DEFINITION DE LA RESTENOSE
Le terme de resténose a été défini dans les années 1980, comme étant le processus par lequel l’artère coronaire traitée avec succès par angioplastie (ballon seul, ballon plus stent ou stent sans prédilatation initiale) tend à présenter un rétrécissement récurrent de son calibre au site traité (5,6). La mesure la plus habituellement utilisée par les cliniciens est le pourcentage de rétrécissement du diamètre artériel au site considéré. Dans ce cadre, l’angiographie coronaire quantitative est la méthode la plus objective et la plus reproductible. Il est à noter toutefois que ce critère est très imparfait et par conséquent très variable selon le diamètre de référence de l’artère. Ainsi, ont été établis de nombreux critères angiographiques de resténose, dont la plupart sont fondés sur des seuils définis arbitrairement. Les difficultés rencontrées pour définir la resténose sont à l’origine de la multiplicité des critères diagnostiques proposés dans la littérature. Steg a répertorié 11 définitions différentes (8).
La définition de la RIS la plus employée en clinique est la présence au contrôle angiographique d’une sténose supérieure à 50% du calibre artériel. Le seuil de 50% est fondé sur la probabilité d’induire une ischémie myocardique quand la diminution du diamètre de la lumière excède 50% (8). Cette définition pragmatique est souvent utilisée par le clinicien pour décider de la nécessité d’une nouvelle redilatation. Cependant elle reste mal corrélée à l’importance de l’hyperplasie intimale développée au site dilaté et tend ainsi à biaiser le groupe resténose vers les artères ayant été dilatées avec un résultat immédiat médiocre. Par ailleurs il est à noter que dans la pratique quotidienne cardiologique, il est plus courant d’utiliser la notion de resténose clinique qui correspond au nombre de réinterventions justifiées, par dilatation ou par pontage coronaire, suite à une resténose angiographique documentée responsable d’une récidive d’angor ou d’ischémie myocardique. Ainsi le taux de resténose clinique est plus faible que le taux de resténose angiographique et il existe dans la plupart des études un ratio de 1,5 à 2 entre ces deux valeurs.
Resténose après angioplastie au ballon
La réponse cicatricielle de la paroi artérielle à une angioplastie au ballonnet fait intervenir plusieurs processus : (9)
Remodelage vasculaire : C’est le facteur prédominant en l’absence de stent. Des études faisant appel à l’échographie endocoronaire avaient confirmé ces hypothèses (10). Le remodelage vasculaire correspond en fait aux changements de taille du vaisseau au site de dilatation. Il peut réduire la taille de l’artère et conduire à une resténose (remodelage constrictif) ou à l’inverse augmenter la taille du vaisseau (remodelage compensateur) et minimiser ainsi les conséquences de l’hyperplasie néo-intimale.
Hyperplasie néo-intimale : Le traumatisme vasculaire conséquent à la dilatation coronaire entraîne une réaction de croissance des cellules musculaires lisses aboutissant à la formation d’un tissu d’hyperplasie néo-intimale. Trois composantes sont à l’origine de cette hyperplasie néo-intimale : la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses ainsi que la synthèse d’une quantité importante de matrice extracellulaire. Dans les modèles expérimentaux aussi bien la prolifération que la migration sont deux phénomènes précoces. La production de la matrice extracellulaire est responsable de la croissance plus tardive du tissu néo-intimal avec une évolutivité persistante 2 à 3 mois après la dilatation. Beaucoup d’études histologiques sont actuellement en cours pour confirmer les résultats des études expérimentales chez l’homme et pour déterminer l’origine des cellules qui migrent vers le néo-intima, Proviennent-elles de la média ou de l’adventice ? C’est probablement le degré du traumatisme artériel qui explique que la prolifération des cellules musculaires lisses soit plus élevée dans les lésions longues de plus de 20 mm où la réendothélialisation est retardée et les dissections sont plus fréquentes ;dans les lésions calcifiées où le barotraumatisme est souvent marqué ; dans les angles et les bifurcations où les forces de cisaillement sont plus importantes et enfin dans les lésions excentrées où sont fréquemment observées des dissections de la média à la jonction plaque-segment sain. D’autres facteurs influencent cette prolifération : le diabète induit une prolifération plus importante des cellules musculaires lisses (rôle de l’IGF) ; le système rénine angiotensine aldostérone, la sérotonine, les catécholamines et la vasopressine peuvent favoriser la prolifération des cellules musculaires lisses activées, notamment en l’absence d’endothélium.
Thrombose : Ce facteur a été incriminé dans de nombreuses études expérimentales et cliniques (11). Son rôle reste faible comparativement aux mécanismes suscités. La thrombose est proportionnelle au degré du traumatisme vasculaire. Elle pourrait expliquer, au moins en partie, les taux de resténose élevés observés après angioplastie dans l’angor instable, dans l’infarctus sans onde Q et les pontages veineux. Elle pourrait aussi majorer la resténose par l’incorporation et l’organisation secondaire du caillot, la thrombine intervenant aussi en tant que facteur stimulant la prolifération des cellules musculaires lisses.
Resténose après implantation de stent : La resténose intra-stent est expliquée par des mécanismes physiopathologiques différents de ceux de la resténose après dilatation au ballon seul. Le remodelage vasculaire, principal mécanisme de resténose après dilatation au ballon, a un très faible rôle après l’implantation d’une endoprothèse. Son importance ne dépasse guère les 2 % selon les études échographiques endocoronaires (10). En effet, le stent en empêchant de manière quasi complète le phénomène de remodelage vasculaire dans sa forme constrictive a diminué le taux de resténose. L’hyperplasie néo-intimale est par contre significativement augmentée. Le traumatisme vasculaire initial entraîne une destruction de l’endothélium de surface, une destruction de certaines cellules de la paroi vasculaire, une adhésion et une agrégation plaquettaire. Il y a ainsi libération de divers facteurs de croissance (PDGF, FGF, TGF…), des phénomènes thrombotiques locaux et une réponse inflammatoire. Ces phénomènes initiaux sont à l’origine d’une activation des cellules musculaires lisses et de certaines cellules adventitielles fibromusculaires. Cette activation précoce est le résultat du changement d’expression de plusieurs gènes. Certains gènes sont activés (protooncogènes c-fos, c-jun, et c-myc) pendant que d’autres sont réprimés (facteur de transcription de Homéobox, gax et les régulateurs du cycle cellulaire p21, p27 et p 53) (12). Ces gènes réprimés ont une importance capitale en matière de prévention de la resténose intra-stent.
L’activation des cellules musculaires lisses permet de passer d’un phénotype contractile à un phénotype sécrétoire qui permet la prolifération, la migration et la synthèse de la matrice extracellulaire. Cette synthèse est fondamentale puisque 89 % du volume intimal est constitué de collagène, fibronectine et vitronectine… Le contingent cellulaire représente uniquement 11 % du volume total (13). La thrombose garde une place en matière de resténose intra-stent. En effet, la formation de thrombus stimule la prolifération cellulaire et constitue le lit de l’hyperplasie néo-intimale. La resténose intra-stent répond ainsi essentiellement au phénomène d’hyperplasie intimale lorsqu’elle se situe à l’intérieur de l’endoprothèse mais son mécanisme devient mixte, identique à celui de la resténose post ballon, quand elle se développe aux marges du stent. La resténose apparaît comme un processus réactionnel complexe et multifactoriel faisant suite au traumatisme direct de l’artère. Si les endoprothèses ont pu lutter de façon efficace contre les phénomènes de remodelage constrictif de la paroi artérielle après angioplastie au ballon, elles n’ont cependant pas aboli l’hyperplasie néo intimale, mécanisme principal de la resténose intra stent. Les nouvelles techniques d’explorations des artères coronaires telle que l’échographie endocoronaire, ont permis une connaissance plus précise de la physiopathologie de la resténose (10).
RIS sur stent actif
L’utilisation plus récente de stents actifs s’est révélée efficace pour la réduction du taux de RIS. De nombreux essais randomisés ont montré les bénéfices obtenus avec ces stents en termes de réduction de la resténose et des événements cardiovasculaires. Cependant les patients inclus dans ces études randomisées sont sélectionnés donc non représentatifs des patients traités en pratique clinique. Les résultats sont donc à considérer en fonction de l’effectif, des caractéristiques de la population et des caractéristiques du stent étudié. De nombreuses études comparant le stent actif au stent métallique trouvent un taux de resténose intrastent sur stent actif variant de 0 (TAXUS I) à 7,9% (TAXUS IV). Ainsi dans l’étude TAXUS IV (32), la plus large étude portant sur1314 patients comparant le stent TAXUS ®(slow release) au stent métallique EXPRESS®, le taux de resténose sur stent actif était de 5,5% (versus 24,4%). 0Dans l’étude SIRIUS (33) à propos de 1058 patients comparant le stent actif CYPHER, au stent métallique VELOCITY, chez des patients a haut risque de resténose (lésions longues sur petits vaisseaux), le taux de resténose sur stent actif à 8mois était de 3,2% (versus 35,4%). Plus tard ont été entreprises les études comparant les deux types de stents actifs ; l’une des plus larges est l’étude REALITY (34) à propos de 1353 malades. Les résultats de cette étude ne révèlent pas de différence significative entre le CYPHER et le TAXUS avec un taux de RIS à 9 mois respectivement de 3,2% et 7,5%.
Ces résultats ne sont pas confirmés par l’étude récente de WINDECKER (35) et coll ; comprenant 1012 patients et qui note un taux de RIS de 6,6 % pour le groupe CYPHER contre 11,7% pour le groupe TAXUS (différence significative). Les conclusions de cette étude sont en faveur de la supériorité du stent CYPHER par rapport au TAXUS dans la réduction du taux de resténose. Il est à noter que ces études dont les résultats sont très encourageants sont réalisées sur des séries dont les lésions traitées sont simples. Ainsi dans l’étude ISAR-DIABETES (36), à propos de 250 patients diabétiques, le taux de RIS était de 16,5% pour le stent TAXUS versus 6,9% pour le stent CYPHER. Dans l’étude d’ORTOLANI (37) et coll comparant les deux stents chez le sous groupe de 29 patients diabétiques de l’étude SES-SMART (diamètre de référence<2,75mm), le taux de RIS était de 25% pour le CYPHER versus 63% pour le TAXUS. Dans l’étude T-SEARCH (38) comprenant 110 patients et comparant les deux stents chez des patients présentant des lésions au niveau de l’IVA, le taux de revascularisation secondaire (assimilé au taux de RIS ) était de 9% dans le groupe CYPHER contre 11% dans le groupe TAXUS.
La resténose symptomatique
Dans ce contexte particulier se pose un problème nosologique. Autant il est facile de distinguer les syndromes coronariens aigus (SCA) avec ou sans sus décalage de ST, autant il est difficile de préciser si une récidive angineuse à l’effort récente chez un patient ayant bénéficié d’une angioplastie avec stent est en rapport avec une lésion de resténose instable ou stable. Le pourcentage de patients symptomatiques suite à une resténose après ATC au ballonnet est similaire à celui observé après pose de stent. En effet, dans une méta-analyse incluant 2690 patients issus de 10 études différentes randomisées avec un suivi clinique et angiographique à 6 mois (47), Ruygrok et Coll. trouvent une fréquence de resténose parmi les 1469 patients ayant bénéficié d’un stent de 16% dont 42% sont symptomatiques. Les patients ayant présenté une resténose après dilatation au ballon sont symptomatiques dans 47% des cas, avec une différence non significative (p=0,317). Une autre méta-analyse incluant plus de 3000 patients avec un suivi de 3 à 6 mois montre que deux tiers des patients avec une resténose angiographique ont un angor typique (48).
Par ailleurs, à l’issue des études cliniques faites après dilatation au ballon, il est classique de dire que la resténose s’exprime le plus souvent par une récidive des douleurs angineuses et très rarement par la survenue d’un IDM avec onde Q (<2%) ou une mort subite (<1%) (49). En effet, contrairement aux lésions coronaires d’athérosclérose de novo qui peuvent se rompre brutalement occasionnant un SCA, la lésion de resténose fibrocellulaire se développe de façon progressive se traduisant le plus souvent par une symptomatologie d’effort ou une ischémie lors des tests non invasifs (48). Néanmoins, la présentation clinique de la RIS peut être plus sévère. En effet, Bossi et Coll (50) retrouvent dans leur série que 53.7% des patients ayant une RIS se présentent avec un angor instable et 3,5% avec un IDM. Il en est de même pour Walters (51), reprenant une série de 262 patients présentant une resténose symptomatique (191 RIS et 71 resténoses après dilatation au ballon), qui note que la RIS se manifeste souvent par un SCA (68%) (20% ST+ et 48% ST-). Il a par ailleurs souligné le fait que l’implantation d’un stent est le seul facteur prédictif indépendant de survenue d’un SCA comme présentation clinique de la resténose (OR= 2,02 ; p=0,038) et que cet accident était la conséquence d’une resténose sévère (> 80 %) constituée à l’intérieur et/ou au niveau des bords de la prothèse. Ce résultat est confirmé angiographiquement par la présence d’un thrombus intra luminal dans 9% des RIS contre 0 % des resténoses au ballon (p=0,02). En effet, l’implantation du stent entraîne une réponse tissulaire plus intense ayant des caractéristiques thrombogéniques servant de substratum au SCA.
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