Les engrais fécaux contrôlés
Fabriquer l’engrais humain, une industrie classée
Outre les opérations de vidange proprement dites, la réglementation vise également les industries qui transforment les déjections humaines en engrais. Intégrée au droit de la voirie, objet urbain particulier, divers travaux ont été menés sur la question, en particulier sur Paris, à l’instar de ceux de l’archéologue Secardin951 , des historiens Weidenfeld et Morrison sur le Moyen-Age952 et Poughon sur le XIXe s.953 . Les voiries d’autres villes ont également été étudiées, Bordeaux retenant l’attention de l’architecte Schoonbaert954 , inspiré par Guerrand 955 . La ville de Grenoble a mobilisé l’attention de plusieurs chercheurs, avec Baret-Bourgoin sur les questions d’acceptabilité956, et Dumons et Zeller qui consacrent pour leur part un chapitre sur la manipulation des excreta humains : une activité sévèrement réglementée 957 .
Plus récemment, des travaux ont été conduits sur Tours par Baumier-Legrand 958 . Le statut des fabriques ou voiries de transformation des déjections humaines, source de puanteur pour leur voisinage, est stratégique dans un contexte où seuls les fertilisants azotés d’origine animale sont disponibles pour engraisser les sols agricoles. Comme le soulignent les observations formulées lors de la séance du 17 décembre 1804 de la Classe des sciences physiques et mathématiques de l’Institut la fabrication de la poudrette commence à s’établir dans toutes les grandes villes de la France [et que cette opération] développe nécessairement et pendant longtemps une odeur très-désagréable, [il convient d’implanter les] établissements de cette nature… dans des lieux bien aérés et éloignés de toute habitation : non que nous regardions les produits gazeux qui s’en exhalent comme nuisibles à la santé ; mais on ne peut pas nier qu’ils ne soient incommodes, infects, désagréables, pénibles à respirer, et que, sous tous ces rapports, ils ne doivent être écartés de l’habitation des hommes.
De la fertilité et de la fraîcheur de l’engrais humain
Exemple de restriction sanitaire, depuis la fin du XVIIe s. à Paris, l’emploi de l’engrais humain en agriculture est très strictement réglementé. Illustration des décisions prises, une sentence de Police de Paris du 10 juin 1642 vise les décharges des matières fécales aux fosses destinées à cet effet, [et fait] défense aux laboureurs de les enlever qu’après trois ans. Afin de s’assurer de la bonne exécution de cette obligation, une seconde ordonnance est prise le 13 décembre 1697 qui défend aux laboureurs de se servir de matières fécales pour fumer leurs terres avant qu’elles soient reposées et consommées suffisamment et qu’ils en aient obtenu la permission.
En application de diverses sentences de police, réitérées dans le temps, prises le 28 février 1710, le 19 février 1720 et le 2 mai 1726 967 , les laboureurs des environs de Paris n’ont pas le droit d’employer l’engrais frais, car seule la poudrette est autorisée, protégée par des lettres patentes. Confronté à des plaintes et à un nombre élevé de contrevenants, le Lieutenant général de police condamne à l’amende plusieurs jardiniers pour avoir répandu sur leurs terres des matières fécales fraîches. Aussi, une nouvelle sentence de Police est-elle rendue le 4 octobre 1726.