Les éléments favorables et non favorables au développement des compétences

Accompagnement des nouveaux enseignants

Comme on peut le constater, les résultats de plusieurs recherches font état d’une multitude de difficultés vécues par les nouveaux enseignants durant les premières années dans la calTière. On comprend également l’importance de la période d’insertion professionnelle et l’influence qu’elle exerce sur l’avenir des enseignants débutants. Il est clair pour plusieurs que des mesures s’imposent pour gérer la transition entre la formation et la prise de fonction (Archambault, 2004; Mukamurera, 2005; Lamontagne, 2006; Vallerand et Martineau, 2006). La situation problématique en insertion professionnelle dans l’enseignement perdure depuis déjà trop longtemps (Martineau, 2006a). Des instances éducatives s’alarment depuis des années. La réforme de la formation à l’enseignement de 199210 a permis de reconnaître l’ importance particulière que l’on doit donner à l’insertion professionnelle. Ainsi, une volonté de mettre en place certains dispositifs d’insertion permettant d’offrir un accompagnement aux nouveaux enseignants a été exprimée, et ce, dans le but de favoriser leur entrée dans la profession. Le CSÉ (1997), le MÉQ (1992), ainsi que l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (2003) se sont penchés sur la question et ont manifesté une urgence de poser des actions concrètes (Martine au, Presseau et Portelance, 2005).

Quant au COFPE (2002), il a formulé un ensemble de recommandations au Ministre de l’Éducation relativement à l’insertion professionnelle des enseignants. En 2004, le MÉQ, le COFPE et le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) ont rassemblé des chercheurs, des intervenants, des décideurs et des enseignants dans le cadre d’un colloque sur le thème de l’insertion professionnelle en enseignement, afm de se pencher une fois de plus sur la situation. Lors de ce colloque, le sous-ministre à l’éducation préscolaire, à l’ enseignement primaire et secondaire de l’époque, Robert Bisaillon, a reconnu la nécessité d’offrir des mécanismes d’insertion afin de favoriser le développement d’une solide expertise professionnelle chez l’ enseignant. La présidente de la FSE, Johanne Fortier, a également insisté sur la nécessité que tous les acteurs scolaires s’engagent dans des actions concrètes (Archambault, 2004). En 2006, un colloque sur l’insertion professionnelle s’est tenu dans le cadre du congrès de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (ACFAS). Plusieurs résultats de recherches entourant le thème de l’insertion professionnelle ont alors été présentés. De plus, le Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE) a récemment été mis sur pied, afin de fournir un point de service commun sur Internet pour les commissions scolaires, les établissements et les enseignants concernant l’insertion professionnelle (Martineau, 2006a). Il offre, entre autres, un forum de discussions pour les enseignants débutants, un service de mentorat virtuel, ainsi que de multiples informations sur le sujet fréquemment mises à jour. Toutes ces initiatives montrent que pour plusieurs intervenants du milieu, le développement de mesures d’aide à l’insertion professionnelle se présente comme un moyen de remédier à la situation difficile vécue par un bon nombre d’enseignants débutants.

Impact des programmes d’accompagnement

Le COFPE (2002) tient à préciser qu’il ne possède pas les données nécessaires pour faire un lien entre les insatisfactions vécues par les débutants, les carences dans l’accueil et l’ accompagnement en début de carrière et la non-persévérance dans l’enseignement. Toutefois, des résultats d’études américaines et canadiennes révèlent, selon le comité, que les programmes d’insertion dans l’enseignement contribuent à favoriser une intégration harmonieuse et à diminuer le taux d’abandon de la profession. D’ailleurs, une recension de dix études américaines portant sur l’ impact des programmes d’insertion professionnelle et du mentorat sur la rétention des enseignants débutants révèle que ces mesures ont un impact positif sur leur maintien dans la profession (Ingersoll et Kralik, 2004). Cependant, certaines de ces études démontrent que pour être efficace, le programme doit inclure d’autres mesures ou éléments en plus du mentorat. Martineau et Vallerand (2007) affirment quant à eux que l’efficacité des programmes d’accompagnement est gage d’ une plus grande rétention des enseignants dans le métier, ainsi que d’un meilleur développement de leurs compétences professionnelles. D’autres résultats d’études américaines prétendent que des débutants ont développé certaines habiletés grâce au soutien reçu dans le cadre d’ un programme d’ insertion professionnelle.

On parle ici de la planification, de la gestion de classe et des stratégies d’enseignement. Ces jeunes enseignants ont également développé un plus grand sentiment de compétence et de confiance (Lamarre, 2003). Par ailleurs, une recherche américaine nous apprend que pour les nouveaux enseignants, l’un des facteurs qui influence le choix de demeurer dans la profession ou de la quitter est l’attitude des collègues. En effet, ceux ayant été accueillis par des collègues généreux de leur temps et de leur matériel tendent à poursuivre davantage dans la profession que les autres (Cooke et Pang, 1991)13. Philippe Dupuis, directeur du Centre de recherche en administration des organismes d’éducation (CRAOE), abonde dans le même sens et affirme que le dispositif de soutien qui est de plus en plus répandu, soit le mentorat, permet au nouvel enseignant de développer davantage sa confiance et ses aptitudes. Il ajoute même que ce type d’accompagnement apporte généralement beaucoup au mentor (Université de Montréal, 2006). Pour plusieurs, le mentorat est sans aucun doute particulièrement efficace pour soutenir les nouveaux enseignants (COFPE, 2002; Vallerand et Martineau, 2006). D’après une recension des écrits sur l’insertion professionnelle en enseignement réalisée par Vallerand et Martineau en 2006, les principaux bénéfices du mentorat ont été cernés. Le mentorat permet d’abord de faciliter l’insertion professionnelle en général que ce soit au plan de la participation au sein de l’école, de la transition entre l’université et le milieu de pratique, de la transmission de l’information sur le fonctionnement de l’école, etc. Il réduit ensuite l’ isolement et la détresse professionnelle.

Il permet également l’apprentissage de la profession et le développement professionnel. II favorise la rétention des enseignants et évite le décrochage de la profession. II permet aussi la construction de l’identité professionnelle. II amène finalement, par ricochet, une meilleure réussite des élèves (Bergevin et Martineau, 2007). Quelques impacts négatifs ont également été répertoriés concernant le mentorat. Si ce dispositif comporte des qualités certaines, il présente aussi quelques limites. Il pourrait d’abord favoriser le conformisme. En voulant épargner des efforts au novice, il s’avère souvent que les mentors encouragent davantage l’imitation que le développement du style personnel du nouvel enseignant (Boutin, 1999). Aussi, cette forme d’accompagnement peut renforcer la tendance individualiste que l’ on retrouve en enseignement. En effet, le mentor n’est pas porté à ouvrir sa classe au novice, ni à l’ encourager au travail d’équipe avec les collègues. De plus, ce soutien peut parfois entraver le développement d’une démarche réflexive (Gervais, 1999). Également, comme certains mentors sont appelés à évaluer les novices, ces derniers se voient dans une position qu ‘ ils trouvent plutôt délicate (Martine au, 2006a). II semble néanmoins qu’il y ait davantage d’ impacts positifs que négatifs pour les enseignants débutants qui participent à un programme d’insertion professionnelle. La nature des retombées peut toutefois varier d’ un programme à l’autre, puisque le contenu et les façons de faire pour soutenir les novices ne sont pas uniformes.

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Statistiques sur le décrochage dans la profession enseignante

Malgré les apports positifs des programmes, plusieurs enseignants débutants ne reçoivent pas de soutien ou celui-ci s’avère insuffisant. Nous constatons que le taux de décrochage de la profession persiste. Bien que les raisons exactes à la source des départs ne soient pas connues, des statistiques publiées par le MÉQ nous apprennent que dans les cinq années qui suivent l’entrée dans l’ enseignement, près de 20% des nouveaux enseignants du primaire et du secondaire quittent la profession (Chouinard, 2003). Déjà en 1992, une étude menée sur le travail enseignant à l’échelle nationale du Canada (King et Peart) exposait que 10% des enseignants abandonnaient la profession au cours des trois premières années d’exercice. Des données plus récentes concernant les déclarations du personnel des commissions scolaires provenant de la banque PERCOS révèlent, à la suite de l’examen d’une cohorte d’ enseignants ayant obtenu leur diplôme en 1998, que 17% d’entre eux avaient quitté la profession dans les cinq premières années qui ont suivi leur embauche dans une commission scolaire. Du côté francophone, on retrouve 15% d’abandon dans la grande région de Montréal et 21 % pour les autres régions du Québec.

Chez les anglophones, 28% des novices décrochent. Les données consultées démontrent également certaines variantes selon l’ordre d’enseignement. Ainsi, au préscolaire et primaire, 13% des nouveaux embauchés ne paraissent plus dans les données du MÉQ, tandis qu’au secondaire, en formation générale, le pourcentage s’élève à 21% et à 23% pour ce qui est des champs d’enseignement spécialisé. Enfin, du côté de l’ adaptation scolaire, 9% des nouveaux enseignants quittent le domaine (Chouinard, 2003). Ce phénomène n’est pas exclusif au Québec, il est également répandu dans le reste du Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays en Europe. Du côté de l’Ontario, dans les écoles francophones, on compte jusqu’à 50% des nouveaux enseignants qui quittent leur travail après une année ou deux d’exercice (Allard, 2006). Quant à nos voisins du sud, ceux-ci voient 22% de leurs enseignants quitter la profession avant trois ans d’exercice et après cinq ans, le pourcentage monte à 50% (Mc Warren, 2000)14. On constate que la profession enseignante est l’une où l’on décroche le plus lorsqu’on compare son taux de désengagement avec celui des autres professions qui se situe à 6 % (Walker, 1992)15. Sans être alarmiste, si l’on va jusqu’à considérer les enseignants qui ont pensé quitter le métier, on constate, dans une enquête menée par Huberman (1989), que 18% des enseignants à leurs débuts dans la carrière se demandent s’ils vont rester dans la profession ou quitter. On s’aperçoit également, d’après une enquête récente sur l’ insertion dans l’enseignement réalisée en 2005 par Mukamurera (presse canadienne, 2006) que 51 % des enseignants interrogés ont envisagé décrocher, dont 17% à au moins trois reprises.

Table des matières

REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE l PROBLÉMATIQUE
1. 1 Caractéristiques de l’ insertion professionnelle des nouveaux enseignants
1.2 Difficultés rencontrées au cours des premières années d’ exercice
1.3 Accompagnement des nouveaux enseignants
1.4 Impact des programmes d ‘accompagnement
1. 5 Statistiques sur le décrochage dans la profession enseignante
1.6 Objet de recherche, question et objectif
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
2.1 Programmes d’accompagnement des novices
2.1.1 Objectifs des programmes d’accompagnement
2.1.2 Personnes ciblées
2. 1.3 Durée du programme
2. 1.4 Mentorat
2.1.5 Rencontres de groupe
2.1.6 Formations
2.1.7 Documents d’ information
2.1 .8 Particularités
2.2. Orientations du programme de formation à l’enseignement
2.3 Compétence professionnelle
2.4 Référentiel des 12 compétences professionnelles
CHAPITRE III MÉTHODOLOGIE
3.1 Type de recherche
3.2 Approche méthodologique
3.3 Participantes et critères de sélection
3.4 Outil et stratégie de cueillette des données
3.5 Procédure d’analyse des données et validation
CHAPITRE IV ANALYSE DES RÉSULTATS
4.1 L’expérience de Claudie
4.1.1 Description de l’expérience d’ accompagnement
4.1.2 Les obstacles rencontrés
4.1.3 Les éléments favorables et non favorables au développement des compétences
4.2 L’expérience de Sarah
4.2.1 Description de l’expérience d’accompagnement
4.2.2 Les obstacles rencontrés
4.2.3 Les éléments favorab les et non favorab les au développement des compétences
4.3 L’expérience de losée
4.3.1 Description de l’expérience d’accompagnement
4.3.2 Les obstacles rencontrés
4.3.3 Les éléments favorables et non favorab les au développement des compétences 0
4.4 Synthèse des expériences
4.4.1 Description de l’ expérience d’accompagnement
4.4.2 Les obstacles rencontrés
4.4.3 Les éléments favorables et non favorables au développement des compétences
CHAPITRE V DISCUSSION
5.1 Les retombées favorables sur le développement des compétences professionnelles
5.2 Les conditions qui favorisent le développement des compétences
5.3 Les conditions qui nuisent au développement des compétences
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICE A CAHIER DE CONSIGNATION DU PARTICIPANT …
APPENDICE B DOCUMENT DE VALIDATION DU RÉCIT DE L’EXPÉRIENCE DU PARTICIPANT

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