Les enjeux socio-économiques, professionnels, de santé publique

Thème général

Le thème général de cette recherche traite de la prise en soins des aidants et des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée dont les troubles cognitifs vont au-delà du stade modéré par un ergothérapeute qui travaille au sein d’une ESA. Dans cette partie, nous définirons les termes qu’il est nécessaire de connaître afin de comprendre le thème de cette recherche.

L’ergothérapie

L’ergothérapie est un métier qui appartient au domaine du médico-social. C’est une profession paramédicale dont l’objectif est d’intervenir auprès de personnes en situation de handicap, dansle but de maintenir, de restaurer leur autonomie en prenant en compte la personne dans ses habitudes de vie et son environnement. L’ergothérapeute « fonde sa pratique sur le lien entre l’activité humaine et la santé » (6).
L’activité tient une place importante dans la prise en soin de l’ergothérapeute. Chaque activité qu’une personne réalise, fait d’elle ce qu’elle est. L’activité donne aux personnes un sens à leur vie et accroît un sentiment d’accomplissement et de bien-être. Si un handicap, une déficience, met en difficulté la personne dans la réalisation de ses activités signifiantes, son état de santé peut être altéré (7).
Par le biais d’évaluations, d’entretien, d’écoute, l’ergothérapeute va pouvoir connaître les incapacités de la personne, ses déficiences, mais aussi ce qu’elle est capable de réaliser, ses capacités motrices, sensorielles, cognitives. Il prendra également connaissance des besoins de la personne et de ses habitudes de vie, ainsi que tous les facteurs facilitateurs ou obstacles dans sa vie. L’ergothérapeute va alors agir en adaptant les activités signifiantes et l’environnement de la personne, afin d’améliorer ses capacités fonctionnelles et par conséquent son autonomie pour favoriser la resocialisation puis sa participation dans ses activités de vie quotidienne (7).

Les démences

D’après l’OMS, la démence est « un syndrome dans lequel on observe une dégradation de la mémoire, du raisonnement, du comportement et de l’aptitude à réaliser les activités quotidiennes » (3). La démence ne fait pas partie des pathologies due au vieillissement normal, mais elle est souvent la cause de situation de handicap et de la dépendance des personnes âgées.
C’est une pathologie qui a beaucoup d’impact sur les soignants et les familles.
Il existe plusieurs formes de démences : la maladie d’Alzheimer est la plus courante, d’après l’OMS, elle représenterait de 60 à 70% des cas. Les autres formes de démence sont nommées maladies apparentées. Les plus fréquentes sont : la démence vasculaire, la démence à corps de Lewy et la démence fronto-temporale. Cependant les différentes formes de démences peuvent se confondre les unes aux autres. En effet, il est possible de rencontrer plusieurs formes et symptômes de ces démences chez une même personne. Nous allons donc définir chaque démence, en commençant notamment par la maladie d’Alzheimer qui est la cause la plusfréquente, puis les maladies apparentées (3).

La maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante de démence dégénérative. C’est Alois Alzheimer, un neuropathologiste allemand, qui la découvre et l’a décrit en 1906. L’apparition de cette maladie se traduit par une dégénérescence puis la mort des cellules neuronales, due à plusieurs protéines :
− L’accumulation de la « bêta-amyloïde » formant des plaques qui vont empêcher la transmission d’influx nerveux en se fixant entre les neurones et par conséquent former des plaques et des enchevêtrements neurofibrillaires ;
− L’accumulation de la protéines TAU hyperphosphorylées sur les prolongements neuronaux.
Certaines hypothèses ont émis le fait que la maladie deviendrait plus fréquente en lien avec l’augmentation de la durée de vie, cependant l’âge d’apparition de la maladie semble être en diminution. La maladie d’Alzheimer n’est pas une pathologie liée au vieillissement normal.

Les aidants

L’HAS définit en 2010, l’aidant naturel comme étant : « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne » (14). Cet aidant, est un proche de la personne malade, souvent le conjoint ou un enfant. Cette personne vit donc plus ou moins quotidiennement avec la personne malade. Les troubles qui peuvent apparaître chez la personne souffrant de démence, peuvent avoir des répercussions sur le quotidien de l’aidant, et mettre sa vie en « danger ». Sa charge de travail est équivalent à 6 heures de travail quotidien ayant un impact sur leur temps libre et donc une diminution de leurs activités signifiantes entrainant un isolement social. Ces aidants souffrent alors de stress, d’épuisement physique et psychologique avec de la dépression. Le sommeil peut être perturbé (14,15). La maladie d’Alzheimer ou les maladies apparentées impactent les personnes malades mais également leur entourage. Une aide est nécessaire aussi bien pour la personne malade que pour son aidant.
Ces Equipes Spécialisée Alzheimer sont créées à la suite de l’installation du plan Alzheimer 2008-2012. Les ESA font partie d’un SSIAD7, elles interviennent auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée diagnostiquée au début de la maladie, soit d’un stade léger à un stade modéré. Cette intervention se fait pour les personnes malades mais également pour leur aidant. Ces interventions ont pour objectif de retarder toute institutionnalisation par plusieurs moyens :
− Aider au maintien de leur autonomie en stimulant leurs capacités ;
− Diminuer les éventuels troubles du comportement ;
− Accompagner l’aidant de la personne malade.
Ces équipes sont composées de plusieurs professionnels (psychomotricien, ergothérapeute, assistants de soins en gérontologie, encadrés par un infirmier coordinateur) qui sont formés à l’accompagnement pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée ainsi que leur aidant. Ces équipes interviennent sur prescription médicale faite par le médecin traitant ou par un médecin spécialiste. Ces interventions se font sur une durée de 12 à 15 séances renouvelables tous les ans. L’ESA intervient directement au domicile des personnes concernées où ils ont leurs habitudes de vie et des repères familiers.
L’ergothérapeute ou le psychomotricien intervient pour réaliser une évaluation des capacités de la personne dans les activités de la vie quotidienne, par la suite il fixe des objectifs d’intervention. Les ASG8 interviennent lors des séances suivantes selon des axes préconisés par l’ergothérapeute ou le psychomotricien. Lorsque ces dernières sont finies, ces derniers réalisent des bilans des séances et de ce qui a été réalisé, qu’ils transmettent ensuite au médecin prescripteur (16).

Le Mini Mental State Examination – MMSE

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Le MMSE9 (cf. Annexe 1) est un outil qui permet d’évaluer chez des patients ayant des troubles neurocognitifs, plus particulièrement le niveau d’atteinte des fonctions cognitives, mais également le stade d’avancement de la maladie d’Alzheimer. Le temps de passation se fait rapidement (environ 10minutes). Le score maximal est de 30 points. Ce test se divise en plusieurs catégories (orientation dans le temps, orientation dans l’espace, rappel immédiat de 3 mots, attention et calcul, rappel différé de 3 mots, langage et praxies constructives).

Données probantes en ergothérapie

L’HAS préconise une intervention à un stade précoce de la maladie, avec un score du MMSE au-dessus de 18 avec une tolérance à 15 (18). Dans notre recherche, nous allons nous intéresser aux interventions au sein d’une ESA, pour des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, et pour leur aidant, lorsque les troubles cognitifs sont au-delà du stade modéré, soit avec un score du MMSE en-dessous de 15 (correspondant au stades 5, 6 et 7 de l’échelle du docteur Barry Reisberg).
D’après l’ANFE10, des données probantes montrent que l’intervention d’un ergothérapeute auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont efficaces pour alléger le rôle de l’aidant. « Une étude pilote sur les services ergothérapiques à domicile pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et leurs aidants indique que les résultats de ces interventions ont persisté de 7 à 9 mois après le traitement (Pynoos, 1991) » (19). Cette durée est équivalente au temps d’attente pour renouveler une prise en soin. Plusieurs études réalisées et soulevées par l’ANFE, démontrent les bienfaits de ces interventions, aussi bien sur le comportement de l’aidant mais aussi sur l’autonomie du patient ainsi que sur les troubles mnésiques. Une étude réalisée par Bach en 1995, a démontré que l’intervention d’un ergothérapeute, à raison de 2 heures par semaine, a un effet positif sur les habiletés cognitives des patients mais aussi au niveau social, en améliorant leur qualité de vie et en diminuant leur état dépressif. Trois études ont été réalisées par Gitlin, en 2001, 2003 et 2005, portées sur l’intervention d’un ergothérapeute et les bénéfices quant à l’aménagement de l’environnement de la personne sur son autonomie et la diminution d’assistance. Une étude de Chee en 2007, montre que la sévérité des troubles cognitifs du patient ne justifie pas sa participation pour l’intervention d’un ergothérapeute, contrairement à « l’état de santé de l’aidant qui est un facteur important de la réussite du maintien à domicile » (19). Ces études ont été réalisées auprès de patients atteints de démences dont les troubles cognitifs sont légers à modérés, mais on peut noter l’efficacité de l’intervention d’un ergothérapeute auprès de ce public. Ces données probantes de l’ANFE prouvent qu’une intervention auprès de ces personnes, continue d’avoir un impact positif même plusieurs mois après cette intervention.
Dans un rapport d’activité, datant de 2014, une enquête a été réalisée par la CNSA11 auprès de 371 ESA. Cette enquête révèle un diagramme comparatif (ci-dessous) qui dévoile les scores en pourcentage du MMSE des patients pris en soin dans ces ESA de 2011, 2012 et 2013. Les données montrent qu’en ESA, l’ergothérapeute intervient auprès de patient dont les troubles vont au delà du stade modéré. En effet un quart des interventions se font suite à un score du MMSE inférieur à 15. Au fur et à mesure des années, le pourcentage de ces interventions diminue mais reste encore significatif (20).

L’ergothérapie auprès de l’aidant

Plusieurs Plan Alzheimer ont été mis en place, est l’un des objectifs de ces Plans est de favoriser le maintien à domicile en faisant de l’aidant un acteur principal de la prise en soins. L’intérêt pour l’ergothérapeute d’intervenir auprès des aidants est de soulager leur « fardeau ». Afin de démontrer cet intérêt, une étude a été menée auprès de 32 aidants pris en soin par les ergothérapeutes d’une ESA de Saint-Etienne dont les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer présentent un MMSE moyen à 18/30. Ces aidants ont suivi une formation complète concernant les soins de réhabilitation et d’accompagnement, mais aussi des prestations d’aide aux aidants puis des séances visant à développer l’indépendance des personnes malades. Les aidants ont été interrogés en début de prise en soin et 3 mois après la fin de cette prise en soin. Les résultats démontrent en moyenne une satisfaction pour les aidants à la suite de cette intervention. Cela est dû à une amélioration du quotidien mais aussi à une meilleure connaissance de la maladie. Cependant nous pouvons nous demander si ces résultats peuvent être pris en considération (le nombre d’aidants interrogés étant minime). Mais cela montre les bénéfices d’une intervention d’un ergothérapeute auprès des aidants (25).
Une étude issue de l’American Journal de l’ergothérapie, se base sur plusieurs articles pour trouver des preuves solides sur les interventions des ergothérapeutes auprès du public concerné et de leurs aidants. La revue de littérature sur l’éducation et les interventions auprès des aidants démontre qu’une intégration de ces aidants naturels auprès d’un groupe de soutien, permet de réduire l’anxiété, la dépression, le stress et par conséquence leur fardeau. Un essai contrôlé en 2017, intégrant des aidants dans un programme de formation, a montré qu’il y a un réel changement pour ces aidants avec une amélioration de l’aide qu’ils apportent dans les activités de la vie quotidienne auprès des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (22).
Des structures et des relais peuvent être proposés par l’ergothérapeute aux aidants, dans le but de soulager leur « fardeau ». L’un d’entre eux est l’accueil de jour. Cela permet d’avoir de la continuité dans l’intervention d’un ergothérapeute. Un des objectifs de l’accueil de jour est de stimuler les fonctions cognitives et de maintenir les potentiels d’autonomie encore existants. « Rester à domicile est le souhait exprimé d’une grande majorité des malades », actuellement la plupart des personnes dont le stade de la maladie est avancé sont institutionnalisées, lié au « fardeau » quotidien porté par leurs aidants. L’accueil de jour représente un répit aux aidants et une prise en soin pour la personne atteinte. Grâce à cela, les aidants peuvent reprendre des activités qu’ils avaient plus ou moins abandonné, afin de s’occuper de la personne malade. Ce temps de répit permet un soulagement et un apaisement de leur charge, ainsi qu’une amélioration de leur qualité de vie et de leur bien-être (26).

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