Les facteurs de contrôle
La majorité des processus d’alimentation des débits des rivières a été présentée dans la partie précédente. Ces processus sont complexes et un certain nombre de facteurs physiques ou morphologiques contrôlent et déterminent la localisation, l’intensité, le dé- clenchement et l’arrêt de ces processus. Cette partie a pour but de décrire ces facteurs de contrôle. Bien qu’ils soient présentés indépendamment, c’est souvent la combinaison de plusieurs d’entre eux qui conditionne réellement le comportement d’un versant.Les précipitations sont le principal apport d’eau à un versant. Sous forme de pluie,elles participent directement au cycle de l’eau. Sous forme de neige, un retard lié à la fonte est à prendre en compte. La réponse d’un bassin dépend de la nature et du volume total des précipitations apportées par un événement pluvieux. L’intensité et la durée de l’événement ont également une grande influence sur la réponse des bassins, et contrôlent par exemple l’évolution des surfaces saturées (Fig 1.4). Les précipitations ont comme principale caractéristique d’être très variables dans le temps et l’espace. Au pas de temps journalier, elles dépendent des conditions météorologiques, au pas de temps annuel, des ca- ractéristiques climatiques de la région considérée. La variabilité spatiale est très difficile à évaluer puisqu’elle dépend principalement des variations du climat local. Cette grande va- riabilité spatio-temporelle peut expliquer la diversité des réponses observées sur le terrain.
Les apports d’énergie sont principalement de nature radiative ou advective. Ils contrôlent la demande évaporatoire (partie de la pluie qui repart directement dans l’atmosphère par évaporation) entre deux événements et donc l’évapotranspiration réelle. L’évaporation et l’évapotranspiration influent sur la redistribution des masses d’eau dans les versants en diminuant les volumes drainés par le sol et en modifiant les réserves et les conditions hydriques de surface. Ces apports d’énergie sont également très variables dans le temps et l’espace. Une de leurs caractéristiques propres est qu’elles sont décalées dans le temps par rapport aux apports d’eau et ont donc un effet important entre deux événements pluvieux. On peut notamment citer leur rôle dans les oscillations diurnes des débits observées dansle cas de nappes affleurantes [Ambroise, 1988].L’état hydrique et hydrologique initial d’un bassin au moment d’un événement plu- vieux influe beaucoup sur sa réponse. Cet état est défini par l’histoire du bassin, notam- ment par les intensités, les durées, les fréquences et les séquences des épisodes pluvieux et évaporatoires précédents. Cette dépendance à l’état initial confère au système bassin versant une non linéarité dans sa réponse. Par exemple, un volume de pluie tombant sur un sol sec rechargera d’abord les réserves du bassin alors qu’il sera disponible pour l’écoulement dans le cas d’un sol humide. De même, la recharge de nappe et le ruissel- lement sur surface saturée sont des phénomènes qui nécessitent des conditions hydriques particulières, caractéristiques des périodes de hautes eaux. On voit donc que dans des conditions humides, la majorité des processus décrits précédemment peuvent être activés et participer à la genèse des débits de crue. Ambroise[Ambroise, 1995] dit à ce sujet que « la répartition spatiale et l’évolution temporelle de l’humidité des surfaces et des sols, notamment à proximité des cours d’eau, apparaissent ainsi comme un facteur essentiel de la genèse des différents flux ».
Les propriétés du milieu
Pour un apport d’énergie et un état initial donnés, la réponse d’un bassin sera très variable selon les propriétés hydriques du sol (conductivité hydraulique, rétention hy- drique, existence de macroporosité), les propriétés de surface (microtopographie, rugo-sité), l’épaisseur des horizons perméables et les propriétés de la végétation (type, densité) [Whipkey et Kirkby, 1978]. Toutes ces propriétés ont une influence considérable sur les processus de genèse des débits décrits précédemment [Dunne et al, 1991] [Woolhiser et al, 1996]. La végétation impacte les phénomènes d’interception et d’évapotranspiration, modifie les apports d’eau en surface, favorise les écoulements en macropores par son système racinaireet la formation d’écoulement de subsurface. A cause de la végétation, l’alimentation des rivières dans les bassins forestiers est principalement constituée d’écoulements de subsur-face et très peu de ruissellement est observé [Hewlett et Hibbert, 1967]. Les propriétés dusol et de la surface caractérisent les capacités de stockage et d’écoulement des différents réservoirs. Par exemple, le phénomène d’intumescence de nappe est intimement lié à l’exis-tence d’une frange capillaire, qui elle-même est fonction du type et de la granulométrie dusol. L’ensemble de ces propriétés est caractérisé encore une fois par une grande variabilité spatiale et temporelle, qui peut influencer l’existence et la cohabitation de processus de genèse.