L’apport de la bioinformatique à la caractérisation génétique
Lors de sa création, la bioinformatique correspondait à l’utilisation de l’informatique pour stocker et analyser les données de la biologie moléculaire. Cette définition originale a maintenant été étendue et le terme renvoie aux procédés associant l’utilisation de l’informatique pour résoudre les problèmes scientifiques posés par la biologie dans son ensemble. Il s’agit ainsi d’un champ de recherche très vaste incluant entre autres informaticiens, mathématiciens, physiciens et biologistes (Beroud, 2011). A la lumière de cette pluridisciplinarité, Jean-Michel Claverie touche à la définition conceptuelle et pragmatique de cette discipline en ces termes : « La bioinformatique est constituée par l’ensemble des concepts et des techniques nécessaires à l’interprétation de l’information génétique (séquences) et structurale (repliement 3-D). C’est le décryptage de la « bio-information » (« Computational Biology » en anglais).
La bioinformatique est donc une branche théorique de la biologie. Son but, comme tout volet théorique d’une discipline, est d’effectuer la synthèse des données disponibles (à l’aide de modèles et de théories), d’énoncer des hypothèses généralisatrices (ex : comment les protéines se replient ou comment les espèces évoluent), et de formuler des prédictions (ex : localiser ou prédire la fonction d’un gène). », (Beroud, 2011). Signalons juste que pour aboutir à la formulation de ces modèles et à ces prédictions, il est indispensable de tout d’abord collecter et organiser les données à travers la création de bases de données.
En génétique des populations l’importance de la bioinformatique se fait ressentir surtout avec l’avènement de certains programmes (logiciels) utilisés pour le traitement des données des séquences nucléiques et protéiques. Ces programmes permettent de ressortir d’une part les paramètres de la variabilité et l’équilibre génétique et d’autre part ceux de la différenciation et de la structure génétique.
Les nouvelles méthodes : l’ADN et les marqueurs moléculaires
Les marqueurs moléculaires sont un type de marqueurs génétiques composés de fragments d’ADN qui servent de repères pour suivre la transmission d’un segment de chromosome d’une génération à l’autre. Ainsi, si un allèle X porté par un individu est porté par son père mais pas par sa mère, l’individu l’a reçu de son père. Les marqueurs moléculaires pour cet allèle X permettent alors d’établir l’origine parentale de cet allèle (Boichard et al, 1998).
Contrairement aux marqueurs associés à des caractéristiques morphologiques, physiologiques ou biochimiques, les marqueurs moléculaires révèlent directement les modifications du patrimoine génétique qu’elles se traduisent ou non par une modification phénotypique, physiologique ou biochimique. Ces marqueurs sont donc des indicateurs neutres de variabilité génétique qui permettent d’identifier le polymorphisme entre famille, genres, variétés, populations et même entre individus. Ainsi, ces marqueurs sont des outils très efficaces pour la phylogénie moléculaire puisqu’ils peuvent établir les relations de parenté entre individus(Boichard et al, 1998). Il existe plusieurs types de marqueurs polymorphes de l’ADN parmi lesquels les Indels, les SNP, les RFLP, les STR …
Les INDELS (Insertion-Délétion) : Ce sont des polymorphismes d’insertion-délétion d’une séquence d’ADN en un site du génome. Ils forment le plus souvent un polymorphisme di-allélique, repérable par étude de la longueur du fragment d’ADN amplifié par PCR, à partir de deux amorces flanquant le site du marqueur (Serre, 2006).
Les SNP (Single Nucleotide Polymorphism), ou polymorphismes simple-nucléotide : Ce sont des substitutions d’une paire de base par une autre paire de base, en un site du génome, génique ou intergénique, bi-allélique, dont les génotypes (deux homozygotes et un hétérozygote) sont identifiables par diverses méthodes de biologie moléculaire in vitro (Serre, 2006).
Les RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism) : Ils sont en général dus à un SNP qui fait apparaître ou disparaître, en un locus du génome, un site de reconnaissance spécifique d’une endonucléase ou enzyme de restriction. Les RFLP sont des marqueurs bi-alléliques (présence ou absence du site), dont le génotype est identifiable par étude de la longueur des fragments d’ADN après amplification par PCR de la séquence du génome contenant le locus et action de l’enzyme de restriction (Serre, 2006).
Les STR (Short Tandem Repeats) : Ce sont des polymorphismes de courtes séquences de deux ou trois nucléotides répétés en tandem, encore appelées « séquences microsatellites ». Contrairement aux marqueurs précédents, les STR, sont multi-alléliques, le nombre d’allèles étant égal au nombre de répétitions existants au locus considérés sur les divers chromosomes de la population ou de l’espèce. Ceci fait que les marqueurs microsatellites sont des outils de choix, sinon les meilleurs, pour les études de génétique des populations (De Meeûs, 2012).
Les méthodes classiques de caractérisation
Les marqueurs biochimiques
Le polymorphisme enzymatique est un aspect particulièrement intéressant de la variabilité phénotypique. Directement représentatif de systèmes géniques simples, il est un reflet de la variabilité génétique (Sezonlin, 2006). Les progrès technologiques réalisées ces dernières années permettent aux généticiens de disposer d’un très grand nombre de marqueurs. Nous présenterons ainsi les alloenzymes et les isoenzymes, premiers marqueurs à avoir été décelés pour étudier la variabilité génétique (Diop, 214). Les alloenzymes sont par définition des enzymes (protéines) ayant la même fonction et sont codées par un seul gène (locus). Chaque alloenzyme représente ainsi un variant allélique. Les isoenzymes sont eux des enzymes catalysant la même réaction biochimique, mais codés par des loci différents. C’est en 1966 que deux avancées, l’une conceptuelle et l’autre technologique, ont permis de mieux appréhender la variabilité génétique à l’aide des marqueurs précédemment cités. Tout d’abord, l’étude des gènes pouvait désormais être faite de façon indirecte au travers de l’étude de la séquence des acides aminés des protéines codées par ces gènes, et ceci en partant du principe que toute variation de la séquence d’acides aminés reflète une mutation au niveau du gène codant pour cette protéine. L ’avancée technologique quant à elle, repose sur la mise au point de l’électrophorèse de protéines sur gel d’amidon. Soumises à un champ électrique et conduites par du tampon, les protéines migrent en fonction de leur charge ionique totale (Diop, 2014).
Les marqueurs chromosomiques
Il existe une variation « normale » de la morphologie de certains chromosomes humains que l’on qualifie de polymorphismes pour traduire l’absence de liaison avec les anomalies phénotypiques. Des variations peuvent donc survenir à différentes échelles au sein du génome, c’est-à-dire affecter le nombre ou la structure des chromosomes. Ce sont des variations structurales correspondant à des translocations de fragments chromosomiques, des inversions, des fusions centriques, des délétions ou des duplications. Dans les populations naturelles, on peut détecter un certain nombre de polymorphismes chromosomique correspondant à des remaniements non associés à des états délétères (Serre, 2006). A petite échelle, celle des individus, ces mutations sont souvent associées à des pathologies et sont le plus souvent éliminées par la sélection, mais à grande échelle, celle de l’évolution, on sait désormais qu’elles ont joué un rôle très important en replaçant les uns par rapport aux autres des blocs de gènes affectant le développement. Il ne faudrait donc pas croire que ces variations sont rares (Serre, 2006).
Les mammifères ravageurs de cultures
C’est un groupe taxonomique regroupant l’ensemble des vertébrés tétrapodes et à sang chaud, caractérisés par la présence de poils et de mamelles productrices de lait. On connait à l’heure actuelle environ 5400 espèces de mammifères sur lesquelles environ 1000 sont menacées d’extinction selon l’UICN (Union mondiale pour la nature). Ce groupe constitue en outre le plus étudié du règne animal . Les mammifères se sont adaptés à tous les milieux : terrestre, aquatique et aérien. De même, leur régime alimentaire est aussi varié que leur mode de vie : herbivore, carnivore, granivore, insectivore… Certains d’entre eux tels que les rongeurs ont colonisé aussi bien les milieux naturels que les aires aménagées par l’homme pour y exercer des activités comme l’agriculture. Ceci fait d’eux les principaux mammifères ravageurs des cultures (Microsoft® Études, 2008). C’est une entité regroupant des espèces caractérisées par la présence sur chaque mâchoire d’une paire de larges incisives tranchantes à croissance continue, grâce auxquelles ils rongent leur nourriture. On connaît environ 2 000 espèces de rongeurs, ce qui représente plus du tiers de la totalité des mammifères. Beaucoup d’entre eux sont considérés comme des nuisibles en raison des dégâts qu’ils peuvent causer aux cultures et aux réserves de nourriture. Par exemple, selon Bourrakia et al, (2014), au Maroc, de graves dommages sont causés par la mérione de Shaw (Meriones shawii) qui préfère les cultures céréalières, et la gerbille champêtre (Gerbillus campestris) qui s’attaque principalement aux cultures d’arachide.
Les arthropodes ravageurs des cultures
Les arthropodes (du grec arthron, « articulation » et podos, « pied ») constituent l’embranchement le plus important du règne animal. Il est constitué d’invertébrés possédant un squelette externe et des appendices articulés. C’est l’embranchement le plus fourni en espèces (environ 80% des espèces connues) et on les trouve dans tous les milieux, aussi bien sur terre que dans les eaux douces ou salées (Microsoft® Études, 2008).
L’embranchement des arthropodes est divisé en trois sous-embranchements : les trilobitomorphes, les chélicérates et les mandibulates. Les trilobitomorphes, ou trilobites, sont des animaux marins primitifs, aujourd’hui disparus, qui ont vécu à l’ère primaire. Ils n’ont que peu de rapports avec les arthropodes actuels. Les chélicérates ont à la place des mandibules des pièces buccales spécialisées en forme de pince : les chélicères. Ils sont dépourvus d’antennes.
C’est dans ce groupe, précisément dans la classe des arachnides que l’on retrouve les acariens. Les mandibulates eux possèdent des mandibules et des antennes. Ils comprennent les crustacés, presque tous marins, et le groupe hétérogène des myriapodes, ou mille-pattes et les insectes formant avec les acariens les principaux arthropodes ravageurs des grandes cultures. Dans ce mémoire, nous nous intéresserons plus aux insectes phytophages car constituant pour l’essentiel les principaux bioagresseurs des cultures.
Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I : Généralités sur la caractérisation génétique
I) Les méthodes classiques de caractérisation
1) Les marqueurs biochimiques
2) Les marqueurs chromosomiques
II) Les nouvelles méthodes : l’ADN et les marqueurs moléculaires
1) Les INDELS (Insertion-Délétion)
2) Les SNP (Single Nucleotide Polymorphism),
3) Les RFLP (Restriction Fragment Length Polymorphism)
4) Les STR (Short Tandem Repeats)
III) L’apport de la bioinformatique à la caractérisation génétique
1) Les paramètres de la variabilité génétique
2) Les paramètres de l’équilibre génétique
3) Les paramètres de la différenciation génétique
4) Les paramètres de la structure génétique
Chapitre II : Présentation des principaux groupes de ravageurs
1) Les mammifères ravageurs de cultures
2) Les oiseaux ravageurs de cultures
3) Les nématodes ravageurs de cultures
4) Les mollusques ravageurs des cultures
5) Les arthropodes ravageurs des cultures
Chapitre III : Applications et utilisations des outils moléculaires en biologie évolutive des
populations de ravageurs
1) Etude de la capacité de dispersion
2) Etude de l’histoire évolutive des populations
3) Etudes des cas de résistances aux insecticides
4) Identification des espèces cryptiques
5) Enjeux et perspectives de la caractérisation génétique au Sénégal
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES