Les facteurs influençant le fonctionnement des communautés de pratique, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.
Processus de socialisation et d’apprentissage
Cette deuxième thématique a pour objectif de mettre le point sur les liens qui se développent entre les membres, l’atteinte des objectifs des participants, ainsi que le niveau d’appartenance à la communauté et le cycle de vie de celle-ci qui sera présentée en comparaison avec le cas référence.
• Les liens entre les membres
Une communauté de pratique se caractérise par la force des liens sociaux qui unissent ses membres. Ces liens sociaux sont considérés comme la résultante de l’engagement des participants dans une pratique commune pour le développement des connaissances et des compétences. À travers l’observation, on constate que la CoP A se caractérise par un groupe très dynamique, qui est ouvert au partage des expériences. Les membres s’écoutent et se respectent. Même en étant des concurrents dans le milieu professionnel, une relation d’amitié les réunit et leur permet de s’entraider sans retenue. La CoP A se caractérise par une bonne ambiance, une grande énergie, humour et amitié, un grand intérêt envers les problématiques ainsi que beaucoup d’interactions. L’animatrice de la CoP A croit qu’il existe un attachement qui s’est créé entre les membres de son groupe : « Moi je dirais vraiment une complicité et un désir d’être ensemble, ils s’ennuient quand ils ne sont pas ensemble, ils s’aiment et ils s’apprécient. Je pense vraiment qu’il s’est créé quelque chose entre eux, il y a un attachement entre les membres, je ne sais pas il y a comme un fil invisible qui les relie, on dirait qu’ils ont envie de prendre soin l’un de l’autre. Il y a vraiment une camaraderie ces participants souffrent de solitude je pense et viens pour combler cette solitude professionnelle. »
Malgré le peu de rencontres de la CoP B l’animatrice a constaté que les gens qui viennent à cette communauté sont des gens passionnés par le sujet et que ces derniers désirent développer leurs connaissances et compétences à travers leur engagement :
« Ils étaient super heureux de se revoir il y avait beaucoup de conversations informelles en début de rencontre, je crois qu’ils ont à ceux qui se sont revus par après, donc c’est ça, c’est beaucoup sur le respect, heureux d’être là de se retrouver ensemble sur un sujet qui nous tiens tous à cœur. Surtout pour des gens qui n’en font pas tant, mais qui ont le désir d’en faire vraiment ça vient du cœur. »
Cette motivation des membres est au cœur du processus d’apprentissage. En effet, plus les membres sont motivés plus ils partagent activement leurs connaissances en raison du sentiment de confiance, de cohésion et de la communication positive. L’animatrice de la CoP B trouvait que les liens qui regroupent les intervenants sont très importants dans la mesure où « Ils se disent tout à cœur ouvert, puis n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensaient même s’ils n’étaient pas toujours en accord ou qui voyait ça de façon différente, c’est ça il y avait un beau respect dans l’écoute puis ce qui facilitait l’ouverture des gens ».
Selon la perception des animatrices des Cops, les liens qui unissent les participants sont la confiance, le plaisir de se retrouver, l’ouverture, la transparence et le respect. En effet, dans les deux CoPs il s’agit bel et bien de communautés spontanées de partage de connaissances et de pratiques exemplaires.
Les résultats du questionnaire concernant l’importance des liens entre les membres de la CoP A offrent un aperçu de ce qui importe le plus pour réussir une communauté de pratique. Selon la perception des participants, outre la complémentarité et l’engagement mutuel, tous les liens (professionnalisme, transparence, confiance, ouverture, réciprocité) ont le score le plus élevé de l’échelle de Likert. Cependant, le respect se situe en tête de liste de ce qui relie les membres de la communauté de pratique. Il est suivi par le professionnalisme, la transparence et l’ouverture. Le score de la complémentarité peut être expliqué par l’homogénéité de la CoP observée. Malgré le principe de normalisation supposé par la CoP, la réussite de celle-ci n’est pas toujours garante d’homogénéité.
• Niveau de participation
Les liens entre les membres se reflètent également à travers leur niveau d’engagement et de participation à la communauté de pratique. L’observation et la comparaison entre les deux communautés de pratique nous a permis de voir la différence entre les niveaux de participation des individus.
Tandis que la CoP A se compose de participants qui évoluent vers le cœur de la communauté (donc d’une participation très active) au fur et à mesure que le temps passe et que liens entre les membres se solidifient. La CoP B, quant à elle, est constituée de membres qui n’ont pas le même niveau d’engagement. Évidemment, la CoP B a été dissoute. Mais on peut y voir une évolution graduelle contraire (du cœur vers l’extérieur). Une observation sur une plus longue période aurait été nécessaire. En effet, lors de l’entrée dans une communauté, la participation est souvent périphérique et devient plus active à fur et à mesure que les participants s’impliquent, participent et gagne de l’expérience dans la pratique.
Selon l’animatrice de la CoP B, ce manque d’engagement et de participation s’explique par le nombre de participants et leur niveau d’expérience :
« En fait qu’on n’était pas assez et surtout le fait que le groupe a remis en question de la pertinence de la communauté parce que on est rendu très peu et très peu mature en termes d’expérience en transfert d’entreprise ».
La composition de cette communauté combinée au fait qu’elle soit dans un premier stade de développement semble avoir fait en sorte que ses participants étaient moins actifs et parfois même absents. Les figures ci-dessous schématisent le niveau de participation des membres des deux communautés de pratique.
Figure 13 : Le niveau de participation à la CoP A
Source : Adapté de Wenger et al., (2002)
La première figure décrivant la CoP A reflète une participation active. La quasi-majorité des membres assiste à l’intégralité des rencontres et activités, tandis qu’il n’existe pas de participation périphérique. La deuxième figure nous montre un cas typique d’une communauté de pratique à participation non-active. Le cœur de la communauté n’est composé que par l’animateur qui essaye de convaincre les participants de devenir plus actifs. Cela peut être expliqué par le jeune âge de cette entité ainsi que par sa composition
Figure 14 : Le niveau de participation à la CoP B
Source : Adapté de Wenger et al., (2002)
• Cycle de vie de la communauté de pratique
Le cycle de vie prévoit cinq étapes de la vie d’une communauté, jusqu’à ce que celle-ci atteigne la maturité. Au début, à partir d’un réseau plus ou moins formel de personnes, la communauté se trouve au stade de potentiel. Elle passe ensuite à l’étape d’unification, puis de maturité. Elle atteint alors un momentum, et ensuite un stade de transformation (Wenger et al., 2002).
Dans le cas de la communauté de pratique A, on constate clairement un développement au niveau de cycle de vie qui vient simultanément avec le développement des participants, des activités et des pratiques. Selon l’animatrice de ce groupe, la CoP A se situe quelque part entre la phase de momentum et la dernière phase de transformation.
Il est vrai que durant les premières rencontres observées il a été facile de s’apercevoir que la communauté était dans la phase de maturité. On sentait facilement la complicité entre les membres, le sentiment d’appartenance, et l’engagement mutuel des membres, et par conséquent, la CoP avait son identité et avait déjà trouvé sa légitimité. Il était donc possible de mesurer la création de valeur en termes de partage de connaissances et de développement des compétences. Toutefois après quelques mois (deux rencontres) et malgré des hauts et des bas, un événement interne à la communauté a déclenché un certain débat sur la raison d’être de la communauté. En effet, un membre essayait de proposer de nouvelles manières de faire, de nouveaux projets. L’animatrice cherchait alors à gérer les tensions, à préserver la pertinence du sujet d’intérêt, ainsi qu’à maintenir l’intérêt intellectuel et émotif des membres. Cela peut entraîner ensuite un processus de transformation de la communauté.
« Je pense que ce membre a atteint le point d’inflexion ou lui ne ressent plus l’intérêt de la CoP. C’est ça je l’ai senti la dernière fois. » (Extrait, animatrice de la CoP A)
La figure ci-dessous illustre le cycle de vie de la CoP A.
Figure 15 : Cycle de vie de la CoP A
Source : Adapté de Wenger et al., (2002)
La durée des étapes est bien sûr différente selon la communauté et il n’y a pas de norme à cet égard, mais la plupart des recherches, dont la nôtre, indiquent qu’il faut plusieurs mois avant qu’une communauté arrive au stade de la maturité et produise des résultats concrets.
Contrairement au cas A, notre cas référence était toujours dans la phase de découverte des potentialités lors de notre observation. Les participants essayaient de définir le domaine d’intervention, et identifier les besoins en connaissances. « Je te dirai parce que là on a eu deux rencontres. Fait qu’on a été à ce stade-là on réapprenait un peu à se connaitre davantage et que rapidement après on est passé au stade ou on remet en question le groupe » extrait de l’entrevue avec l’animatrice de la CoP B.
Les membres du groupe ainsi que l’animatrice préparaient le lancement des activités de la CoP, d’identifier les idées et les pratiques qui sont au cœur des échanges, et essayaient de bâtir les relations de respect et de confiance. Selon l’animatrice du groupe, ce dernier est passé directement
à la phase du momentum : « On a comme tout de suite remis en question le groupe, la raison d’être, sans passer par les autres phases ».
En réalité, la communauté de B est restée au stade de la découverte des potentialités sauf qu’un certain moment les participants et l’animatrice ont cru que c’était bien fondé puis qu’ils étaient prêts pour commencer les activités programmées sans prendre le temps de tisser des liens intenses entre les membres. Cela s’est répercuté sur la continuité de la communauté. En plus du fait que le groupe n’était pas homogène, les membres ne parlaient pas le même jargon vu qu’ils ne venaient pas du même domaine professionnel et ne sont pas forcément conscients des problématiques de transmission à cause de leur manque d’expérience dans le domaine. Ces participants cherchaient plus de la formation qu’une appartenance à une communauté de pratique, le lieu de socialisation qui a pour but d’améliorer la pratique de créer les « best practices », d’échanger les expériences et de développement des compétences et des capacités. La figure ci-dessous illustre l’évolution du cycle de vie de la communauté de pratique de B.