Les étudiants et les femmes

Les étudiants et les femmes

Le temps des études était aussi, pour les jeunes étudiants, le temps de l’adolescence et donc de l’entrée dans la vie sexuelle514. Mais ils n’avaient guère de possibilités ni « légales », ni « pratiques » d’assouvir leurs pulsions. L’Université était en effet purement masculine et ils n’avaient aucune chance d’y rencontrer des jeunes filles. Ces dernières, par ailleurs, ne pouvaient fréquenter les différents lieux de loisirs : les tavernes, les terrains de jeux, les étuves leur étaient inaccessibles, surveillées qu’elles étaient par leurs parents et par une stricte morale chrétienne. C’est le déshonneur qui s’abattait sur toute la famille au moindre manquement à cette règle. De plus, l’Eglise interdisait l’amour physique en dehors du mariage, et même dans ce cadre-là, deux époux ne devaient avoir de relations que pour procréer et n’y prendre aucun plaisir. Dans l’un de ses sermons, Césaire, évêque d’Arles du début du VIe siècle, exigeait du bon chrétien qu’il ne « connaisse » sa femme « que dans l’intention d’avoir des enfants » 515 .

Le terme de « fornication » désignait toute forme de relation sexuelle hors mariage516 . Saint Augustin (354-430), un des pères de l’Eglise, en parlait comme d’un véritable « crime », affirmant que « c’est au moment de l’acte infâme que le cœur devient l’esclave du corps » et qu’il n’existe aucun autre cas où l’homme perd ainsi sa liberté de pensée alors « qu’au moment où il s’abandonne à la fornication, il ne peut s’occuper de rien d’autre » 517. Augustin devait bien connaître le sujet puisqu’il avoua dans ses Confessions, qu’à l’âge de seize ans, il avait été « assailli par les désirs de la jeunesse » et que l’amour était bien plus doux quand il « jouissait du corps de l’être aimé ». Il avait ensuite vécu pendant treize ans à Carthage avec une femme sans être marié, respectant ainsi bien peu les consignes qu’il allait lui-même prodiguer des années plus tard lorsqu’il se serait converti au christianisme.

La fréquentation des prostituées « En près est rue de l’Escole

Là demeure Dame Nicole » 521 La prostitution a de tous temps existé – ne parle-t-on pas du « plus vieux métier du monde » ? – et il n’est pas question ici d’en faire le procès ou même simplement de juger de son bien-fondé ou de son rôle social. Les étudiants médiévaux, comme beaucoup d’autres hommes, jeunes ou moins jeunes, célibataires ou mariés, clercs, bourgeois ou nobles, eurent des relations avec celles que les textes appelaient généralement des « femmes amoureuses » 522 sans que cela soit assimilable à de la délinquance en tant que telle. Pendant toute notre période, la prostitution fut d’abord tolérée aux XIIe et XIIIe siècles, puis officiellement institutionnalisée à partir du XIVe siècle, même si elle fit l’objet d’une réprobation quasi unanime et considérée par l’Eglise comme un fléau. Et pourtant, seul le très pieux roi Saint Louis tenta, sans grand succès d’ailleurs, de l’éradiquer, par une ordonnance de 1354 dans laquelle il exigeait que « les ribauldes communes fussent boutées hors des bonnes villes par les justiciers des lieux » 523. Dans les deux derniers siècles du Moyen Âge, on considéra qu’une prostitution encadrée pouvait être un moyen de contrôler les excès des célibataires pour qui l’accès au mariage était, pour le moment impossible524, ce qui était le cas, entre autres, des étudiants. Du coup, des maisons spécialisées se multiplièrent dans les villes, certaines même à l’initiative de maisons religieuses.

L’adultère : sujet de la littérature médiévale

« L’adultère est plus grave que le vol dans la mesure où l’on aime son épouse plus que ses richesses » 542 Peut-on parler de délinquance lorsqu’un étudiant a des relations avec une femme mariée ? Certes, la faute est morale et en ce sens, se trouve être plus proche du péché condamné par l’Eglise que de l’inconduite punie par la loi. Mais si nous nous replaçons dans le contexte de l’époque, l’adultère était bien considéré comme un acte délictuel qui faisait l’objet de sanctions pénales. L’Eglise elle-même d’ailleurs, le considérait comme un « crimen publicum » nécessitant une punition de la part des autorités543 .

Mais il n’y avait pas de règle universelle, et d’une ville à l’autre, les sanctions pouvaient aller de la simple pénitence à la fustigation publique, voire parfois au bannissement. A Montpellier, par exemple, une charte de 1204 prévoyait que les coupables « devaient faire le tour de la ville nus en courant, la femme devant, et qu’ils seraient fouettés » 544. Par ailleurs, l’acte pouvait donner lieu à vengeance de la part du mari trompé, sans que celui-ci ne soit réellement inquiété, car c’est son honneur qui était en jeu. Personne ne contestait son droit à se faire lui-même justice, dans la mesure où l’adultère était nettement avéré. Le droit médiéval assimilait son cas à une sorte de légitime défense et admettait alors sa quasi impunité545. Jean Gerson estimait d’ailleurs, qu’un homme ayant des relations avec une femme mariée corrompait celle-ci

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