Les effets du traitement sur le fruit
La pulpe Trois paramètres sont pris en considération dans cette étude : l’acidité, la couleur et le taux de sucre. Ils permettent d’évaluer les effets du traitement sur la qualité des fruits, soit leur pulpe. L’évolution de la couleur, l’acidité (acidité titrable et pH) ainsi que le taux de sucres solubles sont des indicateurs de la maturité mais aussi de la qualité nutritionnelle des fruits (Irtwange, 2006). En effet, pour beaucoup de fruits climatériques : – les acides organiques sont présents à un taux maximal au départ de la sénescence du fruit tandis que les glucides démarrent à un taux environnant les 20% pour augmenter au fur et à mesure du murissement et ce au dépend de la synthèse des acides organiques. Ils sont synthétisés à titre de réserve d’énergie (Perotti et al., 2014). Ainsi le taux de sucres évolue de 0 à 2°Brix au fur et à mesure que le fruit mûrit, et l’acidité diminue tandis que le pH augmente surtout pour les fruits qui synthétisent très lentement le taux d’éthylène nécessaire au murissement du fruit, comme les bananes, la papaye. Très souvent, ces fruits doivent passer en murisserie pour raccourcir le temps nécessaire à la maturation des fruits. – les caroténoïdes sont synthétisés pour protéger les cellules photosynthétiques des dégâts liés au stress oxydatif (Brewer, 2011; Tian et al., 2013). En effet, les molécules ROS régulent la senescence en modifiant l’expression des protéines mitochondriales, et de ce fait en bloquant les fonctions biologiques de ces derniers (Qin et al., 2009). Ces caroténoïdes interviennent aussi dans l’absorption des photons et sont les précurseurs des molécules de signalisation propres à la vie végétale tels les hormones, les parfums et les couleurs (Stange, 2016). L’évolution de la teneur en caroténoïdes en fonction de la maturation du fruit peut être suivie à travers la couleur de la pulpe. En effet, au fur et à mesure qu’il mûrit, la synthèse de carotènes et de xanthophylles au sein du fruit augmente pour atteindre un pic maximal où elle reste stationnaire (Guerra et al., 2015; Saranwong et al., 2004). Pour les bananes, les analyses statistiques ont montré qu’entre quatre traitements, à savoir, aucune HE, 500µL d’HE de ravensare type Méthyl chavicol, 500µL d’HE de menthe industrielle et 500µL de girofles malgaches, la couleur de la pulpe diffère significativement. 106 Cela pourrait suggérer que ces traitements affectent la qualité visuelle du fruit. Toutefois, une autre analyse révèle que la différence est fonction de l’âge des fruits et non de l’HE utilisée. Ce qui voudrait dire qu’entre les quatre traitements, la couleur ne varie pas tant d’une HE à l’autre que de l’âge du fruit au moment de l’échantillonnage. En somme, c’est le niveau de maturité du fruit qui change la couleur et non le traitement appliqué. La couleur de la pulpe étant le reflet de la teneur en caroténoïdes de cette dernière (Ruiz-garcía and Gómez-plaza, 2013), de tels résultats sont en accord avec l’accumulation naturelle de caroténoïdes avec le murissement chez les banane (Wills and Golding, 2016). Le temps T0 et T1 différant seulement d’un jour ou même d’une heure pour l’application de l’HE de ravensare de type MC, il est normal que ces deux temps d’échantillonnage soient groupés ensemble à une distance significative de Tf qui représente la fin de maturation du fruit. Il en est de même pour l’acidité titrable, le pH initial et la teneur en sucres solubles totale des pulpes de toutes les bananes que nous avons testées. L’acidité diminue avec le pH et la teneur en sucres augmente avec la maturité du fruits (Rajkumar et al., 2012). Ainsi, aucun traitement à base d’HE n’affecte significativement les indicateurs de qualité biochimique des fruits. En effet, la teneur en sucres, en caroténoïdes ainsi que l’acidité sont des traits déterminants de l’appétence d’un fruit pour les consommateurs (Brewer, 2011; Ibarra-garza et al., 2015; Irtwange, 2006). Un bon traitement post-récolte des fruits est un traitement pouvant freiner l’altération des fruits (absence de maladies) sans pour autant endommager la valeur marchande de ces derniers (Bautista-Banos et al., 2003). Il peut donc être conclu que l’HE de girofle, ayant la capacité de freiner le développement de l’anthracnose post-récolte des mangues réunionnaises inoculées avec C. asianum sans altérer les traits biochimiques de leurs pulpes a un bon potentiel en tant que traitement post-récolte des fruits. Marandi et al. (2016) ont aussi mis au point un traitement à base d’HE de Thymus kotschyanus et de Carum copticpourum contre la pourriture des raisins de tables sans altérer les attributs physico-chimiques des fruits (Marandi et al., 2016). Pour les mangues malgaches et réunionnaises, il n’y a pas de différences significatives de la couleur des pulpes, quel que soit le traitement et l’âge des fruits. Toutefois, des différences en fonction de l’âge des fruits existent au niveau des autres paramètres. Ce qui voudrait dire que la couleur de la pulpe n’évolue pas en fonction du mûrissement des fruits. Une telle contradiction avec l’accumulation naturelle de caroténoïdes avec le murissement chez les mangues (Rosalie et al., 2015) est possible uniquement dans le cas où les fruits ont déjà atteint leur maturité avant le traitement mais ils se conservent longtemps. Dans ce contexte, il n’y aurait pas de grandes différences entre la teneur en caroténoïdes avant et après 107 le traitement mais aussi en fin de maturation des fruits. Si tel est le cas, alors le grand écarttype au niveau de la sensibilité des fruits aux maladies post-récoltes s’explique encore moins. Toutefois, l’acidité titrable, le pH et la teneur en sucres solubles fluctuent avec l’âge des fruits, et par conséquent l’âge du fruit. Ce qui est plus cohérent avec les phénomènes de murissement d’un fruit (Ahmed and Labavitch, 1980; Perotti et al., 2014), ou plus précisément avec le murissement des mangues où le taux de sucre augmente tandis que l’acidité diminue et la couleur de la pulpe évolue du vert au rouge (Palafox-carlos et al., 2012). L’absence de changement en fonction du murissement du fruit concernerait alors uniquement la teneur en caroténoïdes. Cela suggère que la synthèse de ces derniers à partir des produits du métabolisme primaire atteint un pic à partir duquel il ne fluctue plus et ce bien avant les autres indicateurs de maturité tels l’acidité et la teneur en sucre. Plus simplement, les caroténoïdes, les acides et les glucides répondant à des fonctions différentes dans le fruit, leur accumulation dans les fruits sont régulés en fonction du besoin du fruit et de sa maturité, et ce indépendamment des traitements aux huiles essentielles appliquées.
La peau Faute d’infrastructures, ces études ont été réalisées uniquement sur les mangues réunionnaises
Deux paramètres ont été utilisés pour mesurer les effets possibles des traitements sur la peau des fruits. La mesure de ces deux paramètres permettrait donc de statuer si le traitement appliqué élicite aussi la résistance interne du fruit aux attaques des champignons phytopathogènes (Terry and Joyce, 2004) : – La synthèse de composés chitinolytiques a été évaluée par la mesure de l’activité chitinase dans la mesure où de nombreuses molécules peuvent dégrader la chitine des parois des champignons, antagonisant ainsi ces derniers. Aussi de nombreuses technologies de lutte contre des champignons phytopathogènes ont mis en valeur des produits 108 (extraits de plante, HE, coatings) et des micro-organismes (principalement des bactéries ) ayant des activités chitinases (Herrera-Estrella and Chet, 1999). Malheureusement, nos études ont révélé une absence totale d’activité chitinase au niveau des fruits quel que soit le traitement appliqué et le moment de l’échantillonnage. – La synthèse de composés phénoliques a été évaluée à travers deux indicateurs caractéristiques des mangues, à savoir l’activité phénylalanine-amino-lyase et la teneur en résorcinols. L’enzyme PAL catalyse la synthèse de composés phénoliques au départ de toutes les voies métaboliques cellulaires. C’est un indicateur permettant de suivre la synthèse de composés phénoliques à l’instant t dans une cellule. Les résorcinols sont des composés caractéristiques des mangues, de nombreux travaux leur attribuent des propriétés fongicides. Des études ont avancé que les polyphénols auraient des effets inhibiteurs de la croissance des champignons phytopathogènes (Lattanzio et al., 1994; Palafox-carlos, Yahia, and González-aguilar, 2012) et que la sortie de quiescence des champignons phytopathogènes sur les fruits serait déclenchée par la réduction du taux de résorcinols dans ces derniers (Karunanayake et al., 2011; Sivakumar et al., 2011). Nos études n’ont révélé aucune différence significative des paramètres mesurés en fonction des traitements appliqués sur les fruits, ni en fonction de l’âge du fruit au moment de l’échantillonnage. Ainsi, quel que soit le traitement appliqué sur le fruit, quel que soit l’âge de ce dernier, l’activité PAL ainsi que la teneur en résorcinol de ce dernier ne change plus 15 jours après le stade point jaune. Ce qui est en contradiction avec la littérature citée-plus haut, mais aussi en contradiction avec les travaux de Shao et al. (2015) où le traitement avec l’HE de girofle augmente l’activité PAL de la peau des mangues, et cette augmentation est encore plus grande si le traitement est combiné avec du chitosan (Shao et al., 2015). En effet, le taux de polyphénols devrait au minimum diminuer avec la maturité du fruit au profit des polyphénols oxydés, ce qui serait à l’origine du brunissement progressif des fruits avec la senescence. En effet, les composés phénoliques font partie des antioxydants synthétisés par la plante pour se protéger du stress oxydatif (Ruiz-garcía and Gómez-plaza, 2013; Ueda et al., 2000) et particulièrement dans le cas du résorcinol, pour résister contre les champignons phytopathogènes (Prusky and Gullino, 2010). La différence se situerait probablement dans l’âge des fruits dans la mesure où la différence au niveau des activités PAL perçues par Shao et al. (2015) connait un maximum, au bout de 48 heures après l’incubation avec l’HE. Nos mesures ont été faites uniquement avant le traitement, après le traitement et en fin de maturation des fruits. Il en est de même pour les résorcinols. L’absence d’une décroissance statistiquement significative du taux de résorcinol dans les fruits reflète une anomalie contradictoire à la tendance généralisée de ce composé à décroitre avec le mûrissement des mangues citées plus haut (Prusky, 1996; Sivakumar et al., 2011) mais en accord avec les travaux de Kienzle et al. (2014) qui ont trouvé que le taux de résorcinols dans les plantes varie en fonction de la variété des mangues et non de la maturité des fruits. Toutefois, ils ont constaté que la blessure des fruits entraine une augmentation brusque du taux de résorcinols dans la peau des fruits qui supporteraient la théorie du rôle protecteur des résorcinols (Kienzle et al., 2014).