Indépendamment des façons de concevoir, de structurer et d’appliquer l’INA, il semble que les programmes les plus efficaces et reconnus possèdent des caractéristiques similaires. Le survol des écrits nous permet d’identifier sept éléments communs à ces programmes efficaces : (a) une méthode d’intervention de groupe en contexte de vie en plein air; (b) le déséquilibre et l’environnement non familier; (c) les conséquences naturelles; (d) la réflexion et les discussions sur les expériences vécues; (e) l’intégration de plusieurs modèles d’intervention; (f) la restructuration de la relation intervenant/client et; (g) le transfert de l’intervention.
UNE MÉTHODE D’INTERVENTION DE GROUPE EN CONTEXTE DE VIE EN PLEIN AIR
En termes de milieu thérapeutique, l’environnement social est sans aucun doute le premier agent de changement et constitue un aspect vital du processus d’intervention (Gass et al., 2012; Newes & Bandoroff, 2004). Bien que certains programmes utilisent l’intervention individuelle, la plupart d’entre eux sont principalement construits sur la base d’un processus de groupe (Newes & Bandoroff, 2004). Si ce type de programme s’offre à tout type de clientèle, la plupart des groupes sont formés d’adolescents. Alors que le groupe social et l’influence des pairs prennent une grande importance à cette période de la vie, cette stratégie d’intervention prend toute son importance et semble tout à fait appropriée à cette clientèle (Russell, 2004).
La proximité et le partage qui s’effectue au sein d’un groupe lors d’un programme d’INA peuvent s’apparenter à une famille (Gass et al., 2012). Plusieurs participants font d’ailleurs cette analogie à la fin d’une expérience de ce genre (Russell, 2005). Ainsi, alors que plusieurs jeunes vivant des difficultés diverses ont expérimenté une vie familiale dysfonctionnelle ou difficile, cette nouvelle expérience peut leur permettre de vivre des opportunités positives et être bénéfique (Gass et al., 2012). De plus, la vie en groupe offre des situations qui deviennent des occasions de résolutions de conflits (Michael Gass, 1993) et qui favorisent la coopération (Kyriakopoulos, 2011; Nadler, 1993).
Ainsi, en surmontant les défis et les difficultés reliées à ce type d’expérience, les membres du groupe développent des liens forts et uniques (Bergeron-Leclerc et al., 2012; Gargano & Bergeron-Leclerc, 2013). Cette dynamique peut, par exemple, faciliter l’expression des sentiments et le partage de rétroaction (Russell & Phillips-Miller, 2002). En se basant sur différentes études, Kyriakopoulos (2011) soutient d’ailleurs que le fait d’être engagé dans une dynamique de coopération augmente le sentiment de confiance des participants envers les autres et réduit l’anxiété liée à être en groupe.
DÉSÉQUILIBRE ET L’ENVIRONNEMENT NON FAMILIER
Un des objectifs de l’INA est de retirer les participants de leur environnement familier et de les plonger dans une situation nouvelle et unique (Michael Gass, 1993), souvent à la limite de leur zone de confort (Gass et al., 2012; Nadler, 1993). Dans cet environnement nouveau, les participants sont confrontés à des difficultés et des défis parfois assez importants les conduisant à un certain déséquilibre et les exposant à des incidents similaires à ceux qui surviennent dans la vraie vie sans y être forcés (Gass et al., 2012). L’étude de Revell et al. (2013) sur la perception de participants sur les facteurs les plus aidants de leur expérience de thérapie par le plein air stipule d’ailleurs que l’aspect « être dans un nouvel environnement » en est un classé comme « considérablement aidant ».
Plongés dans ce contexte, les participants doivent alors chercher de nouvelles solutions et modifier leurs modes de fonctionnements habituels, ce qui stimule leur autonomie et suscite une motivation les menant à des changements thérapeutiques appropriés (Gass et al., 2012; Kyriakopoulos, 2011; Nadler, 1993). Ils deviennent ainsi des acteurs de leur changement plutôt que d’en être spectateur (Michael Gass, 1993; Tucker et al., 2013). Pour faire un lien avec certains concepts en travail social, ceci renvoie à une augmentation de l’autodétermination ou de l’appropriation du pouvoir des participants. Par ailleurs, l’accomplissement de ces défis et le dépassement de soi entraînent chez la plupart des participants une augmentation de la confiance en soi (Russell & Phillips-Miller, 2002). En d’autres termes, Newes et Bandoroff (2004) mentionnent que cette situation donne l’opportunité aux participants d’explorer de nouvelles stratégies sans réel danger et sans être submergés par la lourdeur des problématiques abordées dans le cadre de la thérapie.
DES CONSÉQUENCES NATURELLES
Les conséquences naturelles sont les effets produits par une décision ou une action d’un participant sans l’intervention d’un autre individu. Elles résultent du contexte, du milieu, de la situation ou des circonstances, hormis toute autre action humaine (Priest & Gass, 2005). La météo, une mauvaise gestion d’équipement et un mode de vie inhabituel et déstabilisant en sont des exemples. Ainsi, « l’idée […] est d’apprendre de forces non humaines; ce sont les lois de la nature qui dictent les conséquences » (Kimball et Bacon, 1993, cité dans Mercure, 2009, p.79)
Dans un contexte d’intervention avec des adolescents, cet élément qui comprend un aspect concret aux apprentissages des conséquences des comportements revêt toute sa pertinence, notamment en raison du stade de développement neurologique, psychologique et cognitif à l’adolescence (Gass et al., 2012). Si ces conséquences peuvent être négatives, comme de retrouver ses vêtements mouillés hors de la tente à la fin d’une nuit pluvieuse, d’autres peuvent être positives. En effet, un participant qui, suite à une mauvaise expérience précédente, ajuste mieux son sac à dos, aura sans doute moins de douleurs à la fin de la journée. Suite à des bénéfices concrets et directement associés à leurs efforts, les participants peuvent ainsi gagner un sentiment d’accomplissement et de maîtrise personnelle (Rutko & Gillespie, 2013).
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