Les facteurs et le manifestations de l’érosion des sols

Les causes naturelles de l’érosion

Dans ce chapitre nous nous intéressons particulièrement à l’érosion éolienne et hydrique.
Le choix de ces deux formes d’érosion s’explique par leur représentativité dans tout le bassin arachidier et surtout dans cette partie du Saloum.

Les facteurs naturels de l’érosion

Selon le Centre de Coopération Internationale en Recherches Agronomiques pour le Développement (CIRAD 1996), les processus de mobilisation et de transfert sont conditionnés par l’équilibre relatif entre :
-des facteurs agressifs (combinaison pente/gravité, énergie cinétique des gouttes, énergie cinétique des eaux de surfaces, énergie cinétique des particules transportés par le vent) ;
-des facteurs résistants dus aux caractéristiques mécaniques du matériau (cohésion dépendant de la texture, de la structure, de l’état hydrique et du chevelu racinaire et de la stabilité structurale dépendant de la matière organique et du Ph) et dus à l’état de surface (existence d’une couche protectrice, en couvert végétal ou en mulch, rugosité).
Parmi ces différents facteurs nous allons nous appesantir sur les facteurs morpho-pédologiques, climatiques, phytologiques.

Les facteurs morpho-pédologiques

Ils se subdivisent en deux catégories : la topographie et la nature et l’état du sol.

La topographie

En dehors des facteurs climatiques, la pente topographique joue un rôle déterminant dans la dynamique érosive notamment sur le ruissellement. La pente y intervient par sa longueur et son inclinaison :
Dans le milieu d’étude la longueur de la pente au niveau du bassin versant nord, dans les secteurs de Darou Kahi, Ndamol Mboul et Khendé demeure un élément important dans l’accélération de l’érosion au niveau du bas glacis. Ainsi les lames d’eau que le sol n’arrive pas à absorber dansles parties les plus hautes de la toposéquence rejoignent celles de la partie aval entrainant du coup une augmentation de la lame d’eau ruisselante. Cet accroissement de la quantité d’eau à la surface du sol produit un effet abrasif et de destruction des agrégats. L’augmentation de sa vitesse par la gravité arrache aux sols une quantité importante de particules et peu aussi être à l’origine de la concentration des eaux.
La déclivité de la pente topographique est aussi un facteur fondamental dans l’accélération du ruissellement et de l’érosion au niveau des deux bassins versants qui forment la vallée. En effet, l’importance des pentes (6 à 12%) dans le plateau cuirassé et latéritique dans les secteurs de Paffa et de Gadiaga et la faiblesse du couvert végétal, ajoutée à la faible perméabilité des sols augmentent les taux de ruissellement. Ainsi, les eaux de pluie n’auront pas le temps nécessaire pour s’infiltrer. De ce fait, l’eau commence a ruisselé et toute augmentation de la pente accroit la vitesse du ruissellement et de l’érosion. C’est pourquoi Fauck R. en 1964 écrivait « si du fait de la pente, la vitesse de l’eau double, la force érosive est multipliée par 4 et la quantité de terre entrainée est quadruplée (…) ». Ce phénomène est très visible au Sud est et au Nord-est de Darou Mbané ou la couverture du sol par des formations de guierra senegalensis est incomplète avec des pentes relativement importantes. Par ailleurs, Roose en 1967 à Sefa a pu démontrer un accroissement proportionnel entre quantités de sols érodés sous culture arachidière et la pente topographique (cf tableau 8). Ce tableau donne une idée de l’importance des quantité de sol transporté chaque année au niveau des glacis fortement cultivé dont les pentes avoisinent les 2% à Dianké souf, Ndodj et Sorokogne.

La nature du sol

Les phénomènes d’érosions hydriques et éoliennes sont fortement influencés par les propriétés physiques et chimiques du sol (stabilité structurale, taux de matière organique et capacité d’infiltration). Selon Roose (1977) « le sol n’est pas indifférent aux forces d’arrachement auxquelles il est soumis (…). La texture des différents horizons, par le biais de la perméabilité, modifie directement l’une des causes de l’érosion : le ruissellement (…) ».
Autrement dit, les mécanismes d’érosions par l’eau et le vent dépendent en grande partie de l’état du matériau attaqué, notamment la texture et la structure du sol. Ainsi, l’érodibilité d’un sol dépend de la cohésion des particules qui s’agrègent grâce à des substances tels que la matière organique, les argiles, les matières azotées etc. Par ailleurs, les sols sableux et sablo-limoneux sont sensibles à l’érosion éolienne tandis que les sols limoneux ou argileux dont la capacité d’infiltration est un peu faible sont plus sensibles à l’érosion hydrique. C’est la texture qui nous permet de connaitre le degré d’érodibilité des sols. En effet l’instabilité structurale des sols est connue à partir du calcul de l’indice d’instabilité de HENIN (Is) selon la formule suivante.

Les sols ferrugineux tropicaux lessivés

Ces sols qui occupent toute la partie nord de la vallée de Darou Kahi jusqu’à Selly sont très sensibles à la déflation par le vent et les eaux de ruissellements à cause du faible taux d’argile.
Cette sensibilité aux deux formes d’érosions découle de la structure sableuse et sablo-argileuse des horizons superficielles. Selon le ministère de la coopération et du développement, la nette prédominance de la kaolinite dans la fraction argileuse du sol, fait qu’en hivernage les pluies agressives produisent des effets de tassement, de battance et de dégradation de la structure. Cette dégradation se manifeste par une faible cohésion des éléments et une sensibilité accrue à la mobilisation éolienne.

Les sols rubéfiés polyphasés

Du fait de l’hétérogénéité des différents éléments qui les composent, les sols rubéfiés polyphasés sont très sensibles au ruissèlement. La formation par endroits, d’un horizon rubéfié et parfois compact bloque l’infiltration et favorise la saturation plus ou moins tôt du sol. Cet engorgement rapide produit une érosion en nappe très intense qui se traduit par un affleurement de l’horizon rubéfié.

Les sols hydromorphes

Par rapport aux autres formations pédologiques, les sols hydromorphes sont moins sensibles à l’érosion éolienne et hydrique que les autres types de sols. Cela est dû, à un taux d’argile élevé qui fait que ce type de sol à une stabilité structurale très importante.
Cependant, il faut noter que les hydromorphes ou « deck » sont très sensible au splash à cause de l’importance des particules fines et le colmatage des pores sous l’action de la pluie, ce qui fait que, ces sols sont très propices au déclenchement du ruissellement. En définitive, admettons que la stabilité structurale de ces différentes formations pédologiques a été profondément modifiée par le climat et les activités humaines.

Les facteurs climatiques

Le climat est le premier facteur d’érosion en milieu tropical semi aride. Parmi ses différents éléments qui interviennent dans la dégradation des sols, nous pouvons retenir la pluviométrie, le vent, la température, l’évaporation et l’humidité.

La pluie

Les précipitations reçues au niveau du poste pluviométrique de Kaffrine présentent des intensités fortes, notamment celles liées aux lignes de grains. Considérée comme la hauteur d’eau tombée en une durée déterminée, l’intensité de la pluie joue un rôle à deux niveaux: l’énergie cinétique des gouttes d’eau détruit la structure de la surface du sol ; saturation de la porosité entrainant un refus d’infiltration et les agrégats du sol se désagrègent (CTFT, 1979). Par ailleurs l’énergie cinétique des gouttes d’eaux est le premier élément déterminant dans l’érosivité des pluies. Elle est obtenue par la formule suivante.

Les vents

Le vent peut être considéré comme un facteur agent dans l’érosion des sols. Il agit sur le substratum par sa vitesse, sa direction et ses variations journalières. L’une des caractéristiques du pouvoir érosivif du vent est sans nul doute sa force qui se manifeste à travers sa vitesse.
L’efficacité morphologique du vent repose sur une vitesse seuil supérieure ou égale 4m/s, mais aussi sur l’état du couvert végétal et la nature du sol notamment la fraction érodable, la rugosité et l’humidité. Par ailleurs, les vitesses moyennes du vent dans la région, de 1984 à 2013 varie entre 1,6m/s en Septembre et 3,6m/s au mois d’Avril. Ces vitesses croient régulièrement à partir du mois de Janvier jusqu’au mois d’avril avant d’amorcer un baisse sensible à partir de juin (tableau 9). Les vitesses élevées du vent en saison sèche affectent considérablement les sols sableux des glacis et des plaines à granulométrie moyenne. Hors, la fraction érodable du sol est constituée par des particules de sol dont le diamètre est inferieur à 0,84mm et peuvent être transportées par le vent. C’est pourquoi l’érosion éolienne est plus forte dans les zones de cultures notamment les champs d’arachide à sols meubles et sableux qui restent toute la saison sèche à découvert. Ainsi, la partie nord de la vallée est plus sensible à la mobilisation éolienne que la partie sud à cause de la présence dans la vallée de plusieurs formations végétales qui brisent l’action du vent.

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La température, l’insolation et l’évaporation

Partie intégrante de la zone tropicale semi-aride à saisons très contrastées, le milieu d’étude est caractérisé par une forte insolation moyenne, plus marquée en saison sèche. Le rayonnement solaire qui conditionne durant cette période les températures et la reprise par évaporation de l’humidité du sol joue un rôle très important dans la dessiccation des sols argileux du thalweg et des bas fonds et la minéralisation de l’humus de la couche superficielle du sol. Mais, l’assèchement plus ou moins rapide est aussi fonction du type de sol (tableau 10).
Les fortes températures dessèchent trop vite les sols sableux notamment dans les champs d’arachide de Darou mbané et le Nord-est de Dianké Souf, dont la couverture en paille ou végétale est faible. Ils entravent l’activité racinaire dans son fonctionnement, minéralise l’humus de la couche superficielle du sol et par conséquent entraine la formation d’une croûte de battance en son sol limoneux sous l’effet de la pluie et une destruction des sols sableux. (Reijntes. C et al. 1995). Ce phénomène est très présent sur les glacis sablo-limoneux de Khendé avec des sols à texture fine, fortement exploitées à des fins agricole.
L’efficacité de la désagrégation et de la dessiccation est liée d’une part à l’alternance brutale d’une saison pluvieuse et d’une saison sèche et d’autre part aux successions quotidiennes de dilatation diurne et de rétraction nocturne.
Ces fortes amplitudes thermiques, sont aussi à l’origine du démantèlement de la cuirasse au nord ouest de Paffa par la fissuration des blocs de pierre, ainsi que des fentes de retraits dans les sols argileux des bas fonds.

La nature et l’état de la végétation

La végétation joue un rôle de fixation de la couche superficielle du sol en augmentant sa perméabilité et du coup l’infiltration mais aussi la matière organique renforce la cohésion du sol. Selon le PNUD (1984), la végétation constitue la meilleure protection contre le vent car elle brise sa vitesse et réduit les surfaces de terrain soumises au vent ; limitant ainsi le processus de saltation. Elle tempère aussi l’énergie cinétique des gouttes de pluies par son feuillage.
Cependant, dans la région la végétation étant clairsemée, avec beaucoup de cordyla pinnata dans les champs, des reliques de forêt claire dans les bas fonds de la vallée et un tapis herbacé bien fourni mais qui disparait en saison sèche. La protection étant faible, le sol reste durant toute la saison sèche découvert sans aucune protection contre le vent. Ce dernier transporte accumule des plateaux aux bas fonds. En début d’hivernage, les précipitations orageuses, avec leur forte intensité se manifestent par véritable prise de masse.

Les facteurs anthropiques

L’homme, à travers ses différentes activités agricoles et pastorales participe à bien des égards à la dégradation de son capital pédologique. Cette destruction se manifeste par une pression sur la ressource, des pratiques agricoles inadaptées et le surpâturage.

La pression démographique

La pression sur les ressources naturelles semble être la réponse la plus adéquate face à une croissance démographique de plus en plus forte. La colonisation agricole dont la région fait l’objet est à l’origine de l’extension des surfaces cultivées. Pendant longtemps, les espaces non cultivés ont pu constituer des réserves qui étaient progressivement exploitées pour répondre à l’accroissement des besoins et absorber une force de travail en augmentation. Mais la croissance continue et rapide de la population depuis les années 1950 s’est traduite par une saturation plus ou moins tôt de l’espace agricole.
De 68153 habitants en 1988, la population vivant le long de la vallée a atteint 114663 habitants en 2010. Ce qui fait une augmentation de 46510 habitants, soit une croissance de 40,5% en 22 ans. Cet accroissement fulgurante de la population a fait que les ressources pédologiques deviennent donc rares tant qualitativement que quantitativement. Cette saturation rapide de l’espace agricole est selon la FAO et le CTA (1994), due à la dégradation du milieu, mais aussi à la part croissante prise par les cultures de rente encouragées par les pouvoirs publiques et favorisée par la monétarisation progressive de l’économie domestique. Ils s’y ajoutent, la diffusion de nouveaux moyens techniques (tel que le matériels de culture attelée) qui permettent de réduire considérablement le temps de travail. Depuis quelques années, nous assistons à des défrichements pour la mise en culture de terres marginalement aptes, en raison des contraintes liées à leurs textures, l’hydromorphie ou des problèmes d’accessibilité.

Les pratiques agricoles

Les enquêtes effectuées sur le terrain durant notre séjour, nous ont permis de mieux comprendre les impacts des pratiques agricoles sur la dynamique de l’érosion. Il s’agit des procédés culturaux, des techniques culturales et des pratiques antiérosives.

Les procédés culturaux

Les résultats obtenus à travers les enquêtes, révèlent que 51% des chefs de ménages pratiques la rotation des cultures. Cette pratique consiste à alterner des cultures dans un champ d’une année à l’autre. Mais, cette pratique est parfois bouleversée par les contraintes du milieu ; par exemple les mauvaises campagnes agricoles sont, parfois la cause d’un manque de semences ou un champ qui devait être cultivé d’arachide est remplacé par du mil. Par contre, si les semences sont abondantes, ils peuvent cultiver d’arachide deux ans successifs sur une même parcelle. En effet, 17% de cet échantillon affirment pratiquer l’association des cultures qui leur permet de maximiser les rendements. Il s’agit par exemple de cultiver dans une même parcelle plusieurs variétés de cultures comme de l’arachide plus du niébé. Par contre, 11% d’entre eux laisse un champ se reposer dans le but de reconstituer sa fertilité. Mais cette jachère n’est appliquée qu’au moment ou le champ n’est plus productif c’est-à-dire « une jachère obligée ».Or la jachère qu’elle soit naturelle ou améliorée réduit ou annule les pertes dues à l’érosion.

Les pratiques antiérosives adoptées

Les ouvrages antiérosifs sont presque inexistant dans le milieu, car 64% de l’effectif interrogé n’ont rien entrepris pour faire face à l’érosion. Par ailleurs 13% seulement laissent pousser quelques arbustes dans leur champ à condition qu’ils ne rendent pas difficile la culture attelée. Quant à l’utilisation des fertilisants organiques 17,5% de la population l’effectuent. Cependant les ouvrages comme les cordons pierreux ne sont pratiqués que par 0,5% de la population ; et 3% pour les haies.
Tous ceux-ci démontrent que différentes formes d’érosions hydriques et éoliennes ont de beaux jours devant eux, au vu de l’inattention des populations à l’égard du phénomène.

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