La peau étant la première ligne de défense du corps, une altération de son intégrité est potentiellement dangereuse. En effet, maintenir une peau intacte et prendre en charge les plaies et autres atteintes qu’elle peut éventuellement subir, doit être une priorité pour les équipes soignantes. L’escarre, une atteinte à cette intégrité, est une plaie au niveau des zones d’appui, qui concerne les patients hospitalisés et alités, le plus souvent d’âge avancé, altérés et dont la mobilité et la sensibilité sont réduites. Selon sa gravité elle met en jeu la fonctionnalité, l’indépendance, le maintien à domicile voire le pronostic vital. Elle a été définie en 1989 par la National Pressure Ulcer Advisory Panel (NPUAP) comme étant une lésion cutanée d’origine ischémique liée à une compression des tissus mous entre un plan dur et les saillies osseuses [1]. C’est cette définition qui a été retenue par la Conférence de consensus «Prévention et Traitement des Escarres de l’Adulte et du Sujet Âgé », publiée par l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES) en novembre 2001 [2]. L’escarre est un problème de santé publique encore très fréquent et surtout peu connu du grand public mais aussi souvent mal cerné par le personnel soignant. Il s’agit d’une pathologie lourde de conséquences. En effet, elle détériore la qualité de vie du patient, augmente ses besoins en soins spécifiques et en prise en charge médicale adaptée, et hausse les taux de mortalité et de morbidité [3-4]. La survenue d’une escarre constitue également une source de surcoût pour les organismes de soins [5-6]. Les études publiées à travers le monde rapportent des chiffres de prévalence et d’incidence assez différents d’un établissement à un autre. Très peu de données sont disponibles dans notre contexte marocain, mais malgré les efforts fournis les escarres restent largement répandues.
Modalités de prise en charge au sein du service de chirurgie plastique
Prise en charge de l’état général :
Une attention particulière était portée aux antalgiques même si la douleur n’est pas toujours ressentie, ainsi que la vitaminothérapie (visant la cicatrisation) : Vitamine C, Zinc, Sélenium. Prise en charge de l’état général : En fonction de l’IMC, une alimentation enrichie ou des compléments nutritionnels oraux, ou encore des préparations « artisanales » avec l’aide du nutritionniste (augmentation des rations alimentaires, de la proportion en viandes, œufs, laitages,…). En fonction de l’examen général, en cas de fièvre l’attention était portée sur le risque d’infection, si une pâleur était notée, l’anémie était recherchée et traitée, si des signes de dépression étaient associés un antidépresseur était prescrit. Des examens biologiques trouvaient leur place, la glycémie en cas de retard de cicatrisation, le taux d’hémoglobine, l’albuminémie.
Prise en charge de l’état local :
La sensibilisation du patient et de sa famille : Mobilisation (2-3h), Kinésithérapie, Matelas alternatif à air, Coussins… Prise en charge de l’état local : L’utilisation d’Algoplaques au niveau des points d’appui, en préventif lorsque le patient est à risque (immobilisation de plus de 2 ou 3 jours). L’application de crème hydratante (huile de paraffine, …. en fonction des moyens de chacun), utilisée en effleurage doux. Le maintien d’une hygiène rigoureuse, avec un changement de couches fréquents, et le maintien de linge propre, et en évitant le sondage quand cela est possible.
Le pansement dépendait du stade de l’escarre mais aussi du but recherché par la thérapeutique, soit faire déterger ou bourgeonner soit mener une épidermisation. On distingue les pansements pro-inflammatoires, à base de tulles gras ou les tulles bétadinés, des pansements anti-inflammatoires, contenant un corticoïde topique avec des tulles gras. Pour ramollir une plaque de nécrose l’acide benzoïque pouvait être utilisé, mais c’était surtout l’association Flammazine® (sulfadiazine argentique) et pansement gras qui était la plus retrouvée. Pour favoriser le bourgeonnement, l’association de l’acide fucidique et pansement gras était courante. Un produit innovant l’Oxovasin® participe à la fois à la détersion, au bourgeonnement et à l’épithélialisation, couvrant toutes les étapes de la cicatrisation.
Conduite à tenir en cas d’infection locale invasive:
La conduite était avant tout de faire des prélèvements locaux, puis d’éliminer les tissus nécrosés, par nécrosectomie. Le nettoyage était fait à l’eau oxygénée ou à la Bétadine mousseuse et le rinçage au sérum salé. Une antibiothérapie locale à base de sulfadiazine argentique ou d’acide fucidique était indiquée. La fréquence de changement des pansements augmentait (2 fois par jour). Devant l’absence d’amélioration, la surinfection fongique était évoquée et des prélèvements destinés au laboratoire de mycologie étaient réalisés. Conduite à tenir en cas d’infection locale invasive: La cause de cette surinfection était également recherchée : problème d’hygiène et rigueur dans la réalisation des pansements, terrain d’immunodéprimé (sérologies), infection par contiguïté à partir des selles ou des urines.
Le suivi post opératoire :
Les suites opératoires immédiates étaient simples pour la plupart, en dehors de 2 cas de lâchage de sutures sur des plasties cutanées. Une patiente avait, quant à elle, présenté une récidive locale de la partie distale de son escarre ischiatique traitée initialement par un lambeau musculocutané des ischio-jambiers. Elle a alors été suivi par cicatrisation dirigée jusqu’au bourgeonnement puis greffée. Aucune autre complication notable n’a été relevée.
Cependant, dans l’optique d’obtenir des renseignements sur les suites opératoires à long terme, nous avons contacté les deux patients dont les numéros de téléphone étaient mentionnés, seulement nous n’avons obtenu aucune réponse de leur part.
Rappels anatomiques et histologiques
La peau est un organe complexe recouvrant l’ensemble du corps. Son poids représente 15% du poids adulte, ce qui en fait le plus important organe du corps humain. La peau assure une fonction protectrice contre les agressions physiques, chimiques et biologiques extérieures, nécessaire à la survie de l’organisme [7,8]. Elle joue aussi un rôle dans la régulation thermique, l’excrétion, l’immunité, et la synthèse de la vitamine D. La peau est aussi un excellent capteur d’informations extérieures grâce aux milliers de terminaisons nerveuses qu’elle contient. De plus, les nombreux vaisseaux sanguins qui traversent le derme transportent 8 à 10% du sang en circulation dans le corps, ce qui fait de la peau un important réservoir sanguin [9]. Il est donc évident que l’intégrité de la peau est vitale.
La peau humaine normale est constituée de trois couches dont les cellules interagissent ensemble afin d’assurer les différentes fonctions de la peau. La couche la plus superficielle, l’épiderme, est mince et composée d’un épithélium pavimenteux stratifié et kératinisé. Elle est attachée à une couche interne plus épaisse, formée de tissu conjonctif, le derme. La dernière couche, l’hypoderme, est la couche sous cutanée, composée de tissus conjonctifs auréolaires et adipeux. Les fibres du derme s’y rattachent et fixent ainsi la peau puisque l’hypoderme est luimême fermement attaché aux tissus et organes sous-jacents [9,10].
L’épiderme
L’épiderme, d’origine ectodermique, est la couche en contact direct avec l’environnement extérieur. C’est la couche protectrice de la peau : elle empêche les agents pathogènes d’envahir l’organisme et assure le maintien de l’eau et des nutriments à l’intérieur du corps. Son épaisseur moyenne est de 100 μm et varie en fonction des régions du corps [7]. Les kératinocytes composent 90% des cellules de l’épiderme. Ces cellules sont constituées essentiellement de kératines, protéines fibreuses et insolubles dans l’eau, ce qui confère aux cellules de l’épiderme leurs propriétés protectrices [8]. Trois autres types cellulaires, sont présents dans l’épiderme : les mélanocytes, les cellules de Langerhans et les cellules de Merkel. Les mélanocytes assurent la synthèse de la mélanine, pigment contribuant à la couleur de la peau et protégeant les kératinocytes présents dans la couche basale de l’épiderme des rayons ultra-violets [11]. Les cellules de Langherans jouent un rôle important dans l’immunité et les cellules de Merkel, associées à des terminaisons nerveuses afférentes agissent comme mécanorécepteurs, impliquées dans la fonction du toucher [7]. L’épiderme se compose de cinq couches distinctes qui, de la plus profonde à la plus superficielle, sont les suivantes: la couche basale (ou stratum germinativum), la couche épineuse (ou stratum spinosum), la couche granuleuse (ou stratum granulosum), la couche de transition (couche claire ou stratum lucidum) et la couche cornée (ou stratum corneum) [8]. Au cours de leur progression de la couche basale vers la couche cornée, les kératinocytes passent par les différentes étapes du processus de différenciation terminale. Cette maturation prend en moyenne vingt-huit jours et permet à l’épiderme de se renouveler continuellement.
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