Les facteurs de variation du CAU
Au cours des 15 dernières années, la majorité des travaux entrepris pour étudier les conditions d’absorption de l’azote par les végétaux (quantités absorbées, vitesse d’absorption, vitesse de minéralisation, facteurs influant sur l’organisation, etc.) ont été réalisés à partir de l’utilisation de l’isotope stable ¹⁵N de l’azote 14N. Le développement des méthodes analytiques, notamment la spectrométrie de masse, a permis de quantifier de façon précise la proportion d’isotope 15N retrouvé dans la plante, par rapport a ce qui avait été apporté au sol au moyen d’un engrais artificiellement enrichi en ce même isotope.
Les techniques d’analyses et de calcul ont été décrites par de nombreux auteurs en France, en particulier GUIRAUD et FARDEAU 1977, VONG 1987, RECOUS 1988.
La conséquence de ces multiples travaux se traduit par la publication de beaucoup de résultats sur les valeurs observées et les conditions de variation du coefficient réel d’utilisation de l’azote (CRU). En revanche, les travaux sur le CAU sont relativement peu nombreux.
Toutefois, même si comme cela a déjà été dit, ces deux coefficients sont très souvent différents, plusieurs travaux (REMY 1984, CHENET 1985, MACHET 1987) montrent qu’ils varient généralement dans le même sens. Aussi, nous nous autoriserons à retenir les mêmes facteurs pour expliquer les variations du CAU que ceux retenus pour le CRU.
La synthèse sur cette question réalisée par MACHET et al en 1987 à l’occasion du colloque « connaissances nouvelles pour une fertilisation azotée raisonnée », ainsi que l’abondante bibliographie effectuée par PLAS dans le cadre de sa thèse soutenue en Octobre 1992 permettent de cerner les principaux facteurs de variations du CRU et du CAU, cités par les différentes équipes ayant travaillé sur ce thème.
La dose totale apportée
Dans la plupart des expérimentations répertoriées, on n’observe pas de variation importante du CRU ou du CAU lorsque les doses étudiées restent dans la gamme 50 kg.ha⁻¹ à 250 kg.ha⁻¹. Au delà, compte tenu de l’incapacité de la plante à s’enrichir indéfiniment en azote, le coefficient d’utilisation baisse lorsque la dose augmente (BROADBENT et CARLTON, 1978).
De même certains auteurs signalent des baisses du CRU pour de faibles doses (CHABALIER et al, 1975). Il n’est pas impossible que cet effet soit du à une part plus importante du 1er apport dans la dose totale, (PLAS, 1992).
Nous verrons plus loin que cet aspect concernant la relative constance du CRU, quelle que soit la dose, est important pour justifier du choix d’une valeur de CRU ou CAU unique à l’optimum de la courbe de réponse.
La date d’apport
Là encore, les résultats des très nombreuses expérimentations menées sur ce thème, convergent vers la même conclusion : le coefficient d’utilisation de l’engrais augmente avec la date d’apport. Les deux explications généralement avancées sont:
– une augmentation de la capacité d’absorption de la plante
– une augmentation des besoins instantanés .
Ces résultats ont conduit à confirmer les préconisations concernant le fractionnement:
– réalisation d’un premier apport correspondant à une dose faible (besoins instantanés et capacité d’absorption limitée) 1/3 de la dose totale ou moins selon l’état de croissance recherchée au 2ème apport (MEYNARD, 1985)
– deuxième apport plus important correspondant à la période de besoins maximum.
– troisième apport éventuel, tardif pour enrichir la céréale en protéine.
la forme de l’engrais azoté
Les travaux les plus récents concernant l’étude de l’assimilation de différentes formes d’engrais ont été conduits par RECOUS (1988) qui constate:
– une augmentation systématique du CRU de la forme nitrate par rapport à la forme ammonium ou urée (surtout entre le 2ème apport et la floraison).
– une préférence marquée par les micro-organismes du sol pour organiser prioritairement la forme ammonium.
– une indépendance de la forme, en terme de quantités absorbées à la récolte, ce qui compte tenu des remarques précédentes, traduirait des contributions réelles du sol différentes (Ndfs) en fonction des formes et permettrait donc de conclure à des valeurs de CAU indépendantes de la forme.
Les facteurs limitant la croissance et la capacité d’assimilation de la plante
Les principales causes de variation du coefficient d’utilisation de l’azote qui peuvent être recensées dans ce chapitre relèvent des interactions de l’azote avec d’autres éléments minéraux:
– Les interactions azote x potassium (dans les sols très pauvres en cet élément) ont fait l’objet de nombreuses études (dossiers techniques SCPA) et très généralement, lorsqu’il y a réponse aux apports de potassium, la valorisation de l’azote est meilleure.
-De même les interactions azote x phosphore (BOYD, 1976) peuvent expliquer un effet sur l’accroissement de la biomasse et l’utilisation de l’azote. En 1991, des essais conduits par PLAS montrent une augmentation de l’ordre de 5 % du CAU de l’azote lorsqu’il y a réponse à l’apport de phosphore.
Les dates et densités des semis
Pour une même date de semis, la biomasse des parties aériennes au Stade Epi 1 cm (BA Ü est fonction du peuplement. Pour un même peuplement, la BA 1 est fonction de la date de semis (MEYNARD, LI MAUX, 1987). Si, comme on peut le penser, la capacité d’absorption du peuplement est directement reliée à son état de croissance (besoins instantanés plus importants), alors les variations de date de semis et de densité de peuplement vont se répercuter sur la valeur du CAU. Nous verrons plus loin quelques résultats allant dans ce sens. Cet effet est d’ailleurs confirmé par PLAS 1992, qui signale des valeurs de CAU plus faibles en 1986, à la suite de dates de semis tardives à l’automne 1985.
Le temps de présence dans le sol
La compétition dans le sol se situe principalement entre l’absorption racinaire et l’organisation microbienne. Lorsque les apports d’azote sont réalisés à une époque ne correspondant pas à une utilisation importante par la plante, la compétition tourne à l’avantage de la microflore du sol (REMY, 1984) et ainsi, l’engrais azoté reste plus longtemps dans le sol avant d’être utilisé. Toujours selon REMY, 1984, il semble que plus le temps de séjour dans le sol est long, plus forte est la probabilité de réorganisation de l’azote dans le sol, et donc plus le coefficient d’utilisation risque de diminuer.
On rejoint là les problèmes, déjà évoqués de fractionnement et de capacité d’absorption par la plante.
Cet aspect est important et nous verrons comment la quantification de la relation CAU en fonction du temps de présence de l’engrais dans le sol, peut nous aider à interpréter des valeurs du CAU beaucoup plus faibles que celles attendues.
Chapitre 1 : Introduction |