Les enjeux de la visibilité de la minorité queer afro-américaine, sur YouTube 

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LE CLIP : UN OUTIL COMMERCIAL ET CULTUREL CENTRAL

De MTV à YouTube : un acteur central de la pop culture

Le clip musical a développé au fil des années une esthétique originale notamment aux besoins de fins commerciales : il a donc un statut à la frontière d’enjeux et fonctions dont la nature varie de façon dichotomique entre culture et commerce, selon l’objet, la volonté de l’artiste et/ou des professionnels de l’industrie qui l’entoure.
Kermode rappelle que le succès des premiers clips et notamment celui des Buggles diffusé en 1981 sur la chaîne américaine MTV, « » Video Killed the Radio Star » »31, « » emblematic of the rapid-fire editing, flashy visuals and narrative flimsiness associated with the so-called ‘MTV aesthetic’ »32, annonce le début d’une forme audiovisuelle à succès. On assiste avec le clip à un renversement des rôles entre images et son, avec des images au service de la musique.
Cette esthétique, qui traduit de nouvelles techniques de scénarisation, de mise en scène et de montage, contrainte notamment par un besoin de synthétisation de la narration, ou par la nécessité d’ajuster les plans sur le tempo des morceaux, donne naissance à un nouveau genre. On assiste parallèlement à l’arrivée de nouvelles pratiques de mise en scène de l’artiste à travers, par exemple, le lip-sync33, pratiques révélatrices d’un nouveau culte de l’artiste et de l’apparition d’un système de starification.
Ce nouveau genre, qui a trouvé son premier succès grâce à la télévision, est connu pour être particulièrement « »adapté aux modes de consommations médiatiques que révèlent les enquêtes sur les usages du Web »»34. On s’attardera dans cette partie sur la pérennité du clip dans la culture populaire, notamment à travers sa capacité d’adaptation aux nouvelles pratiques de communication, ainsi que sur le rôle qu’il joue dans la culture populaire.
Dans son essai «A critical analysis of the scholarly arguments surrounding the impact of pop music video on both the narrative form and cinematography of mainstream films. » », Cuthbertson, en prenant appui sur des films tels que « » Saturday Night Fever »» ou « »American Graffity »» rappelle qu’il existe – même avant l’ère MTV -, dans la pop culture, un rapport évident entre la succès d’un film et sa musique. Il semble que l’apparition de clips musicaux et leur diffusion à large échelle à travers des canaux de communication de masse, et notamment la chaîne de télévision MTV, n’est pas à l’origine du succès de la nature audiovisuelle visant à superposer une suite d’images sur un morceau de musique, mais a participé de façon incontestable à la vulgariser, à la figer dans la culture populaire et à formaliser un genre audiovisuel à part entière.
Le clip musical représente d’abord un intérêt aux yeux des professionnels de l’industrie de la musique et a transformé en profondeur le fonctionnement de cette dernière. L’arrivée de MTV – parallèlement aux autres chaines de télévision dédiées aux clips – a signé ce que certains appellent « »l’âge d’or »»35 du clip vidéo, entre 1985 et 1996. En effet, cette nouvelle forme promotionnelle donne l’opportunité pour les producteurs de tester le possible succès d’un artiste basé sur un single. Les contrats se transforment et permettent aux maisons de disques de ne pas prendre un trop grand risque en misant d’abord sur un morceau avant de dépenser des fortunes pour un groupe/artiste36, comme il était d’usage. Le rôle central donné aux clips suit une transformation globale de l’économie capitaliste avec l’apparition de nouveaux métiers aux seins des départements marketing et publicitaire. La production audiovisuelle devient une maîtrise essentielle à avoir pour les acteurs de l’industrie musicale.
La prise de risque de la part des producteurs s’en voit ainsi considérablement diminuée et cette capacité devenue réalité de miser sur le court terme permet une importante vélocité, un turnover régulier d’artistes et donc l’émergence de hits à grande échelle sur un très court terme : le succès des artistes devient le résultat du calcul de professionnels, qui à travers le succès que connaissent les clips vidéo et leur esthétique particulière, permettent un engouement à large échelle.
L’apparition de MTV a non seulement révolutionné les pratiques structurantes de l’industrie mais a permis par la même le ciblage d’une tranche d’âge qu’il était alors difficile de toucher à travers la télévision : les 12-35 ans37. L’une des révolutions de l’apparition du clip dans la culture se trouve dans l’engouement qu’il a suscité auprès des jeunes publics et cela selon Vernallis (2013) parce que « »MTV-like fast cutting was paired with thin storytelling and cheap, youth-oriented aesthetics—low brow humour, flashy sex or action sequences »»38. Les thèmes abordés tels que l’amour, l’indépendance, l’amitié, etc. et l’esthétique utilisée à savoir des séquences rapides d’images parfois difficile à digérer, résonnent aux oreilles des jeunes publics.
Ces caractéristiques sont particulièrement remarquables, par exemple dans le clip de Cindy Lauper diffusé sur MTV en 1983 « Girls Just Want to Have Fun »39 où les techniques de post-production transcrivent directement la naïveté des paroles et dans lequel les images traduisent des lieux communs prêtés à l’adolescence (révolte contre l’autorité parentale, importance du groupe de copines…). Il est intéressant de noter que l’on retrouve de nombreuses similarités aujourd’hui dans des clips comme celui de l’artiste Dua Lipa « New Rules »40, sorti en juillet 2017 – qui, malgré l’amélioration palpable des techniques et de la qualité, est marqué entre autres par les mêmes thématiques, mêmes couleurs et tenues flamboyantes, chorégraphies et effets spéciaux.
MTV a donc été un acteur essentiel dans l’éveil musical d’une certaine génération, et le clip, inscrit dans la culture populaire par sa diffusion à large échelle, a participé à l’éducation de jeunes publics à travers l’identification à certains systèmes de pensée, illustrés dans les images et dans la narration.
Aujourd’hui pourtant, ce format audiovisuel a changé de terrain et comme le rappelle Maura Edmond dans son article « »Here we go again: Music Video After YouTube »»41, la place octroyée aux clips musicaux aujourd’hui sur la plateforme YouTube confirme que « »the natural home for music videos [have] moved from television to Internet »»42. En effet, les coûts de productions grandissants au fil des années ainsi que la réduction des budgets alloués à la promotion et au marketing à la fin des années quatre-vingt-dix et au début des années deux-mille ont poussé les maisons de disques à chercher un moyen d’obtenir un retour sur investissement direct pour financer les clips. On commence à vendre les clips à MTV, qui jusqu’alors les recevait gratuitement comme purs outils de promotion, ainsi que sur VHS : les clips ne se vendent pas et les indemnités que verse la chaine américaine pour la diffusion des vidéos couvrent à peine les frais de production.
L’arrivée de YouTube a favorisé une mutation et un renouvellement de l’économie du clip. Non seulement, on assiste à cette époque à une massification des équipements audiovisuels et techniques de post-production accessibles à tous par la baisse considérable des coûts et la démocratisation des techniques logicielles, mais surtout, la plateforme révolutionne les pratiques de diffusion en laissant libre accès à une masse d’amateurs pouvant enfin partager à large échelle et sans connaissance particulière du web leurs propres productions. Cet accès à tous, permis par la plateforme, qui a priori donne à chacun une chance égale de connaître le succès, représente un tremplin pour les artistes indépendants ou qui ne profitent pas de l’accompagnement financier d’une organisation commerciale. Le groupe OK Go est un bon exemple du passage du clip de l’ère de la télévision à celle d’Internet, avec leur vidéo de 2009 « »Here We Go Again »»43. La qualité amateur du clip n’a pas été un frein à son succès (plus de 38 millions de vues aujourd’hui) et l’originalité de la mise en scène s’est vue récompensée par une extrême viralité, malgré l’apparente simplicité de la production et le peu de moyens qui semblent lui avoir été alloués.
Les maisons de disques ont vite compris l’intérêt que représentait la plateforme pour des raisons très simples décrites par Edmond (2012) en ces termes :
The combination of revenue stream and reduced production costs means that music videos online are potentially giving record companies a much better return on investment than they ever did on television.44
Très rapidement, les majors telles que Universal Music Group ou Sony Music Entertainment s’emparent à leur tour de la plateforme et leurs chaines enregistrent dès 2008 respectivement 3 milliards de vues et 485 millions de vues45, les plaçant en première et seconde place des chaînes les plus populaires sur le site. Le clip, qui représentait au départ un simple outil marketing, est devenu avec YouTube une source de revenu, au-delà de sa nature promotionnelle. Il s’est forgé un rôle central, à travers les nouvelles méthodes de génération de revenu, comme notamment la publicité ou le placement de produits, dans l’industrie de la musique et devient de ce fait un pendant important du succès d’un artiste.
Le passage de MTV à YouTube montre que le clip a su rester un média pérenne malgré l’évolution des pratiques et des consommations. Aujourd’hui, plus que jamais grâce à la plateforme YouTube, il fait partie du paysage populaire.

L’artiste comme icône : l’intérêt narratif du clip dans la communication de l’artiste

Dans son article « » Teaching Music Video Aesthetic Politics » »46, Carol Vernallis rappelle que l’univers visuel a une importance cruciale dans la musique populaire et la dimension visuelle est un élément central pour les artistes pop : que cela soit à travers les illustrations d’album, les costumes ou encore le décor scénique. Le clip vidéo répond naturellement à la logique du genre et renforce ce besoin de mise en scène du morceau et, surtout, de l’artiste.
Le clip, à l’intersection du genre cinématographique et publicitaire, a pour fonction à la fois de divertir et de vendre, et met, bien souvent, l’artiste au centre de sa narration. Il n’est pas rare de retrouver le ou les musicien(s) / chanteur(s) comme acteur(s) principal(aux) de l’interprétation visuelle du morceau, même si les paroles ne le sous-tendent pas et que le texte n’est pas écrit à la première personne. La narration du clip, qui entoure l’artiste et le met en scène, permet à la fois de rendre la vidéo divertissante, mais aussi de donner aux acteurs une personnalité, une façon d’agir, une volonté auxquelles les spectateurs vont pouvoir s’identifier. L’identification, aussi bien dans le cinéma que dans la publicité, joue un rôle primordial, en cela qu’elle permet de transmettre et figer des valeurs communes, et de créer le désir.
Vernallis, dans son article « »Storytelling on the Ledge, ‘Telephone’ and ‘Paparazzi’ »» s’appuie sur la définition que David Bordwell donne de la narration selon le genre du cinéma classique hollywoodien, pour décrire les éléments nécessaires à la structure narrative d’une histoire :
All of the events we see and hear, plus those we infer or assume to have occurred, can be arranged according to their presumed causal relation, chronicle order, duration, frequency, and spatial locations […] – it ought to contain characters with defined personality traits , goals and a sense of agency who encounter obstacles and are changed by them.47
Pour illustrer le besoin d’identification et la recherche d’adhésion au personnage que le spectateur ressent lors du visionnage d’un clip, elle s’appuie sur l’exemple de l’artiste Lady Gaga dans ses clips « »Paparazzi »»48 et « »Telephone »»49, qui, malgré les rapports de cause à effet parfois imprévisibles et peu cohérents que propose la structure narrative, réussissent à créer une forte adhésion au personnage principal, qui gagne rapidement la sympathie du publique, et ce, même si ses actions révèlent des principes moraux parfois discutables – notamment quand il s’agit des meurtres de plusieurs personnes. C’est notamment en plaçant ce personnage dans des rapports de force, qui finissent toujours par la montrer au-dessus de ses adversaires – même en prison – et en figurant le respect qu’elle gagne aux yeux des personnages de ses clips qui se traduit par un soutien unanime, que le spectateur est encouragé, par écho, à développer une affinité pour le personnage, l’entrainant à adhérer voire à aduler l’artiste.
La vidéo permet une spectacularisation de l’artiste et laisse place à des espaces fictionnels parfois plus vastes que la simple écoute des paroles ou de la mélodie. Si l’on prend l’exemple du clip de Mykki Blanco « »High School Never Ends »»50, on ne trouve a priori pas de connexion directe entre les propos décrits dans le texte et les images qui figurent à l’écran. Le clip raconte l’histoire de deux familles en Allemagne, que tout oppose, se vouant une haine réciproque, comme la métaphore de deux visions différentes du monde. Cette tragédie est une interprétation moderne et queer de Roméo et Juliette. Elle raconte l’histoire impossible de l’amour entre Mykki Blanco, fils-le d’une famille de paysans, famille composée d’hommes d’ethnies différentes vraisemblablement immigrés en Allemagne et qui semble symboliser l’acceptation et la liberté, et du fils d’une famille urbaine allemande, dont l’apparence
– crânes rasés, tatouages, peau blanche, port d’armes… – et les affirmations qu’ils émettent dans les courts moments de dialogue « » Frieden… Ich hasse dieses amants, ce qui dessine un fort contraste entre la violence de la mort de l’âge adulte et l’innocence, l’amour de l’adolescence.
Si l’on se penche sur les paroles (Annexe 1), rien ne nous amène à penser l’histoire de la façon dont elle est interprétée dans le clip. Il semble que le texte nous ancre plutôt dans un décor urbain et moderne, pendant ce qui semble être une soirée entre adolescents (« » It girls » », « » Molly » », « » wearing Vans » », « » Buzz killa » »52…) où le narrateur semble avoir des problèmes d’intégration et désespère de voir la personne qu’il aime s’intéresser à d’autres personnes – et sans doute, refuse d’accepter et d’assumer son homosexualité dans la sphère publique.
Bien que le texte en lui-même décrive une histoire parfaitement adaptable à l’écran – elle peut faire penser notamment à l’histoire entre les deux adolescents dans « »Le Monde de Charlie »» de Stephen Chbosky – le scénario du clip nous emmène dans un univers narratif différent qui met en scène l’artiste au-delà du simple sentiment de déception et de l’aspect désabusé du narrateur à travers les mots qu’il emploie. La vidéo est une interprétation des paroles de la chanson en cela qu’elle décrit d’une certaine façon l’impossibilité pour certains d’accepter leur orientation sexuelle à cause du contexte social – famille ou amis – dans lequel ils évoluent. Mais ici, les images donnent à l’artiste une personnalité plus affirmée, des sentiments plus forts tiraillés entre l’amour et l’autodestruction, le désir et le désespoir, dans une situation de trouble extrême. Le clip confère aux personnages et à l’histoire un aspect dramatique et élève l’artiste au rang de héros tragique.
La mise en scène de l’artiste lui permet de transmettre certaines valeurs qui transcendent, en quelque sorte, la nature de son genre ou de son orientation sexuelle : ici, il n’est pas difficile d’éprouver de la compassion pour le personnage, de partager avec lui l’injustice de sa situation et cela parce que le clip s’inscrit dans la tradition des grandes tragédies amoureuses et des histoires collectives de l’amour impossible, avant de se concentrer sur l’homosexualité.
On peut d’ailleurs se demander si le conflit vient de la féminité apparente de certains des hommes de la famille dont fait partie Mykki Blanco, ou si la raison de cette haine est avant tout raciale ou découle d’une possible xénophobie. Cette ambiguïté renforce le sentiment que la question de l’homosexualité a été relayée au second plan et que l’essentiel ici, était de capter la nature profondément humaine de l’artiste, pour pouvoir s’identifier à lui et à sa souffrance. L’artiste se nourrit du mythe du grand amour, de l’âme sœur, en s’illustrant dans une relation qui dure de l’enfance à l’âge adulte, sous-tendant une certaine pureté des sentiments et une fidélité vertueuse, cet amour dont on ne doute jamais : cet idéal commun qu’il a la chance de vivre le place au-dessus des autres au sein de l’histoire et crée parallèlement chez le spectateur de l’admiration.
Cela est particulièrement palpable au moment où il retrouve son amant allongé par terre lors de son dernier souffle : le canon du fusil sur le crâne, prêt à mourir, Blanco ne crie pas, ou n’implore pas la pitié, ses yeux sont emplis d’une grande tristesse et les flashbacks, comme des images tirées de sa pensée, s’arrêtent sur les moments de bonheur et d’amour qu’ils ont connus. A ce moment de l’histoire, l’artiste quitte la peur intrinsèquement humaine de la mort et en quelque sorte se libère de son statut de simple mortel. La pureté des sentiments qui le transportent, au nom desquels il est prêt à mourir fait de lui un véritable héros.
Le clip nait du et nourrit le désir commun de fétichisation de l’artiste, en lui conférant une autorité et des qualités qui surpassent les autres personnages, et donc simultanément les spectateurs. Le rôle qu’il joue dans le clip a toujours pour objectif de le mettre en valeur voire de l’ériger en modèle, et cela pour créer une distanciation entre le statut d’artiste et le reste de la population, et par la même de créer une forte désidérabilité autour de son personnage. Cette désidérabilité créée à travers la mise en scène, est particulièrement importante dans le cadre de la communication de l’artiste puisqu’elle va, au même titre que n’importe quel produit, lui conférer un positionnement et lui permettre de toucher une cible.
Le clip est un pivot de l’icônisation des artistes leur permettant de se créer un personnage fort à travers un univers visuel singulier. Dans son article « »Sémiologie de l’icône gay. Les paradoxes du genre »»53, Mathé explique le lien complexe qui se crée entre l’artiste et le spectateur, en effet liée à l’admiration voire à la vénération qu’incite «l’icône » », par la posture qu’il prend : celle de modèle et de personnalité originale. Le statut d’icône est, en ses termes, « »résultant d’une co-construction avec autrui, pour ainsi dire entre le regardant et le regardé »»54 et naît d’un « »attachement complexe par identification, par projection et par reconnaissance »»55. C’est le cas de Lady Gaga dont l’imagerie fantasque et la mise en scène lui confère le statut d’icône (comme il a été vu plus haut).
On comprend mieux à présent pourquoi le clip est un outil décisif pour les artistes. Installé dans la culture populaire et nécessaire à la construction d’une identité visuelle originale pour l’artiste, lui permettant de s’ériger en modèle et de créer autour de lui une grande désidérabilité, il n’est pas étonnant qu’il représente, pour les artistes issus des minorités, un enjeu de conquête du public et de légitimation de l’existence de certaines populations.
Il s’agit maintenant de comprendre, dans le cadre de notre étude sur la minorité afro-américaine queer, pourquoi le hip-hop et plus spécifiquement le clip de Rap constitue un espace d’expression particulièrement intéressant et ce, tout d’abord, en mesurant le succès que connaît aujourd’hui ce genre musical et de comprendre dans quelle mesure le rap et l’imagerie qui l’entoure se sont imposés dans la culture populaire.

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Le clip hip-hop : un succès indéniable et croissant sur YouTube

Le hip-hop est né au début des années 70 et regroupe trois formes principales d’expression à savoir le rap, forme d’expression la plus connue, le breakdance, et le graffiti. Plus qu’un genre musical donc, le hip-hop a souvent été associé à un certain mode de vie et de pensée, issus de l’expérience afro-américaine dont il en est le fruit.
Comme beaucoup de mouvements culturels, il regroupe une communauté d’adeptes autour de valeurs et de codes communs, sur lesquels nous reviendront plus tard dans ce mémoire. Longtemps considéré comme une contre-culture destinée à la jeunesse et particulièrement à l’adolescence, l’âge où l’on remet tout en question, le hip-hop s’est installé au fil des années dans le paysage culturel et a pris aujourd’hui une ampleur considérable.
Dans cette partie, il s’agira de comprendre dans quelle mesure le hip-hop s’est banalisé dans la culture populaire en observant à travers les statistiques de visionnage générées par YouTube, quelle place occupe le genre musical. Le choix de mesurer l’impact à travers cette plateforme est motivé par :
1. le fait que YouTube compte plus de 1,5 milliards de requêtes chaque jour, dont 23 à 30%56 d’entre elles appartiennent à la catégorie Musique, ce qui en fait la catégorie la plus visionnée sur la plateforme, qui de fait devient représentative de la consommation de musique aujourd’hui
2. le fait que YouTube soit le terrain de recherche de cette étude et aujourd’hui l’outil le plus utilisé pour regarder des clips musicaux.
Les tableaux réalisés (ANNEXE 2) présentent des données collectées sur la plateforme concernant le succès des dix artistes les plus populaires et des dix titres les plus visionnés sur YouTube. Notre étude se restreignant à l’expérience afro-américaine et de ce fait localisée aux Etats-Unis, nous avons borné notre recherche à cette zone particulière. Les résultats affichés concernant la zone France feront office de point de comparaison et permettront de comprendre que l’engouement pour le style musical n’est pas exclusif à l’Amérique du Nord. De la même façon, trois périodes seront étudiées pour justifier de l’aspect pérenne du phénomène et ne pas l’inscrire dans une temporalité trop courte, qui ne serait pas significative de son succès.

Table des matières

INTRODUCTION 
I. LA FORCE DU MÉDIUM CLIP DANS LA TRANSMISSION DE VALEURS ET DE, PARADIGMES 
1. Le clip : un outil commercial et culturel central
a. De MTV à YouTube : un acteur central de la pop culture
b. L’artiste comme icône : l’intérêt narratif du clip dans la communication de l’artiste
c. Le clip hip-hop : un succès indéniable et croissant sur YouTube
2. Black rap culture illustrée dans les clips de rap mainstream : une performance de Genre racialisée
a. Expression d’une identité en marge et authenticité : le storytelling de la « »thug life »» dans les clips de rap US
b. Le racisme post mouvement des Droits Civiques aux Etats-Unis : le script emprisonnant de la vie de gangster
c. Pathologie des corps noirs et représentation de la sexualité de la bitch et du nigger à travers le gangsta rap
II. DÉSIDENTIFICATION : LA RÉAPPROPRIATION DES CODES DU HIP-HOP PAR LES, ARTISTES QUEER POUR REMETTRE EN QUESTION LES MODÈLES CULTURELS “BLANC”, “AFRO-AMÉRICAIN”, ET « »HÉTÉROSEXUEL »» 
1. Les enjeux de la visibilité de la minorité queer afro-américaine, sur YouTube
a. Remettre en question les normes sociales de Genre
b. « »Black men loving black men is a revolutionary act »» : l’absence de représentation du désir homosexuel chez l’homme noir dans la culture populaire.
2. Faire du clip de hip-hop un objet politique
a. Réappropriation des codes du gangsta rap et désidentification
b. Le corps comme lieu de pouvoir
c. Get Your Freak On : imagerie de l’érotisme gay et mise en scène de la déviance sexuelle, homosexuels et lesbiennes, travestis et sadomasochistes
III. YOUTUBE, UN DISPOSITIF HÉTÉRONORMATIF, ARTICULÉ PAR DES LOGIQUES CAPITALISTES 
1. Logique commerciale et enjeux hégémoniques de la plateforme
a. Mirage de la visibilité pour tous : contrats commerciaux avec les majors
b. Politique de référencement : statistiques et recommandations
c. Une certaine vision de la bienséance : politique de censure, limite d’âge et « »explicit content »»
2. Une interface informatique incompatible avec la nature intrinsèquement originale de l’oeuvre et de l’artiste
a. Standardisation de l’identité et de l’expression créative
b. Economie créative et industrialisation de la culture »: l’artiste au service de l’économie capitaliste
CONCLUSION 
LES REFERENCES

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