan, les motivations économiques ont présidé au peuplement de ces espaces villageois à la recherche de nouvelles terres de cultures, diversification économique par la pêche et le commerce » (131) . La recherche d’un bien-être économique et du travail ont été les motivations premières pour les Sénégalais à occuper les côtes. Cependant, l’occupation du littoral de la plupart des villes africaines est liée à l’histoire coloniale. C’est dans ce contexte que Paulet J.P. soutient que « depuis très longtemps, les stratégies maritimes entraînent les civilisations sur les mers. Les Portugais longent les côtes de l’Afrique. Ces découvertes aboutissent donc à la formation d’empires coloniaux… » (132) . Le Sénégal n’échappera pas à cette situation. P. Vennetier pour parler des premières installations côtières affirme que « La naissance et les premiers développements d’un des plus anciens établissements européens en Afrique ; Saint-Louis du Sénégal, illustrent bien cette situation. L’embouchure du Sénégal avait été découverte par les Portugais en 1945 » (133) . Sur ce même principe, « c’est donc à partir des rivages que l’urbanisation se développe en prenant des formes différentes suivant le milieu et les coutumes des conquérants» » (134) . Une fois les installations effectuées sur le littoral, l’expansion s’est matérialisée en fonction de la nature du site, mais aussi suivant les réalités socioculturelles. Ces occupations initiales du littoral vont changer de configuration. Les populations, étant plus conscientes des opportunités de la mer, vont envahir de plus en plus les côtes. L’engouement porté à la mer et la vie sur les rivages ne cessent de s’accroître. Aujourd’hui, les zones côtières attirent de plus en plus, même si, dans l’armature urbaine, les stratégies d’aménagement sont orientées dans une volonté de rééquilibrer le territoire. Le processus d’urbanisation du littoral va s’accélérer eu égard aux opportunités qu’elles présentent en  terme d’offre d’emploi, de loisir, d’environnement agréable, etc. Sur ce, «on estime que 60% de la population mondiale vit à moins de 60 km du littoral, ce qui représente 3,6 milliards d’individus pour une population mondiale de 6 milliards en 2000, soit l’équivalent de la population mondiale totale en 1970 » (135) . D’ailleurs dans les projections de Paulet J. P. (2007), « en 2030 il est probable que presque 70 à 80 % de la population mondiale se localisera sur les zones côtières. La majorité des hommes vit aujourd’hui sur des bandes littorales avec des densités fortes et bien entendu variables : presque 600 habitants par km² en Asie de l’Est ou 200 en Afrique et  en Europe ou 65 en Amérique du nord. Globalement ces fortes densités sont à la fois importantes et grandissantes » (136) . Dans un document publié par le Ministère des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer de la République Française, il est noté que « les espaces proches du rivage sont les plus convoités. Il est nécessaire de les protéger, de veiller à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, d’éviter que l’urbanisation continue à s’étendre le long du rivage et inciter le développement urbain à s’effectuer en profondeur» (137) . Le développement des villes côtières est devenu actuellement un phénomène qui ne reste pas indiffèrent aux populations non avisées à plus forte raison aux acteurs institutionnels, politiques et universitaires. Les géographes se sont beaucoup investis dans des recherches liées aux activités exercées sur les côtes, mais également aux mutations de ces espaces. Empruntons, le propos de Michelet qui affirme « c’est par la mer qu’il convient de commencer toute géographie » (138) pour dire que le littoral reste un espace fondamental et d’enjeux pour la recherche des sciences géographiques. D’ailleurs, plusieurs études scientifiques ont été orientées dans des thématiques étroitement liées au littoral. Cela peut se comprendre dans la mesure où cet espace subit de nombreuses mutations, mais aussi il reste le lieu de rencontre de plusieurs groupes sociaux où des interactions y sont très fréquentes.

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Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
PREMIÉRE PARTIE : CADRE THÉORIQUE ET POLITIQUES PUBLIQUES PORTANT SUR LE FONCIER-BATI
CHAPITRE PREMIER : ÉTAT DE L’ART DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 2 : ARCHITECTURE CONCEPTUELLE ET NOTIONS THÉORIQUES
CHAPITRE 3 : ÉLÈMENTS MOTEURS ET CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES DE
L’URBANISATION DU LITTORAL SOMONE-MBOUR
DEUXIÈME PARTIE : FILIÈRES FONCIÈRES ET AMÉNAGEMENTS DU LITTORAL SOMONE-MBOUR
CHAPITRE IV : PRODUCTION FONCIÈRE : OPÈRATIONS, MODÉLES ET USAGES DU FONCIER
CHAPITRE V : AMÉNAGEMENTS FONCIERS : FORMES URBAINES ET EFFETS SÉGRÈGATIFS . 266
CHAPITRE VI : ACTEURS DANS L’ANIMATION FONCIÉRE : ENJEUX, STRATEGIES ET PRATIQUES
TROISIÈME PARTIE : ÉTUDE DU CADRE BÂTI ET MÉCANISMES DU MARCHÉ FONCIER ET IMMOBILIER
CHAPITRE VII : PRODUCTION IMMOBILIÉRE CROISSANTE ET AUX FORMES MULTIVARIÉES
CHAPITRE VIII : FILIÉRES DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION : LIEUX DE PRODUCTION, DE TRANSIT ET USAGES
CHAPITRE IX : APPROCHE NORMATIVE DES PRATIQUES D’OPÉRATIONS DE CONSTRUCTION
CHAPITRE X : MARCHÉS FONCIERS ET IMMOBILIERS DYNAMIQUES ET INFORMELS
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÈRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
LISTE DES ILLUSTRATIONS
ANNEXES

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