LES EQUATIONS DE TRANSFERT DE L’EAU DANS LES AQUIFERES

Caractérisation et suivi des écoulements hydriques dans les milieux poreux par la méthode du Potentiel Spontané

LES AQUIFÈRES

Définition des aquifères

Un aquifère est un ensemble d’unités géologiques, saturé au moins en partie en eau, et constitué de matériaux suffisamment perméables pour permettre l’écoulement significatif d’une nappe souterraine et le captage de quantité appréciable d’eau. Mais alors qu’est ce qu’une nappe ? Une nappe d’eau souterraine est définie comme « l’ensemble des eaux comprises dans la zone saturée d’un aquifère, dont toutes les parties sont en liaison hydraulique » (Margat et Castany, 1977). Les deux grands types d’aquifères sont les nappes libres et les nappes captives. 10 Chapitre 1 Propriétés Nappe libre Nappe captive Caractéristiques distinctives – Avec surface libre – Zones saturée, non saturée et de fluctuation – Surface piézométrique au dessus du toit de l’aquifère (Peau > Patm) Régime d’écoulement – En trois dimensions – En une ou deux dimensions (selon limites) Epaisseur saturée – Variable (selon saisons) – Constante Emmagasinement – Porosité de drainage φd (0.1 à 0.4 ou 10-2 à 10-1) – Coefficient d’emmagasinement S (10-6 à 10-4) Alimentation – Directe par infiltration – Sur toute la surface – Par drainance – Aux affleurements TAB 1.2. – Propriétés distinctives des nappes libres et captives (Lefebvre, 2003). Le tableau 1.2 résume les propriétés distinctives de ces deux types de nappes. Les nappes libres sont généralement présentes dans les formations aquifères proches de la surface. Une nappe libre est un milieu poreux qui n’est saturé que sur une certaine hauteur et est surmonté d’un milieu poreux non-saturé (Figure 1.2). La nappe est généralement limitée vers le bas par un substratum imperméable. Toute variation de la charge va entraîner un mouvement de la surface libre qui, en saturant ou désaturant le milieu poreux, va stocker ou déstocker de l’eau. Surface libre Ligne de courant Ligne d’égale charge FIG 1.2 – Réseau d’écoulement en coupe d’une nappe libre (Hubbert, 1940). La figure 1.2 montre un réseau d’écoulement dans une nappe libre affectée par l’effet de la topographie de la surface du sol. On y voit les zones suivantes : la zone d’alimentation avec un gradient hydraulique vers le bas dans les hauts topographiques, la zone de transition avec un écoulement latéral, et la zone d’émergence avec un gradient hydraulique vers le haut dans les bas topographiques.Les nappes captives sont localisées dans des unités aquifères confinées entre des unités peu (ou pas) perméables (Figure 1.3). Niveau piézométrique Zone d’artésianisme Alimentation aux affleurements Exutoire Sol Toit Aquifère captif Unité peu perméable Unité peu perméable FIG 1.3 – Réseau d’écoulement en coupe d’une nappe captive (de Marsily, 1994). Une nappe est dite captive si elle est surmontée par une formation peu perméable et si l’eau contenue dans la nappe est comprimée à une pression supérieure à la pression atmosphérique (i.e., la charge hydraulique de l’eau qu’elle contient est supérieure à l’altitude du toit de la nappe). Ces nappes sont complètement saturées en eau et on dit aussi que la nappe est « confinée ». Si la pression de l’eau est suffisante pour que l’eau remonte à la surface du sol et jaillisse (soit la charge hydraulique est supérieure à la cote du sol), la nappe captive est dite artésienne. 1.2.2. Le coefficient d’emmagasinement Le coefficient d’emmagasinement S (sans dimension) d’un aquifère représente le volume d’eau V (m3 ) que peut libérer l’aquifère par unité de surface A de l’aquifère (m2 ) suite à un abaissement unitaire de la charge hydraulique ∆h (m) : ∆h A V S ⋅ = . (1.9) Dans le cas d’une nappe libre (Figure 1.4.a), un abaissement de la charge hydraulique provoque le drainage de l’eau. La porosité de drainage φd (cf. §1.1.1) représente la proportion d’eau pouvant être drainée d’un volume unitaire de formation. Le volume d’eau V produit par l’abaissement de la nappe est donc : 12 Chapitre 1 V = φd ⋅ ∆h⋅ A . (1.10) En substituant cette dernière expression dans la définition du coefficient d’emmagasinement (éq. 1.9), on obtient que pour une nappe libre le coefficient d’emmagasinement S est égal à la porosité de drainage φd. Cette porosité φd possède généralement des valeurs comprises entre 0.02 et 0.30 (Lefebvre, 2003). e Aquifère e Aquifère Unité peu perméable Unité peu perméable Unité peu perméable Surface piézométrique Abaissement unitaire de la surface piézométrique Abaissement unitaire de la surface libre Surface libre a b Unité de surface Unité de surface FIG 1.4 – Concept d’emmagasinement dans les aquifères (a) libres et (b) captifs (Ferris et al., 1962). Pour comprendre les propriétés d’emmagasinement des nappes captives, on doit se référer aux concepts de compressibilités du milieu poreux. Trois mécanismes peuvent contribuer à la réduction du volume du matériel : la compression de l’eau dans les pores, la compression des minéraux solides composant le matériel granulaire, et la réorganisation des grains du matériel de façon plus compacte. En général, pour les modifications normales de l’état des contraintes dans les aquifères, la compression des grains solides est considérée négligeable, de sorte que seul le réarrangement des grains contribue à la compressibilité des matériaux composant l’aquifère. La contrainte totale exercée sur un plan horizontal d’un aquifère résulte du poids des formations sus-jacente et de l’eau. Cette contrainte est répartie et  supportée en partie par la structure granulaire du milieu poreux (contrainte effective σe) et en partie par la pression de l’eau des pores p. Pour une nappe captive (Figure 1.4.b), l’emmagasinement spécifique Ss (m-1) représente le volume d’eau Ve (m3 ) s’échappant d’un volume V (m3 ) de la nappe lorsqu’il est soumis à un changement de charge hydraulique ∆h (m) V ∆h V S e s ⋅ = . (1.11) Cet emmagasinement spécifique est lié à la compressibilité du milieu. Il est défini par = ρ φ (β + β +α) SS f g l S , (1.12) où βl est le coefficient de compressibilité du fluide défini par dp d f f l ρ ρ β 1 = , (1.13) avec ρf la masse volumique du fluide (kg m-3). βS est le coefficient de compressibilité des grains solides défini par dp dV V S S S 1 β = − , (1.14) où VS est le volume des grains solide, et α est le coefficient de compressibilité spécifique du sol définit par d e dV V σ α 1 = − . (1.15) On néglige généralement le terme βS qui est de l’ordre de βl/25, alors que α est du même ordre de grandeur que βl (de Marsily, 1994) Pour l’ensemble de la nappe captive, toute son épaisseur e est soumise au changement unitaire de charge hydraulique. Le coefficient d’emmagasinement S sera donc égal au produit de l’emmagasinement spécifique Ss par l’épaisseur de l’aquifère e S S e s = ⋅ . (1.16) La capacité d’emmagasinement des nappes captives est faible. Généralement le coefficient d’emmagasinement est inférieur à 5⋅10-3 (Lefebvre, 2003). 

LES ÉQUATIONS DE TRANSFERT DE L’EAU DANS LES AQUIFÈRES

Nous présentons ici les équations différentielles décrivant l’écoulement de l’eau dans les aquifères. Les références classiques dans ce domaine sont celles de Bear (1972), de de Marsily (1994) et de Domenico et Schwartz (1997). Nous venons de voir que le gradient de charge hydraulique est le principal moteur du mouvement de l’eau dans les sols. L’équation de diffusivité décrit les transferts d’eau dans un milieu poreux saturé. Elle découle de la combinaison de la loi de Darcy (éq. 1.5) avec l’équation de continuité du fluide : ( ) ( )+ = 0 ∂ ∂ ∇ ⋅ + ρ ρ Q t ρ f U f φ f r r , (1.17) où U r est le flux d’eau (ou vitesse de Darcy) (m s-1), ρf est la masse volumique du fluide (kg m-3), φ est la porosité et Q est le terme source qui représente le débit volumique de fluide prélevé (ou apporté s’il est négatif) par unité de volume en chaque point. Le débit massique prélevé sera donc ρf Q, Q étant définie à l’échelle macroscopique. L’équation de continuité exprime la conservation de la matière dans un élément de volume fixe.

Écoulement en nappe libre

La limite supérieure des nappes libres est représentée par la surface libre où l’eau est à la pression atmosphérique. L’écoulement dans les nappes libres pose un problème particulier car l’épaisseur de la zone saturée est variable. Pour qu’il y ait écoulement, il doit y avoir différence de charge, ce qui entraîne aussi un changement de l’épaisseur saturée et de la section d’écoulement. Le problème de l’écoulement en nappes libres est donc intrinsèquement non linéaire puisque la valeur de la charge dépend de la charge elle-même. Cependant, ce problème peut être linéarisé en supposant que l’épaisseur saturée est très grande comparée aux changements de l’épaisseur reliés à l’écoulement. On peut donc utiliser une valeur moyenne de l’épaisseur de la zone saturée e pour l’ensemble de l’aquifère. Pour obtenir une solution élémentaire de l’écoulement dans une nappe libre, nous allons nous placer sous l’hypothèse de Dupuit. Toutes les vitesses sont supposées être horizontales et parallèles entre elles sur une même verticale et le gradient hydraulique est  constant le long d’une verticale et égal à la pente de la surface de la nappe. L’hypothèse de Dupuit est assez bien satisfaite dans la réalité dès que l’on s’éloigne des exutoires. Enfin on suppose aussi que la transmissivité est isotrope et constante dans toute la nappe. En combinant l’équation de la loi de Darcy (éq. 1.5) et l’équation de continuité (éq. 1.17) du fluide sous l’hypothèse d’un fluide incompressible de masse volumique et viscosité dynamique constante, on obtient l’équation de diffusivité pour une nappe libre : T Q t h T h + ∂ ∂ ∇ = 2 φd r , (1.18) où T est la transmissivité de la nappe (m2 s-1), φd est la porosité de drainage (cf. §1.2.2) et Q est le débit volumique de fluide prélevé ou apporté (m3 s-1).

Écoulement en nappe captive

On considère le fluide compressible et le milieu poreux compressible, aussi bien pour les pores que les grains solides. On suppose en outre le milieu poreux entièrement saturé en fluide. En combinant l’équation de continuité du fluide, l’équation de continuité du flux de grains solide et l’équation de la loi de Darcy (éq. 1.5) et en supposant la transmissivité T isotrope et constante dans tout l’espace T Q t h T S h + ∂ ∂ ∇ = 2 r , (1.19) où S est le coefficient d’emmagasinement de la nappe (sans dimension) (cf. §1.2.2). Le rapport T/S est appelé diffusivité hydraulique de l’aquifère. Cette équation est identique à celle de la nappe libre mais S remplace ici la porosité de drainage φd. Il faut bien voir cependant que même si les deux équations sont identiques, les mécanismes mis en jeux (mouvement de la surface libre dans un cas, compressibilité du milieu dans l’autre) sont distincts. Dans les chapitres suivants nous utiliserons le formalisme de l’écoulement en nappe captive (éq. 1.16) en définissant à chaque fois « S » soit comme la porosité de drainage d’une nappe libre soit comme le coefficient d’emmagasinement de la nappe captive.

CONCLUSION

Dans ce chapitre nous avons présenté très simplement les différents systèmes aquifères et les propriétés du milieu poreux qui peuvent influencer les écoulements souterrains. De plus nous avons exposé les concepts théoriques de base décrivant l’écoulement de l’eau dans un milieu poreux saturé. Ces écoulements diffèrent suivant le type de nappes (libres ou captives). Les signaux de potentiel spontané mesurés à la surface du sol sont générés par des circulations de fluides : c’est ce que l’on appelle le phénomène d’électrofiltration. Nous allons donc voir dans le chapitre suivant l’origine de ce phénomène et présenter la théorie du potentiel spontané associée à l’écoulement de l’eau dans le milieu poreux.

Table des matières

CHAPITRE 1 : LES ECOULEMENTS SOUTERRAINS
1.1. PRESENTATIONS DES PROPRIETES DU MILIEU POREUX ET DE L’ECOULEMENT DE L’EAU A L’ECHELLE LOCALE
1.1.1. La porosité
1.1.2. Teneur en eau et saturation
1.1.3. La charge hydraulique
1.1.4. Ecoulement de l’eau en milieu saturé : la loi de Darcy
1.2. LES AQUIFERES
1.2.1. Définition des aquifères
1.2.2. Le coefficient d’emmagasinement
1.3. LES EQUATIONS DE TRANSFERT DE L’EAU DANS LES AQUIFERES
1.3.1. Ecoulement en nappe libre
1.3.2. Ecoulement en nappe captive
1.4. CONCLUSION
CHAPITRE 2 : ORIGINE DU COUPLAGE HYDRO-ELECTRIQUE
2.1. ORIGINE DU PHENOMENE
2.1.1. Les sources du potentiel spontané
2.1.2. L’équation d’Helmholtz-Smoluchowski
2.1.3. La double couche électrique
2.2. LE COUPLAGE HYDRO-ELECTRIQUE
2.2.1. Les équations constitutives.
2.2.2. Influence de la conductivité électrique du sous-sol
2.3. LE COEFFICIENT DE COUPLAGE ELECTROCINETIQUE
2.3.1. Mesure du coefficient de couplage électrocinétique en laboratoire
2.3.2. Coefficient de couplage électrocinétique d’un milieu poreux
2.4. LES PARAMETRES INFLUENCANT LE COUPLAGE ELECTROCINETIQUE
2.4.1. Influence de la perméabilité
2.4.2. Influence de la conductivité électrique du fluide
2.5. CONCLUSION
CHAPITRE 3 : LA METHODE DU POTENTIEL SPONTANE APPLIQUEE A DES EXPERIENCES DE POMPAGE : MESURES SUR LE TERRAIN ET EN LABORATOIRE
3.1. MESURES SUR LE TERRAIN : EXPERIENCE SUR LE SITE DE POMPAGE DE COSENZA.
3.1.1. Acquisition des mesures de potentiel spontané
a. Principe d’acquisition de mesure du potentiel spontané.
b. Description du site et disposition des électrodes sur le terrain
c. Les différentes sources de signaux de potentiel spontané
3.1.2. Résolution de l’équation de Poisson
a. Pendant l’état stationnaire
b. Pendant la phase de relaxation
3.1.3. Résultats
3.2. EXPERIENCE DE POMPAGE EN CUVE
3.2.1. Acquisition des mesures de potentiel spontané.
a. Description de la cuve et principe de mesure.
b. Les différentes sources de potentiel spontané.
3.2.2. Résolution de l’équation de Poisson
a. Pendant l’état stationnaire
b. Pendant la phase de relaxation.
3.2.3. Résultats
3.3. CONCLUSION
CHAPITRE 4 : LA METHODE DU POTENTIEL SPONTANE APPLIQUEE AU SUIVI D’UNE INFILTRATION
4.1. EXPERIENCE D’INJECTION D’EAU REALISEE A AVIGNON
4.1.1. Présentation de la parcelle expérimentale et de l’expérience d’injection
4.1.2. Résultats de l’injection
4.2. EXPERIENCE D’INFILTRATION A ROUJAN.
4.2.1. Description de l’expérience
4.2.2. Résultats
4.4. CONCLUSION
CHAPITRE 5 : LA METHODE DU POTENTIEL SPONTANE APPLIQUEE AU SUIVI D’UNE INFILTRATION EN ZONE NON-SATUREE
5.1. ECOULEMENT EN MILIEU NON SATURE
5.1.1. Relation teneur en eau/potentiel de pression.
5.1.2. Relation conductivité hydraulique/potentiel de pression
5.1.3. Ecoulement de l’eau en milieu non saturé
5.2. POTENTIEL SPONTANE INDUIT PAR DES ECOULEMENTS DANS LA ZONE NON-SATUREE
5.2.1. Le potentiel spontané en zone non-saturée.
5.2.2. Influence de la saturation partielle sur le coefficient de couplage électrocinétique
5.3. INFILTRATION EN CUVE
5.3.1. Première mesure
a. Description de l’expérience
b. Résultats de l’expérience
5.3.2. Deuxième série de mesures
a. Description de l’expérience.
b. Résultats des mesures du potentiel spontané et de la pression matricielle
c. Relation potentiel spontané / pression matricielle
d. Relation potentiel spontané / flux d’infiltration
e. Résultats résistivité électrique / pression matricielle
5.4. CONCLUSION
CHAPITRE 6 : LA METHODE DU POTENTIEL SPONTANE APPLIQUEE A LA DETERMINATION DE LA SURFACE PIEZOMETRIQUE A L’ECHELLE DU BASSIN VERSANT
6.1. MESURES DU POTENTIEL SPONTANE SUR LE TERRAIN
6.1.1. Présentation du site de Roujan
6.1.2. Incertitude sur la mesure du potentiel spontané
6.2. LES DIFFERENTS TYPES DE MODELES CONCEPTUELS
6.2.1. Le Modèle-V
6.2.2. Le Modèle-W
6.3. PREMIERE CAMPAGNE DE MESURES (JUIN 2005)
6.3.1. Résultats des mesures.
6.3.2. Détermination du niveau piézométrique de la nappe
6.4. DEUXIEME CAMPAGNE DE MESURES (AOUT 2005)
6.4.1. Résultats des mesures
6.4.2. Détermination du niveau piézométrique de la nappe
6.5. INVERSION DES SIGNAUX DE POTENTIEL SPONTANE
6.5.1. Approche du maximum de probabilité
6.5.2. Méthode d’optimum de probabilité Bayésienne
6.6. CONCLUSION

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