LES EMULSIONS DE LEUR FORMULATION A LEUR STABILITE
Les émulsions sont des systèmes dispersés métastables1 constitués d’au moins deux fluides non miscibles, dont l’un est dispersé dans l’autre, et d’au moins une molécule amphiphile. On distingue donc une phase dite dispersée, le plus souvent minoritaire en terme de volume, contenue dans une phase dite continue, le plus souvent majoritaire. La non miscibilité des deux phases impose, par répulsions d’origine électrique et stérique, la formation de gouttes – obtenues après mélange par une action mécanique – dont l’énergie interfaciale (à l’interface des deux fluides) a un niveau élevé qui tend à évoluer vers un niveau le plus faible possible : il s’agit des processus de démixtion. D’un point de vue thermodynamique, une émulsion est donc instable même si en pratique, les émulsions commercialisées ont une stabilité cinétique qui peut atteindre plusieurs années.
Ce sont généralement des émulsions huile dans eau (H/E), qui correspondent à la dispersion d’une phase huileuse dans une phase aqueuse continue, et dans une moindre mesure des émulsions eau dans huile (E/H) où une phase aqueuse est dispersée dans une phase huileuse continue. Cette base de fluides complexes est très largement utilisée dans les industries pharmaceutiques et cosmétiques pour obtenir des crèmes, des pommades ou des lotions (plus liquides). On les retrouve aussi dans les produits de notre quotidien comme par exemple en agroalimentaire (lait, beurre, vinaigrette, mayonnaise, etc.) et dans les produits pétrochimiques ; dans ce cas il s’agit plutôt d’émulsions E/H (émulsions pétrolières, etc.). Ce chapitre de contexte rappelle de manière synthétique les mécanismes qui caractérisent les émulsions et les éléments physico-chimiques et biologiques qui contribuent à leur stabilité. Au cours du vingtième siècle, la formulation des émulsions, représentées par des systèmes eau/huile/tensioactif, a suscité de nombreuses études. Bancroft, en 1913, énonce une règle empirique selon laquelle la phase continue de l’émulsion est celle dans laquelle le tensioactif est le plus soluble. En 1949, Griffin propose la notion de HLB
INTRODUCTION AUX EMULSIONS : DES FLUIDES COMPLEXES INSTABLES
Paramètres influençant l’organisation structurale et la stabilité des émulsions Dans le cas le plus simple d’une crème cosmétique, il faut associer deux composés non miscibles pour réaliser une émulsion H/E : d’une part une phase huileuse (notée H), généralement composées d’huiles végétales ou synthétiques, de beurres ou de cires et d’autre part une phase polaire (notée E), correspondant à une solution aqueuse plus ou moins complexe contenant des polymères, des sels et des actifs (de nature glucidique, protéique, etc.), et dans laquelle des équilibres chimiques (acido-basiques par exemple) sont possibles. L’émulsion la plus rudimentaire correspond au minimum à un mélange de l’huile (fluide minoritaire) dans de l’eau (noté H/E).
À l’interface entre les deux liquides, l’absence de liaisons hydrogène et d’interactions électrostatiques est responsable de la non miscibilité [6]. Cette interface se distingue donc par une énergie interfaciale (en J.m−2 ), autrement désignée sous le terme de tension interfaciale élevée (en N.m−1 ). Pour abaisser cette tension et rendre possible les interactions intermoléculaires entre les deux liquides, l’ajout de molécules amphiphiles est nécessaire. Il s’agit de molécules tensioactives qualifiées d’émulsionnantes
Les interactions entre particules dispersées
Dans le cas d’une émulsion simple diluée H/E, nous distinguons deux phases liquides. Au sein de ce mélange, des interactions sont possibles entre particules au sein d’une même phase et entre les deux phases. Dans la phase continue aqueuse contenant des composés le Davina Desplan page 15 plus souvent chargés (polymères, sels, etc.), les interactions électrostatiques (existantes entre molécules polaires et chargées) et liaisons hydrogènes sont prédominantes. Dans la phase huileuse (ici dispersée sous forme de gouttes), dominent principalement des interactions attractives de type Van der Waals entre les atomes des molécules d’huiles contenues dans les gouttelettes. Ces gouttelettes huileuses sont recouvertes de molécules amphiphiles (émulsifiants, polymères, etc.) ne présentant pas de charges et de polarité du côté huileux, mais étant polaires pouvant être chargées à l’interface avec l’eau.
Ces molécules adsorbées à la surface des gouttelettes représentent une barrière stérique qui, associée aux interactions longues distances possibles entre les gouttelettes du fait des charges électriques externes, participe au maintien de celles-ci à l’état dispersé et à la diminution de la tension interfaciale. Les structures internes des émulsions et leurs évolutions sont donc fortement déterminées par les forces existantes entre particules dispersées. Les deux phases sont maintenues dans un état d’équilibre grâce à la superposition de différents types de forces à l’interface via la présence de tensioactifs. D’une part, on distingue les interactions attractives2 de Van der Waals qui, avec les mouvements browniens, sont à l’origine de la floculation des particules. L’attraction entre particules dispersées dans un solvant résulte en fait des interactions des nombreuses molécules constituant ces particules avec la phase continue. Elle possède généralement une portée effective de quelques dizaines de nanomètres . Les interactions de Van der Waals regroupent les interactions intermoléculaires dipolaires de faible intensité (Debye, Keesom et London) qui rend-compte de la dissymétrie de répartition des charges électriques (positives et négatives) de molécules ou de particules polaires, de par sa structure chimique (dipôle permanent) ou de par son environnement proche (dipôle induits).