Les entrées de ville comme indicateur de la ville de demain

Une mobilité intensifiée et optimisée

Situés en majorité sur des hubs de transports importants, les entrées de ville et leurs projets d’aménagement nous renseignent sur la mobilité future en milieux urbain et périurbain.
La mobilité est un des éléments clés de l’attractivité des villes mais c’est également une source de pollution très importante. A lui seul, le secteur des transports représentait en 2011, 32% des consommations liées aux villes (usages résidentiels et tertiaires, déplacements locaux). Sachant que les consommations liées aux villes représentent 70% des consommations finales d’énergie et de gaz à effet de serre en France et que les coûts de l’énergie ne vont probablement pas diminuer, il devient urgent pour les pouvoirs publics et les individus de modifier leur façon de consommer et de se déplacer. Il ne s’agit pas forcement de consommer moins mais de consommer mieux.
Les villes doivent donc répondre aux attentes de mobilité de la part des entreprises et des citoyens mais également s’adapter aux impératifs de sobriété énergétique surtout dans ce contexte de transition énergétique et de ville post-carbone.
En analysant nos trois sites d’étude, nous nous sommes aperçus que les orientations en terme de mobilité allaient toutes dans le sens d’une intensification contrôlée et optimisée des flux. Les pouvoirs publics cherchent à diminuer les temps de transport et les inégalités socio-spatiales liées à la mobilité en agrandissant les réseaux collectifs existants et en développant de nouvelles lignes de banlieue à banlieue. Ce renforcement et cette amélioration du réseau collectif a pour objectif de réduire les enclaves, de décongestionner la ville centre et surtout de diminuer la place de la voiture dans la part modale des transports.
Parallèlement à ce développement du réseau de transports collectifs (tramway, bhns, rer, métro aérien et souterrain…) adapté aux moyennes et longues distances, les pouvoirs publics ont la volonté d’améliorer la mobilité des courtes distances, avec l’aménagement des voiries et des trottoirs au profit des circulations douces, non polluantes (piétons, vélos, skates…). Ces aménagements sont censés placer l’usager au cœur des dispositifs par l’accès à une gamme plus diversifiée de services (arrêts de bus nouvelles générations, éclairage intelligent…).
Nous constatons que les pouvoirs publics et les maîtres d’œuvre sont dans la recherche d’un compromis entre accessibilité et sobriété énergétique. Mais cette sobriété ne passe par la diminution des flux mais par la limitation de la voiture individuelle, la mutualisation des transports et l’innovation technologique. Ce choix marque bien la volonté ou l’obligation des pouvoirs publics de privilégier l’attractivité de leur territoire. D’un point de vue identitaire, les réseaux de transports permettent de mettre en scène le territoire et le grand paysage. La ville de demain va de plus en plus s’appuyer sur ses réseaux pour montrer les richesses de son territoire car il est de plus en plus évident que «le réseau fait le territoire».

Une morphologie urbaine au service de la mobilité et de l’efficacité

Les impératifs de mobilité et de sobriété énergétique, obligent les grandes villes à réorganiser leur territoire pour plus d’efficacité. La ville diffuse et l’habitat périurbain tant décriés notamment par les écologistes semblent être un modèle dépassé mais également difficile à contenir même si de nombreuses lois et réglementations sont mises en place depuis quelques années pour maîtriser cet étalement urbain généralisé. La ville dense et compacte peut paraître une solution évidente mais les chercheurs ont démontré que les consommations liées à la ville se stabilisent à partir d’un certain seuil de densité, variable selon les spécificités territoriales, remettant en cause beaucoup d’idées reçues comme quoi compacité et sobriété étaient indissociables.
De plus, la ville centre ne peut pas accueillir l’ensemble des fonctions et équipements nécessaires au bon fonctionnement du territoire. Les pouvoirs publics cherchent donc la morphologie idéale s’appuyant sur un contexte local (géographique, historique…) afin de concilier efficacité économique, environnementale et équité sociale.
Les entrées de ville sont un indicateur de la volonté des pouvoirs publics d’organiser le territoire urbain autour de pôles d’excellences, spécialisés et décentralisés, pour diminuer le poids de la ville centre et valoriser la périphérie qui devient petit à petit centralité. La création de nouvelles polarités décentralisées permet de limiter les pressions immobilières sur les espaces centraux et ainsi réduire les inégalités socio-spatiales. L’éloignement de la ville centre ne devient plus un critère de différenciation sociale.
L’organisation et la répartition spatiale des polarités et des centralités en lien avec les enjeux de mobilités et de mixités des fonctions devient une des clés d’un urbanisme sobre et efficace. Notre analyse de ces trois sites d’études nous a montré que les pouvoirs publics privilégient une répartition compacte et hiérarchisée des polarités afin d’éviter de concurrencer la ville centre tout en limitant l’étalement urbain et ses conséquences en terme de mobilité et d’artificialisation du territoire. Il y a le souhait d’un développement équilibré des territoires avec des logiques de polarisation et de concentration qui doit améliorer la qualité du vivre en ville, modérer les coûts urbains et réduire les espaces interstitiels.
Cette dynamique urbaine ne peut s’appliquer à l’ensemble des villes et des aires urbaines. Certains territoires en décrochage vont très certainement avoir des dynamiques différentes mais ce mémoire ne permet pas de tirer des enseignements en ce qui concerne ces espaces.

Une gouvernance métropolitaine forte

Dans ce contexte de concurrence entre les villes, les pouvoirs publics souhaitent contrôler le développement et l’aménagement des territoires afin de valoriser leur ville. Il y a une volonté forte de garder l’initiative face aux acteurs privés pour mettre en place une politique cohérente d’aménagement du territoire tout en essayant de les inclure dans cette dynamique. Cela passe par de nouveaux modes et échelles de gouvernance. L’aménagement des trois sites étudiés nous a démontré l’importance grandissante de l’échelle métropolitaine.
Le projet de territoire a pour frontières celles de la métropole du Grand Paris. Cette échelle de gouvernance a pour objectif d’agir simultanément sur tous les leviers disponibles, de mobiliser méthodiquement les acteurs publics et privés et de dépasser les approches sectorielles (transport, énergie, bâti). Une plus petite échelle aurait du mal à peser face aux acteurs privés.
Mais nous avons également remarqué que ces projets bien que portés par le Grand Paris s’appuient sur les intercommunalités et ont donc une gouvernance multiscalaire et décloisonnée. Cette imbrication d’échelles de gouvernance doit permettre un développement cohérent à l’échelle métropolitaine tout en prenant en compte les spécificités locales afin de ne pas reproduire un urbanisme monofonctionnel inadapté à la vie locale.
Cette dynamique de gouvernance dépend du rapport de forces entre acteurs privés et publics. Chacun cherchant à augmenter son influence, les politiques ont vu dans le développement des espaces publics une façon de conserver la main sur leur territoire et plus particulièrement sur son foncier.
La ville de demain sera une ville territoire, organisée en pôles hiérarchisés et spécialisés. La ville de demain sera celle de la mobilité exacerbée, celle des loisirs, celle des grands architectes et des labels mais elle devra être sobre, intelligente et innovante pour que ce modèle urbain puisse s’inscrire dans la durée.

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CONCLUSION 

La généralisation grandissante de l’urbain en Europe et plus particulièrement en France, rend difficile la définition de la ville, de ses franges et de ses entrées. Même si les entrées de ville sont un objet flou, difficile à percevoir, ce mémoire nous montre que c’est également un observatoire pertinent pour capter les évolutions passées, présentes et futures de la ville et de sa pratique. L’analyse de la forme, de la localisation et du rôle économique, paysager, et social de cet objet de taille restreinte, dans un contexte d’urbain généralisé, nous a amené à réfléchir sur la ville de demain, sa morphologie, sa pratique et ses modes de gouvernance…
Les entrées de ville sont depuis l’Antiquité et l’apparition des premières villes, une étape importante du parcours menant du rural à l’urbain dense et à la ville centre. Elles révèlent et mettent en scène l’arrivée en ville. Leur importance dans l’identité et la symbolique d’une ville et d’un territoire en a fait des espaces de projets privilégiés par les acteurs publics et privés de l’aménagement. Elles sont donc révélateurs d’un contexte géopolitique, des volontés politiques, des goûts et des pratiques urbaines d’une époque. Leur évolution spatiale, morphologique, et fonctionnelle au fil des époques et des transformations urbaines est indéniable mais certaines caractéristiques et fonctions sont récurrentes et permettent de se représenter mentalementcet espace historique.
Dans l’imaginaire collectif, les entrées de ville historiques sont associées à l’idée de la porte, d’une frontière économique, morphologique, sociale et paysagère. Ce sont des zones de flux intenses de toutes sortes (humains, marchandises, capitaux…) qui participent au dynamisme de la ville au même titre que le centre ancien.
Mais contrairement à ce dernier, elles ont une image plutôt négative due en partie aux fonctions d’octroi, aux activités polluantes et peu valorisées, et à l’insécurité. Cette représentation mentale est liée à la ville compacte et concentrique.
La chute progressive des remparts et la généralisation de l’urbain à partir du XXème siècle n’ont cessé de diluer cet espace, prolongeant ce parcours urbain et modifiant les représentations collectives. L’idée d’un espace de transition prend de plus en plus d’importance et vient remettre en cause l’idée d’une frontière ponctuelle et rigide. L’absence de projets globaux et l’avènement de la société de consommation lié à l’automobile a eu pour conséquence un développement anarchique des entrées de ville, symbolisé par des grands entrepôts commerciaux, un affichage publicitaire invasif et la multiplication d’informations routières. Ces espaces sont devenus des non lieux, même s’ils ont su garder leur importance dans le dynamisme économique des villes grâce en partie à leur position au niveau des hubs de transports.
Les années 80 marquent un tournant dans l’aménagement des entrées de ville. De nombreuses voix s’élèvent contre la dégradation de ces morceaux de territoire. Les acteurs de l’aménagement prennent conscience de ce massacre paysager et environnemental et proposent de nouvelles méthodologies de requalification notamment à l’échelle de l’agglomération.
L’apparition des villes territoires et des métropoles en ce début du XXIème siècle, redistribue les cartes. La concurrence entre les villes et notamment entre les métropoles s’intensifiant, les politiques publiques et les collectivités locales souhaitent reprendre en main la valorisation de leur territoire. Les entrées de ville deviennentdes entrées de territoire qu’il faut aménager pour mettre en scène le territoire et l’arrivée en ville. La volonté des politiques et des urbanistes de réduire le poids de la ville centre au profit des espaces périphériques est également un des éléments qui explique le renouveau des entrées de ville.
Les entrées de ville redeviennent un territoire de projet qui doit servir la métropole ou la ville territoire tant économiquement, qu’identitairement mais elles doivent également participer à dynamiser la vie locale et réduire les inégalités sociospatiales dans ces territoires faits d’enclaves et de ruptures.

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